FILARIOSE LYMPHATIQUE : les dessous d’une maladie négligée

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La filariose lymphatique fait partie des 17 maladies tropicales négligées (MTN). Et selon l’Organisation mondiale de la santé(OMS), plus de 120 millions de personnes sont actuellement infectées, et environ 40 millions d’entre elles souffrent de difformités et sont handicapées par la maladie. Le Burkina Faso a aussi ses malades souffrant de filariose lymphatique. Lors d’une séance de sensibilisation à l’ex- trypano à Ouagadougou, nous avons rencontré des malades. Comment vivent-ils avec la maladie ? Peuvent-ils guérir un jour ? L’espoir est, certes, l’ultime chose qui permet à certains de ces malades de surmonter ce mal qui semble être irréversible.

« Eléphantiasis » est le nom couramment donné à la filariose lymphatique. C’est « une infection parasitaire qui peut entraîner des lésions du système lymphatique et une augmentation anormale du volume de certaines parties du corps. Cette infection parasitaire est  à l’origine de douleurs, d’incapacité sévère et de stigmatisation sociale ». Le simple regard jeté sur un membre atteint de filariose lymphatique provoque des frissons chez celui qui ne connait pas cette maladie et même pour celui qui la connait parce que la vue du membre atteint ne laisse pas indifférent.

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Et c’est le cas chez Adjeta Ouelgo, célibataire, qui a commencé à développer la maladie il y a de cela  12 ans. « Quand mon pied droit a commencé à s’enfler, on pensait que quelqu’un m’avait jeté un sort. En ce moment j’étais en Côte d’Ivoire. Nous avons donc commencé à soigner le pied malade par des médicaments traditionnels », nous confie Adjeta Ouelgo qui habite à Balkuy, dans la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou. « Courant 2007, je suis venue au Burkina Faso et depuis lors je viens périodiquement dans ce centre pour me faire soigner ». Et pendant qu’on échangeait, sans qu’on ne s’y attende, Adjeta tire de son sac-à-main un sachet d’où elle sort un lot de photos. Avec nostalgie, elle nous montre une photo en confiant : « sur cette image je n’avais pas encore développé la maladie. Tous mes deux pieds étaient normaux ». Juste en ce moment, un des malades passait dans le couloir et par curiosité, il n’a pas pu s’empêché de jeter un coup d’œil sur la photo en question et de s’exclamer « quelle belle fille !» Oui, Adjeta Ouelgo du haut de ces 32 ans est une très belle femme. « Mais ce n’est pas facile », soupire-t-elle. Effectivement parce qu’en plus de la difformité avancée du pied droit, le pied gauche de Adjeta Ouelgo a aussi commencé à s’enfler. Quid du regard des autres ? « Il y en a qui me soutiennent par contre d’autres au vu de mon pied s’écrient « Eh ! C’est une belle femme mais regardez son pied ».  « Actuellement je ne suis pas mariée et je n’ai pas d’enfant. Je ne fais rien comme activité rémunératrice. Nous demandons à l’Etat de nous aider à acquérir les médicaments et à guérir ».

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Un cri du cœur que partage Evariste Simporé, 55 ans, qui développe la maladie depuis 8 ans. Notons que ce dernier pèse plus de 100 kg. Et visiblement ce surpoids ne l’aide pas trop, vu la difficulté avec laquelle il se déplace. En effet, « je ne peux plus travailler et je suis constamment malade et alité. Je suis commerçant mais je ne peux plus exercer ma profession. Même quand je me débrouille pour arriver dans ma boutique, je ne peux pas faire grand-chose parce que marcher constitue un véritable problème pour moi ». Chez Evariste, la maladie s’est extériorisée au niveau du pied gauche et sa fonction motrice commence vraiment à prendre un coup : « Au réveil, je fais plus de cinq minutes avant de pouvoir me lever et marcher ». Malheureusement, Evariste va devoir réadapter sa vie parce que l’infirmité semble être irréversible.

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En effet, « une fois installé, l’éléphantiasis est susceptible de persister mais peut également régresser lentement et partiellement », explique Dr B. Séraphine Zeba/Lompo, dermatologue vénéréologue. Selon elle, « la filariose lymphatique se transmet d’une personne à une autre par les moustiques vecteurs des genres Culex, Aedes, Anopheles et Mansonia. C’est une maladie parasitaire due à la filaire Wuchereria bancrofti (responsable de 90% des cas) ». Comment elle se transmet ? Dr B. Séraphine ZEBA/LOMPO explique le processus : « Les vers adultes se logent dans le système lymphatique et perturbent le système immunitaire. Ils ont une longévité de 6 à 8 ans et, au cours de leur vie, produisent des millions de microfilaires (petites larves) qui circulent dans le sang. L’infection d’un moustique par des microfilaires se produit lorsque celui-ci pique un hôte infecté et ingère son sang. Les microfilaires parviennent au stade infectant à l’intérieur du moustique, puis, lorsque ce dernier pique quelqu’un d’autre, elles sont libérées au niveau de la peau, qui devient leur point d’entrée dans le corps du sujet. Les larves migrent alors vers les vaisseaux lymphatiques où elles parviennent à maturité, perpétuant ainsi le cycle de transmission ». Et c’est 10 à 15 ans après la première crise, si l’infection filarienne est négligée, que survient l’éléphantiasis, poursuit le Docteur. « Il est exceptionnel et spectaculaire. Il siège le plus souvent au niveau des membres inférieurs, mais peut survenir dans tous les territoires où se sont succédé des épisodes de lymphangites aiguës. Sa formation est lente, il reste longtemps bien toléré jusqu’à constituer progressivement une infirmité monstrueuse. La filariose lymphatique ne se développe pas seulement au niveau des membres inférieurs. Elle est susceptible de se développer dans d’autres organes de l’organisme ». Par ailleurs, Dr B. Séraphine Zeba/Lompo estime que « la lutte contre les moustiques est une stratégie complémentaire soutenue par l’OMS. Elle permet de protéger les populations et de réduire la transmission de la filariose lymphatique et d’autres infections transmises par les moustiques ». Pour éradiquer la filariose lymphatique, Dr B. Séraphine Zeba/Lompo, estime que « la lutte anti vectorielle (utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide ou pulvérisation à effet rémanent à l’intérieur des habitations) et la chimiothérapie préventive ou traitement de masse devraient permettre d’éliminer la filariose lymphatique au Burkina Faso ».

Anavah Koeta

 

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