Les mitochondries sont des organites qui fournissent la majeure partie de l’énergie nécessaire à la cellule. Cette énergie est fournie sous forme d’adénosine triphosphate ou ATP, une molécule requise dans la majorité des réactions chimiques, et indispensable à tous les processus biologiques, tel que la locomotion, la division cellulaire ou encore le transport de composés à travers les membranes. Une cellule cancéreuse, comme toute cellule, a besoin d’énergie pour proliférer, et pour ceci nécessite de mitochondries fonctionnelles. Dans un article publié dans Cell Metabolism, des chercheurs d’Europe, d’Asie, d’Amérique et d’Océanie, coordonnés par le Prof. Jiri Neuzil (République Tchèque et Australie), et y compris de l’Institut Pasteur, révèlent un rôle inattendu de la production d’énergie (ATP) par les mitochondries dans la prolifération des cancers. Avec, à la clé, une nouvelle cible pour les traitements anticancéreux.
L’ATP mitochondrial est produite par une machinerie complexe située dans ces organites, partiellement codée (c’est-à-dire que le message génétique pour la production d’ATP est « écrit ») dans le noyau et partiellement dans la mitochondrie, car ces organites possèdent leur propre génome (ADN).
D’autres mécanismes que celui-ci produisent l’ATP dans les cellules humaines, animales et végétales et en particulier dans les cellules cancéreuses, sous contrôle exclusivement du génome nucléaire, mais ces mécanismes sont moins rentables. En conséquence, moins d’énergie est produite si les mitochondries sont altérées, les cellules subissent de sévères restrictions et peuvent éventuellement mourir.
Une voie biochimique impliquée dans la prolifération tumorale
Il a déjà été démontré auparavant que les cellules cancéreuses avec des mitochondries inactives (par absence d’ADN mitochondrial), et donc privée de l’énergie produite par ces organites ne prolifèrent pas, et donc que la tumeur ne se développe pas, du moins jusqu’à ce que les mitochondries aient retrouvé l’ADN en utilisant les mitochondries (avec ADN) des cellules-hôtes. On pensait donc que les cellules cancéreuses nécessitaient des mitochondries actives, car ces organites devaient produire l’ATP nécessaire à leur prolifération.
Cependant, ce travail montre que l’ADN mitochondrial, et donc des mitochondries parfaitement fonctionnelles, étaient nécessaires à la prolifération des cellules tumorales, non pas parce qu’elles produisaient de l’ATP, mais parce que la production d’ATP active une voie biochimique indépendante, la production de pyrimidines. Ces molécules sont des composants essentiels des acides nucléiques (ADN), les supports de l’information génétique. Elles ont également des fonctions régulatrices dans la cellule.
Un grand nombre d’expériences ont été nécessaires pour démontrer ce nouveau concept important : « Parmi elles, un protocole précédemment développé par notre équipe à l’Institut Pasteur a permis de démontrer de manière définitive le statut de l’ADN mitochondrial dans les cellules cancéreuses à différentes étapes du processus », explique Miria Ricchetti, responsable de l’équipe Stabilité de l’ADN Nucléaire et Mitochondrial, à l’Institut Pasteur. Ce protocole avait fait l’objet d’un dépôt de demande de brevet par l’Institut Pasteur en 2012 (WO2012123588 ; Method, probe and kit for DNA in situ hybridation and use thereof).
De nouvelles perspectives thérapeutiques
De plus en plus de preuves scientifiques démontrent que les mitochondries sont essentielles pour la cellule, et pas seulement pour la production d’ATP. Ainsi, ce travail montre l’une des nombreuses fonctions « extra » de la mitochondrie (c’est-à-dire les autres fonctions que la production d’ATP) est essentielle à la prolifération des cellules cancéreuses. Il révèle également une nouvelle cible pour les traitements anticancéreux qui n’était pas envisagée auparavant, c’est à dire en bloquant la production de pyrimidine par cette voie dans les mitochondries de cellules cancéreuses, une voie qui est nécessaire à l’apparition et à la progression du cancer.
Source : Institut Pasteur