Troubles neuro-développementaux : comment mieux estimer l’effet des mutations génétiques

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Une récente étude, co-dirigée par des chercheurs canadiens (CHU Sainte-Justine et université de Montréal) et français (Institut Pasteur et université Paris Diderot), présente un modèle permettant de prédire l’effet d’un variant génétique sur les traits cognitifs d’une personne, et d’estimer ainsi l’impact d’une mutation génétique sur le quotient intellectuel. Cette découverte ouvre la voie à un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge des enfants à risque de développer des troubles neurodéveloppementaux dès le plus jeune âge. Les résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique JAMA Psychiatry.

Environ 3 à 7 % de la population générale sont atteints de troubles neurodéveloppementaux et psychiatriques, y compris les déficiences intellectuelles, les troubles du spectre de l’autisme et la schizophrénie. Les tests génétiques couramment réalisés chez ces patients identifient dans 10 à 15 % des cas, des mutations contribuant aux troubles neurodéveloppementaux. Cependant l’effet de 90 % de ces mutations n’est pas connu, car elles sont très rares. Comment peut-on évaluer les effets de tels variants sur la cognition d’un individu ?

Une récente étude publiée dans la revue scientifique JAMA Psychiatry, co-dirigée par des chercheurs du CHU Sainte-Justine, de l’université de Montréal, de l’Institut Pasteur et de l’université Paris Diderot, présente un modèle permettant de prédire l’effet des variants génétiques sur les traits cognitifs d’une personne.

 « Concrètement, notre modèle permet d’estimer le nombre de points perdus du quotient intellectuel (QI) induit par une délétion, quelle que soit sa localisation dans le génome du patient. Il s’appuie sur le fait que chaque gène définit une information biologique. Lorsqu’un gène est modifié, sa fonction biologique risque d’être affectée. Si cette fonction est liée à la cognition, le patient s’expose à un risque d’avoir un trouble neurodéveloppemental. De plus, ces effets s’additionnent les uns aux autres, conduisant à une augmentation du risque », précise Guillaume Huguet, PhD, co-premier auteur de l’étude.

Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe de recherche a travaillé sur deux cohortes de la population générale regroupant 2 711 personnes. Dans un premier temps, ils ont identifié chez ces personnes les variations (délétions et duplications) du nombre de copies de gènes. L’équipe de recherche a exploré les caractéristiques intrinsèques à chaque délétion, comme la taille, le nombre de gènes en moins, ou le score d’haplo-insuffisance, c’est-à-dire l’intolérance pour l’organisme de perdre une copie du gène et d’entraîner une altération de sa fonction biologique. L’équipe a ensuite classifié les résultats selon leur « pouvoir de prédiction » et ainsi défini les informations génétiques caractérisant le mieux l’impact des délétions sur le QI.

Pour s’assurer de la pertinence du modèle, les chercheurs l’ont testé par rapport à des délétions récurrentes dont l’impact sur le QI est bien connu. Le taux de concordance entre les observations de la littérature et le modèle était de 75 %.

« Il faut savoir que notre modèle ne permet pas de prédire le QI de l’individu, mais bien la perte de points de QI associée à la présence d’une délétion dans son génome. Si la mutation a un effet important et concordant avec les difficultés cognitives du patient, on peut considérer que cette mutation représente un facteur diagnostic majeur chez le patient », souligne Sébastien Jacquemont, MD, clinicien-chercheur au CHU Sainte-Justine et professeur au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal.

Cette découverte propose une nouvelle méthode pour l’étude des mutations dont la rareté ne permet pas d’utiliser des approches conventionnelles. Elle ouvre ainsi la voie à une meilleure interprétation des analyses génétiques et une meilleure prise en charge des enfants à risque de développer des troubles neurodéveloppementaux dès le plus jeune âge.  L’équipe poursuit aujourd’hui ses recherches afin d’explorer d’autres phénotypes comportementaux en suivant cette même approche d’analyses génétiques.

A propos de l’étude

Les co-premiers auteurs sont Guillaume Huguet, PhD, et Catherine Schramm, PhD, tous deux stagiaires postdoctoraux sous la direction de Sébastien Jacquemont au CHU Sainte-Justine. Les co-auteurs principaux sont Sébastien Jacquemont, MD, médecin généticien et chercheur au CHU Sainte-Justine, professeur agrégé au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal et directeur scientifique de CARTaGENE, et Thomas Bourgeron, PhD, chercheur à l’Institut Pasteur, France, et professeur adjoint à l’Université Paris-Diderot.

Cette recherche a été financée par Calcul Québec et Calcul Canada. Sébastien Jacquemont est bénéficiaire d’une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), d’une Chaire de recherche du Canada en génétique des troubles neurodéveloppementaux et d’une Chaire Jeanne-et-Jean-Louis-Levesque en génétique des maladies du cerveau. Thomas Bourgeron est soutenu par l’Institut Pasteur, l’Université Paris Diderot, et la Fondation Bettencourt-Schueller. Guillaume Huguet a obtenu une bourse de la Fondation CHU Sainte-Justine, une bourse d’excellence pour étudiants étrangers (PBEEE), et une bourse du Réseau de médecine génétique appliquée (RMGA). Catherine Schramm a bénéficié d’une bourse d’excellence IVADO. Eva Loth est soutenue par l’European Autism Interventions (EU-AIMS) qui bénéficie du soutien de l’Entreprise commune pour l’initiative en matière de médicaments innovants dans le cadre de la convention de subvention 115300, dont les fonds sont constitués de contributions financières du septième programme-cadre de l’Union européenne, de la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques, et de l’organisme Autism Speaks. Cette étude est soutenue par la Fondation Brain Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), la Fondation des maladies du cœur du Canada et Wellcom Trust. Cette étude a été rendue possible grâce aux données recueillies auprès de participants de la cohorte du projet de recherche européen IMAGEN et de l’étude sur les jeunes du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Source

Measuring and Estimating the Effect Sizes of Copy Number Variants on General Intelligence in Community-Based Samples, JAMA, 21 mars 2018

Guillaume Huguet (1,2) ; Catherine Schramm (1,2,3) ; Elise Douard (1,2) ; Lai Jiang (3) ; Aurélie Labbe (4) ; Frédérique Tihy (1,2) ; Géraldine Mathonnet (1,2) ; Sonia Nizard (1,2) ; Emmanuelle Lemyre (1,2) ; Alexandre Mathieu (5,6) ; Jean-Baptiste Poline (7) ; Eva Loth (8) ; Roberto Toro (5,6) ; Gunter Schumann (8) ; Patricia Conrod (1,2,8) ; Zdenka Pausova (9) ; Celia Greenwood (3,10) ; Tomas Paus (11,12,13) ; Thomas Bourgeron (5,6,14) ; Sébastien Jacquemont (1,2) ; for the IMAGEN Consortium

1 -Department of Pediatrics, Université de Montréal, Montreal, Quebec, Canada

2 -Center Hospitalier Universitaire Sainte-Justine Research Center, Montreal, Quebec, Canada

3 -Lady Davis Institute for Medical Research, Jewish General Hospital, Montreal, Quebec, Canada

4 -Département de Sciences de la Décision, HEC Montreal, Montreal, Quebec, Canada

5 -Department of Neurosciences, Human Genetics and Cognitive Functions, Institut Pasteur, Paris, France

6 -Centre National de la Recherche Scientifique Genes, Synapses and Cognition Laboratory, Institut Pasteur, Paris, France

7 -Department of Psychology, Berkeley University, Berkeley, California

8 -Institute of Psychiatry, Psychology, and Neuroscience, King’s College London, London, England

9 -The Hospital for Sick Children, University of Toronto, Toronto, Ontario, Canada

10 -Departments of Human Genetics and Oncology, McGill University, Montreal, Quebec, Canada

11 -Rotman Research Institute, Baycrest, Toronto, Ontario, Canada

12 -Departments of Psychology and Psychiatry, University of Toronto, Toronto, Ontario, Canada

13 -Child Mind Institute, New York, New York

14-Human Genetics and Cognitive Functions, University Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France

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