Les malformations congénitales des membres sont très fréquentes et représentent 1,5 naissances pour 1000. Certaines sont bénignes, par exemple l’absence d’un doigt et d’autres, plus graves, comme l’absence complète d’un membre. La biologie fondamentale étudie notamment les bourgeons des membres en développement et comment ce développement peut être lié aux malformations. A l’intérieur d’une même espèce, la position des membres est plutôt constante mais pourtant assez variable chez les vertébrés. Dans un article publié dans Current Biology (Cell Press), des chercheurs de l’Institut Pasteur ont compris que l’organisation des gènes Hox (architectes des membres) reflète leur ordre d’expression et la future position des membres.
Comment, au cours du développement, est déterminée la position des membres sur le tronc ? C’est une question que les scientifiques se posent encore. A l’exception de quelques espèces, les mammifères possèdent toujours sept vertèbres cervicales et les membres se positionnent à la jonction entre ces vertèbres et les vertèbres thoraciques.
Une initiation très précoce
Les chercheurs ont supposé que la détermination de la position du membre avait lieu très tôt dans le développement, avant même que l’embryon soit visible. Ils ont donc démontré que cette initiation se faisait au moment de la gastrulation. La gastrulation est une étape du développement embryonnaire qui aboutit à la formation de trois « feuillets de cellules » : la couche la plus externe formera le futur système nerveux et la peau, le feuillet intermédiaire formera les os est les muscles et le feuillet le plus interne formera la plupart des organes. La gastrulation permet donc de positionner l’axe antéro-postérieur (du haut vers le bas) autour d’une « ligne primitive » qui formera le futur tronc.
« De nombreuses études ont suggéré que la famille de gène Hox, dits gènes « architectes », jouait un rôle dans l’initiation de la position des membres » explique Jérôme Gros, responsable du groupe à 5 ans Morphogenèse chez les vertébrés supérieurs à l’Institut Pasteur. La première expérience a donc été de prouver qu’à la fin de la gastrulation, alors même que l’embryon est encore très trivial et ne possède que des ébauches d’organes, les gènes Hox sont déjà organisés en « domaines » qui préfigurent l’initiation des membres.
Une relation entre temps et espace
Les chercheurs se sont ensuite intéressés au phénomène progressif de la formation des membres. Il avait déjà été prouvé que les gènes Hox répondaient à une colinéarité temporelle. La colinéarité est le fait que l’organisation des gènes sur le chromosome reflète leur ordre d’expression dans le temps. En observant des embryons de trois oiseaux (pinsons, poulet, autruche) les chercheurs ont remarqué que le temps que mettaient l’ensemble des gènes à s’exprimer était beaucoup plus court chez le pinson par exemple, car il possède moins de vertèbres cervicales qu’une autruche.
Mais les chercheurs ont surtout réussi à prouver que la colinéarité temporelle était liée à un autre phénomène : la colinéarité spatiale. C’est-à-dire qu’en plus de refléter leur ordre d’expression, l’organisation des gènes reflète également la future position des membres. Au fur et à mesure de la transcription des gènes, les membres sont donc positionnés alors que l’axe antéro-postérieur se construit. « Pour autant, chez les personnes présentant des malformations des membres, aucun défaut de positionnement le long de l’axe n’a été retrouvé » nuance Jérôme Gros. Les chercheurs suggèrent donc que ces malformations étant liées à des étapes très précoces ne sont pas viables et mènent à la dégénérescence de l’embryon.
Source : Institut Pasteur