Pr Harouna Ouédraogo : « Par jour, en moyenne, 5 à 8 personnes sont hospitalisées pour des problèmes de drogues »

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La consommation des drogues et produits assimilés est en passe de devenir un problème de santé publique tant le phénomène prend de l’ampleur. Pr Harouna Ouédraogo, chef de service psychiatrie au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO), nous renseigne sur les drogues et leurs conséquences néfastes sur la santé.

 

« Santeactu.bf »: Quand on parle de stupéfiants, de drogues, à quoi fait-on référence ?

 

Pr Harouna Ouédraogo: Le terme désigne un certain nombre de substances, qui, une fois introduite dans un organisme vivant vont provoquer des modifications de fonctionnement de cet organisme et l’effet produit va être variable en fonction du type de substances. Il y a des substances qui vont entraîner une sédation c’est-à-dire que la personne à tendance à dormir. Il y a également des substances qui vont exciter le fonctionnement du système nerveux central, donc vont entraîner soit un état d’éveil soit un recul de la sensation de fatigue, de faim. Et d’autres substances qui vont entraîner carrément une perturbation du système nerveux.

 

On parle aussi de produits assimilés à la drogue, de quoi s’agit-il ?

 

Ce sont des drogues quand on prend en compte la définition générale du terme de substances psychoactives. Le fait que ces produits soient en vente libre ne signifie pas qu’ils sont inoffensifs. Il faut comprendre que cela fait partie de la liste des drogues.

 

Est-ce que la vente libre de ces produits constitue-t-elle un problème sur le plan santé ?

 

Bien-sûr. Dans la rue, des marchands ambulants proposent aux populations des médicaments soi-disant pour soigner telle ou telle maladie, alors que parmi ces médicaments, il y en a, qui sont classés parmi les drogues. Celui qui vend le médicament n’est pas un spécialiste parce que c’est le pharmacien qui est le spécialiste du médicament. Et celui qui l’achète prend des risques parce que non seulement, il ne connaît pas les propriétés du médicament mais il n’est pas capable de savoir quelle est la quantité qu’il faut prendre raisonnablement pour éviter des effets néfastes sur la santé. C’est ce qui fait, que c’est un problème qui nécessite que la population soit sensibilisée pour que les gens puissent recourir à des structures sanitaires en cas de problème de santé plutôt que de chercher des solutions de facilité qui peuvent aussi nuire à leur santé.

 

Quelles sont les conséquences de la consommation de la drogue sur l’organisme ?

 

C’est variable en fonction du type de drogue, d’individu qui va consommer la drogue. Schématiquement sur l’organisme, on a des conséquences physique, organique qui peuvent concerner plusieurs organes cibles comme le poumon, le cœur, l’estomac, le système nerveux central. Et à la longue, cela peut déboucher sur des maladies graves.

Il y a également des conséquences sur le plan psychique.  C’est-à-dire qu’il y a un certain nombre de drogues qui vont modifier le comportement du sujet, sa façon de réagir, ses perceptions, les sensations qu’il peut avoir de l’environnement. A la longue, cela peut conduire à un certain nombre de maladies mentales qui constitue des formes de complications psychiques assez importantes.

Et quelles peuvent être les complications au niveau des jeunes ?

 

Ce sont à peu près les mêmes types de complications. Mais dans le cas des adolescents, les relations au sein de la famille seront impactées. Un adolescent, dans un environnement familial donné, qui consomme la drogue va avoir des difficultés avec les parents et cela va créer un cercle vicieux puisqu’aucun ne serait fier de constater que son enfant consomme la drogue. Et dès que le parent va apprendre que son enfant consomme la drogue, il va y avoir une relation parfois très tendue avec cet enfant, des incompréhensions et cela entraîne parfois des escalades qui dégradent la qualité de la vie familiale.

 

Recevez-vous des personnes qui viennent en consultation dans votre service pour des troubles liés à la consommation de la drogue ?

 

Bien sûr que nous recevons des personnes qui ont des problèmes avec la drogue.  Nous avons régulièrement des personnes que nous hospitalisons pour les besoins de la prise en charge. Il y en a dont l’état permet une prise en charge ambulatoire, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas hospitalisées mais sont vu en consultation de façon régulière. Par jour, il y a, en moyenne, 5 à 8 personnes qui sont hospitalisées au service de psychiatrie de façon régulière. A tout moment des patients sont hospitalisés pour des problèmes de drogues. Nous avons également des personnes qui viennent juste pour des consultations ambulatoires. Dans l’années, nous recevons 200 à 300 personnes que nous recevons pour des problèmes en rapport avec la drogue. Mais le constat est qu’il y a une tendance à l’accroissement des personnes prises en charge et diversification des substances mise en cause. Il y a quelques années, nous avions des patients qui étaient reçus pour des problèmes en rapport avec le cannabis, les amphétamines mais de plus en plus nous avons des patients qui sont hospitalisés pour des problèmes en rapport avec la consommation de cocaïne et d’héroïne. C’est cela qui amène à attirer l’attention sur l’ampleur du phénomène au sein de la population.

 

Quels conseils pour lutter efficacement contre les drogues ?

 

En matière de drogue, il faut mettre l’accent sur la prévention. Cela passe par une sensibilisation des adultes, des jeunes, des adolescents, pour qu’ils n’aient pas à recourir à la consommation de la drogue parce que une fois que la personne entre en contact avec la drogue, la prise en charge peut s’avérer difficile. A l’endroit des parents, il faut qu’ils soient attentifs à tout changement de comportements qui viendrait à les tiquer chez leurs enfants, être capables d’en parler avec les enfants et éventuellement prendre la décision et demander de l’aide. A l’endroit des structures, étatiques ou non, qui peuvent intervenir dans le domaine de l’information, de la sensibilisation sur le phénomène, ils ont aussi un rôle important à jouer. Chacun dans son domaine de spécialité doit pouvoir contribuer à l’information dans la perspective de prévenir l’entrée dans la drogue. Il faut sensibiliser pour ne pas que les personnes consomment la drogue mais il faut hélas réprimer.

 

Pouvez-vous nous décrire des signes, des caractéristiques qui montrent qu’un jeune consomme la drogue ?

Si on est parent, la chose la plus simple que l’on peut déceler chez son enfant, c’est un changement de comportement. Il y a un certain nombre d’indices.  Le premier, ce sont les sorties non justifiées ou/et répétées. Deuxièmement, c’est du point de vue de sa conduite vis-à-vis des parents. L’enfant devient de plus en plus arrogant, de plus en plus brouillon, un peu impoli et des réponses à des sollicitations qui sont incorrectes. Les signes peuvent ressortir aussi au niveau du sommeil. Par exemple, des adolescents qui vont passer toute la journée à dormir sous prétexte qu’ils n’ont rien à faire et qui vont passer veiller sous prétexte qu’ils s’amusent. Le changement d’attitude peut aussi concerner l’alimentation. L’enfant peut, dans certaines situations, avoir plus envie de consommer la drogue plutôt que de manger. Il n’a pas l’appétit sans raison valable. Il y a aussi le regard. Il y a que pour certaines substances, quand l’adolescent les consomme, immédiatement, rien qu’à travers son regard, il y a un changement qu’on perçoit et cela doit attirer l’attention des parents et déclencher l’entretien avec l’enfant dans la perspective de comprendre ce qui se passe. Pour résumer, tout changement de comportements chez un adolescent doit faire penser à la problématique de la consommation de la drogue.

 

Interview réalisée par Françoise DEMBELE

 

 

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