La lutte contre les bactéries infectieuses nécessite la compréhension au niveau moléculaire des stratégies de défense, souvent très élaborées, qu’elles déploient pour contrecarrer et désamorcer les défenses de l’hôte. Depuis les travaux précurseurs de Metchnikoff, une attention particulière a été portée aux mécanismes spécifiques permettant aux bactéries de lutter contre l’acidité des phagosomes ; des vésicules dans lesquelles elles se retrouvent enfermées pour être « digérées » par les cellules immunitaires.
Dans le cas de Mycobacterium tuberculosis (agent responsable de la tuberculose) cette défense était attribuée à un facteur de virulence secrété par la bactérie, pouvant contrecarrer l’action des pompes à protons dont le but est précisément de créer un milieu intérieur acide au sein des phagosomes. Des recherches menées par l’équipe de Priscille Brodin (Institut Pasteur de Lille et de Corée) en collaboration avec Edouard Yeramian et l’équipe de Roland Brosch à l’Institut Pasteur à Paris, Akihiko Yoshimura à Tokyo, et de la Plateforme P3M du LabEx ParaFrap révèlent, un nouveau mécanisme de survie de la bactérie. Ces travaux publiés dans Cell Reports montrent que M. tuberculosis peut détourner à son profit une voie cellulaire de l’hôte, afin d’induire l’expression d’une protéine (CISH) qui, s’attachant à la pompe à protons, conduit à sa dégradation.
Au-delà des potentielles possibilités thérapeutiques, cette découverte ouvre des perspectives dans différentes directions. Une synergie fonctionnelle peut être envisagée entre le nouveau modèle et le modèle antérieur. Par ailleurs les mécanismes de défense mis en évidence pour le bacille tuberculeux, ou des déclinaisons de ces mécanismes, pourraient intervenir dans d’autres pathologies infectieuses, causées par des bactéries ou même des parasites. Il est d’ailleurs intéressant de noter que des corrélations ont été observées dans la littérature entre des susceptibilités accrues à différentes maladies infectieuses et des polymorphismes génétiques de CISH. Des études plus approfondies devraient permettre de déterminer dans quelle mesure ces corrélations peuvent se rapporter au nouveau modèle.
Source : Institut Pasteur