PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE : «IL Y A TOUJOURS UNE SOLUTION À L’INFERTILITÉ» (DR JOSIANE OUÉDRAOGO, GYNÉCOLOGUE)

In A la Une, Santé de la reproduction

Il y a des moments où la nature est d’une avarice extrême, refusant de donner ne serait-ce qu’un seul enfant à des familles. A tous ces couples désireux d’enfanter, la médecine offre une possibilité : la Procréation médicalement assistée (PMA), encore appelée Assistance médicale à la procréation (AMP). Même si son coût reste encore exorbitant (de 175 000 à 1 500 000 FCFA pour une tentative), la technique est disponible dans certaines structures de santé au Burkina Faso et offre une chance aux couples infertiles. Depuis 2006, en effet, la pratique est courante à la Clinique Grâce Marie, dotée d’un centre de fertilité. C’est d’ailleurs à cœur joie que le Dr Josiane Ouédraogo, gynécologue-obstétricienne, experte en santé sexuelle et reproductive, nous en parle dans cette interview réalisée le mardi 16 mai 2017 à ladite clinique.

Que faut-il entendre par Procréation médicalement assistée (PMA) ?

C’est l’ensemble des techniques qui va permettre au couple infertile d’assouvir sa soif d’avoir un enfant ; l’objectif étant de permettre la rencontre spermatozoïde/ovule afin de débuter une grossesse.

Quelles sont les différentes techniques de PMA ?

A ce jour, 3 principales techniques s’offrent à nous :

– il y a d’abord l’insémination intra-utérine qui s’adapte à un couple où le problème vient de l’homme comme, par exemple, dans le cas où les spermatozoïdes sont fatigués et n’arrivent pas à bouger. Pourtant, une fois le spermatozoïde déposé dans le vagin, il est soumis à un parcours du combattant, car devant traverser le col de l’utérus, la glaire qui permet son ascension, monter jusqu’à l’utérus et pénétrer dans les trompes pour trouver l’ovule de la femme et le féconder. Le trajet est donc assez long et fastidieux et quand le spermatozoïde est fatigué, il lui devient difficile de monter. La technique va alors consister à recueillir les gamètes (cellules sexuelles, ndlr) et à procéder à l’insémination en raccourcissant le trajet des spermatozoïdes pour leur permettre de migrer vers l’ovule. Il convient de souligner que, dans toute PMA, il y a un recueil de gamètes, de sperme et/ou d’ovocytes. Au cas où il n’y a pas du tout de spermatozoïdes, on procède à une insémination intra-utérine avec don anonyme de sperme. Dans ce cadre, notre clinique collabore avec de personnes de bonne volonté qui pensent à aider les couples qui n’ont pas d’enfant ;

– il y a ensuite la Fécondation in vitro (FIV) qui nécessite le recueillement des gamètes de l’homme (spermatozoïdes) et de la femme (ovocytes). Dans cette technique, qui se pratique hors de l’organisme de la femme, les spermatozoïdes sont mis en contact avec l’ovocyte. Pendant 48 à 72 heures, nous surveillons la division cellulaire. Au bout de ce temps, nous avons un ou plusieurs embryons qui se forment en fonction du nombre d’œufs que nous avons pu obtenir. Nous les réimplantons chez la femme. Au bout de deux semaines, la grossesse est confirmée par un test ;

– enfin, il y a l’injection intra cytoplasmique (FIV ICSI) qui permet d’injecter les spermatozoïdes dans l’ovule pour donner l’embryon. Au bout de quelques jours et avec l’accord d’un biologiste on procède au transfert de l’embryon dans l’utérus de la femme.

Quelles en sont les chances de réussite ?

Concernant la Fécondation intra-utérine, il y a environ 10% de chance de réussite par insémination. Et il faut au moins 3 tentatives, car une seule n’est pas sûre.

Pour ce qui est de la fécondation in vitro combinée à l’injection intra-cytoplasmique, les chances sont plus élevées et vont de 25% à 30%, parfois même nous dépassons ces chiffres.

Qu’est-ce qui explique la fréquence des grossesses gémellaires dans la PMA ?

Pour se donner plus de chances, on transfert plusieurs ovocytes qui peuvent tous se développer. Dans le cas de la FIV ICSI, le couple est même autorisé à choisir le nombre d’enfants qu’il désire avoir et on transfert autant d’embryons.

Y a-t-il une différence entre un enfant né de la PMA et un autre né naturellement ?

Non. L’enfant né d’une PMA a les mêmes chances d’être normal qu’un enfant né sous la couette. Toutefois, même chez les enfants dits «naturels», il y a parfois des malformations. En tout cas, nous essayons dans notre protocole de prise en charge de mettre des médicaments pour éviter ces malformations notamment au niveau du tube neural.

Un homme ou une femme vivant seuls peuvent pratiquer une PMA ?

La prise en charge se fait toujours en couple. Comme je l’ai expliqué, pour une PMA il faut un recueil de spermatozoïdes et/ou d’ovocytes ; ce qui ne peut se faire chez une seule personne, notamment si on ne sait pas qui est responsable de l’infertilité, sans oublier qu’il y a des infertilités inexpliquées. A cet effet, nous procédons d’abord à un bilan général de santé du couple pour résoudre les gros soucis et nous exigeons un consentement éclairé des deux qui vont s’engager à respecter les différentes clauses.

Qu’en est-il du cas des couples séropositifs ? Y a-t-il des précautions à prendre ?

Si un couple séropositif désire bénéficier de la technique, il n’y a pas d’exclusion et il est soumis aux mêmes conditions. Toutefois, nous travaillons en collaboration avec le médecin traitant de la personne infectée pour l’administration de son traitement qui doit tenir compte de l’embryon.

Comme dans tout domaine, la PMA doit certes avoir ses avantages et ses inconvénients. Pouvez-vous en donnez quelques-uns ?

L’avantage le plus palpable et le plus édifiant, c’est la naissance du bébé, sachant que dans notre contexte il n’est pas facile pour un couple, sur le plan social, de vivre sans enfant. La disponibilité de la technique sur place au Burkina constitue aussi un avantage socio-économique considérable. En effet, avant il fallait aller à l’étranger pour avoir ce service, et cela engendrait beaucoup de frais, sans oublier la barrière linguistique qui peut être un frein. Le fait de débuter sa grossesse sur place, au vu et au su de tout le monde, est plus rassurant. Pour notre part, le fait de donner de la joie au couple nous motive.

S’agissant des inconvénients, il faut le dire, les techniques sont assez onéreuses. En plus, on utilise beaucoup de médicaments hormonaux et, comme vous le savez, les médicaments et le sang ne font pas toujours bon ménage. Parfois des cas d’hyperstimulation peuvent entraîner des conséquences graves. Mais avec le suivi, on arrive à résoudre ces problèmes. A tout cela s’ajoute le stress, non moins important, à gérer.

Combien faut-il débourser en moyenne pour bénéficier d’une PMA ?

L’insémination est à un prix forfaitaire de 175 000 FCFA par tentative. Quant à la FIV ICSI, elle coûte 1 500 000 F par tentative également. Les examens, les médicaments et les autres dépenses sont aussi à la charge du patient. Toutefois, la PMA n’est pas un premier recours pour nous. Nous privilégions surtout l’écoute et l’accompagnement des couples. En effet, pour certains, il suffit parfois de se donner du temps (1 an de vie commune avec des rapports sexuels réguliers selon l’OMS) pour voir les choses s’arranger. Chez d’autres, il arrive qu’avec la prise de simples médicaments pour stimuler la fécondation, la femme tombe enceinte. Cependant, malgré notre plateau technique performant et la qualité du suivi, il arrive aussi que des tentatives de PMA s’avèrent infructueuses, car, comme le dit parfois avec regret notre patron (le responsable de la clinique Grâce-Marie, le Dr Eric Kanyaolé, ndlr) : «Il y a des couples qui n’auront jamais d’enfant». Toujours est-il que même dans ces cas malheureux, il y a encore des possibilités comme l’adoption. Quelle que soit donc la situation, le couple doit continuer à s’aimer et à s’accepter mutuellement.

Source : L’observateur Paalga

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