Les pathologies animales transmissibles à l’Homme, généralement par des primates non humains, constituent une menace de santé majeure. En 2018, l’Organisation mondiale de la santé a ajouté la « maladie X » – dont le pathogène inconnu d’origine zoonotique est capable d’infecter les êtres humains – à sa liste des maladies exigeant un effort urgent de recherche et développement. Dans ce contexte, des chercheurs, dont le Dr Tamara Giles-Vernick de l’Institut Pasteur, ont mené une évaluation approfondie en sciences sociales, analysant le mode d’interaction de populations camerounaises avec des primates non humains afin de mettre en évidence les comportements susceptibles d’exposer ces personnes à un risque d’infection par de nouvelles maladies. Leur article a été publié dans la revue PLOS Neglected Tropical Diseases en décembre.
Les zoonoses, c’est-à-dire les maladies d’origine animale transmissibles à l’Homme, représentent aujourd’hui plus de 60 % des maladies infectieuses émergentes. Ces pathologies découleraient à 70 % d’animaux sauvages. En raison de leur similitude avec les primates humains, les singes constituent souvent des réservoirs ou amplificateurs d’agents pathogènes dangereux pour les populations humaines.
Dans le cadre de leurs nouvelles recherches, Tamara Giles-Vernick, cheffe du groupe Anthropologie médicale et environnement de l’Institut Pasteur en France, Victor Narat, du CNRS (qui a effectué son stage post-doctoral dans le groupe de recherche du Dr Giles-Vernick), et leurs collègues ont collecté des données en temps réel, recueilli des témoignages, soumis des questionnaires et réalisé des enquêtes sur la viande d’animaux sauvages afin de dresser un tableau complet de l’exposition physique des habitants du sud-est du Cameroun aux primates non humains. Compilées en 2016 et 2017, leurs informations portaient sur plusieurs villages et des centaines de personnes.
Les chercheurs ont ainsi découvert que la population adulte avait des contacts physiques fréquents avec les primates et davantage avec les singes qu’avec les grands singes. Ces contacts ont lieu le plus souvent à l’occasion de la chasse, du dépeçage, ainsi que de la préparation et de la consommation de la viande, mais résultent également de blessures provoquées par les gorilles. Près de 85 % des personnes interrogées par voie de questionnaires ont indiqué avoir déjà mangé de la viande de primates au cours de leur vie. De manière générale, le risque d’exposition d’un village était directement lié à la densité relative de primates non humains et à la proximité de ces derniers vis-à-vis des habitations.
D’après les chercheurs, « les autorités nationales et internationales devraient inciter à accentuer la surveillance des humains et des nombreuses espèces de singes et encourager la diffusion, auprès des populations, de messages visant à promouvoir des pratiques sûres de manipulation de la viande. Des approches pluridisciplinaires en sciences sociales et écologie devraient être adoptées pour améliorer la surveillance et la communication avec les populations forestières sur les maladies tropicales négligées. »
Et le Dr Giles-Vernick d’ajouter : « Nous ne pouvons pas prédire où et quand la maladie X se déclarera, mais des recherches approfondies en sciences sociales et écologie sont indispensables à l’identification du mode d’émergence des nouvelles pathologies comme celle-ci. »
Source : Institut Pasteur