Des experts recommandent aux mères l’allaitement exclusif pour un bébé en bonne santé et pour éviter une éventuelle malnutrition. Chez les femmes allaitantes qui travaillent, se pose l’équation de la conciliation entre boulot et allaitement exclusif. Si fait que pratiquer l’allaitement exclusif s’avère difficile à cause des heures de service et autres difficultés pratiques qui les en empêchent. L’expression du lait maternel peut être une solution. Encore faut-il que les conditions soient réunies pour la pratiquer.
« L’idéal, c’est l’allaitement exclusif. Mais pour mon cas, c’est un peu compliqué vu que je travaille », nous confie Alizeta Bonkoungou, nom d’emprunt de notre interlocutrice. Elle est mère d’un bébé de 4 mois. Nous l’avons rencontrée, dans son bureau, à son lieu de service. Elle dit pratiquer l’allaitement mixte parce qu’elle n’a pas le choix. « J’ai accouché par césarienne et j’ai fait deux jours sans allaiter mon enfant parce que je n’avais pas de lait. Comme l’enfant pleurait beaucoup, le gynécologue a prescrit du sérum glucosé pour mon bébé. Entre-temps, le lait est venu mais pas suffisamment. Et comme je savais que j’allais reprendre le travail, j’ai continué à lui donner le biberon pour que le bébé puisse s’y habituer », raconte Alizeta Bonkoungou. A l’entendre, « le départ était déjà faussé à cause du sérum glucosé que le médecin a prescrit ». Et même si son enfant n’avait pas pris du sérum glucosé à la naissance, elle est convaincue qu’elle ne pouvait pas pratiquer l’allaitement exclusif à cause de son travail. Car, elle est employée dans une structure privée. En effet, relate-t-elle, après le congé de maternité qui ne dure que trois mois, elle ne peut pas, à la descente, à 12h 30 mn, rentrer allaiter le bébé parce qu’elle loge loin de son service. Alors pourquoi ne pas opter pour l’expression du lait ? « Je peux le faire mais je n’ai pas assez de lait. Donc, je ne peux pas avoir un biberon », répond dame Bonkoungou. Et pourtant, c’est ce que dame Elodie Yankiné, mère d’un bébé de 4 mois, fait. Malgré son travail contraignant, elle pratique l’allaitement exclusif. Elle nous a reçu dans son bureau également le 12 août 2020 aux environs de 12h. Avant même qu’on entre dans le vif du sujet, Elodie nous signifie qu’elle a des vertiges à cause de la faim qui tenaille ses entrailles. « Il y a des jours où j’ai mal à la poitrine à cause de l’engorgement mammaire et très souvent, je suis obligée de placer des serviettes pour éponger le lait qui coule ». Ceci est certainement le résultat du mode d’allaitement qu’elle a adopté. Parce qu’à l’entendre, il faut manger en qualité et en quantité suffisantes pour pouvoir avoir du lait susceptible d’être exprimé. A l’entendre, elle commence à « préparer » le repas de la journée de bébé dans la nuit. « Je commence à exprimer le lait à partir de minuit. Je remplis un bocal que je mets au frigo. A 5h du matin, je remplis un autre bocal de telle sorte à avoir trois (3) biberons parce que si je quitte la maison, je ne sais pas à quelle heure je vais rentrer ». Selon dame Yankiné, quand on travaille, pratiquer l’allaitement exclusif demande beaucoup de temps et d’énergie. Elle dit avoir opté pour l’allaitement exclusif parce que c’est une pratique qui a beaucoup d’avantages et elle a de la chance d’avoir « suffisamment de lait ». D’ailleurs, elle en récolte les fruits avec son premier enfant. « Il est en forme. Et c’est rare de le voir faire la diarrhée », révèle-t-elle. Vu les bienfaits de l’allaitement exclusif, maman Yankiné aurait préféré que le législateur augmente le temps légal d’allaitement pour les femmes qui travaillent, parce que 1h 30mn dans la journée, ne suffit pas.
En effet, rentrer à midi pour allaiter bébé n’est pas évident, renchérit Alizeta Bonkoungou qui habite à 15 km de son service. Pour son précédent enfant, elle a voulu pratiquer l’allaitement exclusif alors qu’elle n’habitait qu’à quelques kilomètres du service. « Il me fallait environ une heure pour arriver à la maison, si je descends à 12h 30mn. Le temps de me doucher, de faire ma prière et de manger, il est déjà 14h. Après tout cela, je n’ai que 30 minutes pour allaiter le bébé parce qu’à 14h 30mn, je dois reprendre la route pour venir au service. Et j’arrivais très souvent en retard. Donc, j’ai fini par abandonner parce que c’était très éreintant ». Actuellement j’habite très loin du service. En tout état de cause, dame Yankiné et dame Bonkoungou conviennent que l’idéal est de créer des crèches dans les services, pour permettre aux femmes allaitantes d’avoir leurs bébés à côté. En fait, « tout le monde y gagne parce que la femme travaille la tête libérée, car elle peut, à la pause, rejoindre son enfant pour l’allaiter et retourner travailler dans la sérénité, sans être obligée de faire un aller-retour entre la maison et le service », concède Alizeta Bonkoungou qui ajoute que dans ces conditions, elle abandonnerait l’allaitement mixte parce qu’acheter des substituts du lait maternel relève du sacrifice, vu le prix de vente de ces produits. Ce sacrifice, Carine Sana va le faire. Enceinte, presqu’à terme et employée dans le privé, elle compte pratiquer l’allaitement mixte parce qu’elle n’a pas suffisamment de lait et elle aurait entendu dire que « ce n’est pas bon d’exprimer le lait et de le laisser 3 à 5 heures parce qu’il va se gâter ».
A ce sujet, Alizeta dit avoir peur de la manipulation du lait quand elle ne sera pas à la maison. Quid de l’eau ? Elle confesse n’avoir pas pu résister à donner de l’eau à l’un de ses enfants avec lequel elle a pratiqué l’allaitement exclusif. On me disait par-ci par-là, « il faut donner de l’eau à l’enfant. Ne suis pas ces trucs de Blancs. Tu ne vois pas comment il fait chaud en Afrique ? ». Par finir, elle a cédé et a donné de l’eau à son bébé avant le sixième mois. Quant aux dons de tisanes, Carine et Alizeta confirment les utiliser mais seulement pour la toilette de bébé et non pour sa boisson.
Qu’à cela ne tienne, Hélène Ouédraogo, nutritionniste au ministère de la Santé conseille de ne pas gaver les bébés d’eau et de tisane mais de pratiquer l’allaitement exclusif. Cela suppose « que les nourrissons ne reçoivent que du lait maternel, à la demande (de jour comme de nuit), dès la naissance et au cours des six premiers mois de vie. Et aucun autre liquide ou aliment ne doit être donné : pas de décoctions, de tisanes ou de substituts du lait maternel, pas même de l’eau. La seule exception est si un prestataire de soins de santé prescrit une solution de réhydratation orale ou des gouttes/sirops de vitamines, minéraux ou médicaments ». De ses explications, il ressort que la pratique du don de l’eau pendant les six premiers mois de vie du nourrisson, a été identifiée comme le principal obstacle qui remet en cause l’exclusivité de l’allaitement dans la région. D’où la campagne « Plus fort avec le lait maternel uniquement », qui est une réponse régionale aux taux élevés de retard de croissance en Afrique de l’Ouest et du Centre, causés en grande partie par la pratique insuffisante de l’allaitement exclusif dans les pays de la sous-région en plus de l’inadéquation de l’alimentation de complément. C’est pourquoi la spécialiste invite les mères à pratiquer l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, parce que « le lait maternel seul suffit au développement du bébé durant les six premiers mois de sa vie car, il lui apporte suffisamment d’eau et de nutriments ; et constitue sa meilleure nourriture » ! Elle exhorte également les maris, les grand-mères, les tantes et les autres membres des familles à soutenir indéfectiblement les mères qui pratiquent l’allaitement exclusif car, la pratique contribue à réduire la malnutrition. Pour les mères qui partent au service et qui veulent pratiquer l’allaitement exclusif, Hélène Ouédraogo conseille l’expression du lait. Pour celles qui s’inquiètent pour la conservation du lait maternel, elle soutient que « le lait peut être conservé à la température ambiante, dans un endroit sec à l’abri de la lumière et de la poussière pendant 8 heures au maximum, 72 heures au réfrigérateur, et 3 mois au congélateur ». C’est pourquoi elle estime qu’une mère peut poursuivre l’allaitement même si elle est absente à cause d’un voyage, du travail, etc. Mais existe-t-il des techniques pour exprimer le lait ?
Des techniques d’expression du lait maternel
Evidemment, assure la nutritionniste. A l’entendre, la mère peut exprimer son lait manuellement ou avec un tire-lait. C’est ainsi que pour exprimer assez de lait, la mère doit boire suffisamment d’eau pour rester bien hydratée, bien manger plus que d’habitude et consommer une variété d’aliments nutritifs. Par contre, la mère ne doit pas être stressée, ni être pressée car la production du lait diminue dans ces conditions. Ensuite, le lait maternel exprimé doit être donné au bébé à l’aide d’une tasse. Et il est conseillé de diviser le lait exprimé en petites quantités dans des récipients lavés soigneusement à l’eau chaude savonneuse, pour le conserver afin de limiter le gaspillage au cas où le bébé ne termine pas son lait entamé. Si le lait est trop frais, « il doit être réchauffé en le plongeant avec son contenant dans de l’eau tiède », répond Hélène Ouédraogo. Sans détour, elle confirme que le lait maternel est le meilleur car il est stérile, c’est-à-dire sans microbes et à bonne température. « Il contient des nutriments, des anticorps et de l’eau en quantité suffisante pour le nourrisson de 0 à 6 mois. Il est facile à digérer, économique, sain et parfaitement adapté aux besoins de l’enfant ». Cependant, le lait maternel se gâte s’il a été exprimé et que les conditions pour le conserver ne sont pas respectées, prévient-elle.
Par Françoise DEMBELE
BON A SAVOIR
*De la quantité de lait à donner aux nourrissons
La quantité de lait consommé par le bébé varie selon son âge. Il serait difficile de déterminer la quantité exacte de lait bu au sein. Selon une étude collective de l’OMS consacrée à l’allaitement au sein sur la quantité et la qualité du lait maternel, plusieurs chercheurs ont trouvé que la quantité moyenne de lait maternel consommée ingérée par les enfants de moins de 6 mois des pays développés se situe entre 600 et 800ml/jour. Une comparaison entre pays développés et pays en développement, du point de vue de la quantité absorbée, indique que celle-ci est moins élevée dans les pays en développement. Par exemple, en Gambie, chez les enfants de 1 à 2 mois, on a noté une quantité moyenne de lait maternel consommée entre 640 et 653 g/jour ; et ceux de 3 à 6 mois, entre 580 et 614 g/ jour. Aussi, au niveau du Kenya, chez les enfants de 1 à 2 mois, une quantité moyenne de lait maternel consommée a été de 778 g/jour ; chez les 3 à 4 mois = 619 g/jour ; puis les 5 à 6 mois = 573 g/jour
A partir de 6 mois, on doit commencer la diversification alimentaire car le lait maternel seul ne suffit plus au bébé et le tube digestif est apte à digérer des aliments. Il est donc nécessaire de compléter l’allaitement en introduisant progressivement des aliments de complément comme les bouillies enrichies, les légumes cuits et écrasés, les légumineuses, les fruits, ainsi que le poisson, les œufs et la viande puis les plats familiaux pour que bébé grandisse en bonne santé. Il est conseillé de lui donner le lait maternel avant les autres aliments.
*La réserve de lait dans le sein de maman peut-elle se gâter ou causer la diarrhée chez bébé ?
Non, la réserve de lait dans le sein de maman ne se gâte jamais, même si l’on fait toute une journée sans allaiter bébé. Mais, la maman pourrait souffrir d’engorgement mammaire pouvant provoquer des douleurs. Alors, il faut laisser le bébé s’allaiter pour désengorger les seins. Cela va soulager la maman.
Aussi, le bébé ne fera pas la diarrhée car le lait maternel est sain dans le sein. La diarrhée est généralement due à une infection bactérienne, virale ou parasitaire ou peut survenir suite à une intolérance alimentaire ou médicamenteuse.
*Qu’en est-il de la césarienne et de la montée du lait ?
La césarienne ne peut pas constituer un frein à l’allaitement exclusif. Quel que soit le mode d’accouchement, par césarienne ou par voie basse, la mère peut allaiter son bébé. La montée laiteuse dépend de la mise en route de l’allaitement qui débute d’abord par la mise au sein précoce du bébé dans l’heure suivant la naissance, et aussi de la succion fréquente par le bébé. Plus le bébé tète, plus la production du lait est grande.
Source : Ministère de la Santé