C’est un médicament utilisant leur découverte qui a sauvé l’ancien président américain et prix Nobel de la paix en 2015.
Parfois, la découverte scientifique récompensée par un prix Nobel n’est pas toujours simple à comprendre et il peut être difficile de cerner son impact sur notre monde, comme avec le prix Nobel de médecine de 2016, décerné à Yoshinori Ohsumi pour ses travaux sur l’autophagie.
Mais pour le prix de 2018, qui a récompensé James P. Allison et Tasuku Honjo, les effets de leur découverte sont bien visibles: c’est grâce à elle que l’ancien président américain Jimmy Carter, 94 ans, est encore en vie. Les lauréats ont, chacun de leur côté, développé une nouvelle forme de traitement contre le cancer basée sur l’immunothérapie. Et c’est un médicament utilisant leur découverte qui a sauvé l’ancien président américain et prix Nobel de la paix en 2015.
Dans les années 90, James P. Allison a découvert une protéine bien particulière, un “inhibiteur de point de contrôle”. CTLA-4, c’est son nom, “freine le système immunitaire”. Elle sert à réguler nos lymphocytes T, un type particulier de globules blancs. Tasuku Honjo a lui mis à jour une autre protéine, PD-1, qui fonctionne également comme un frein des lymphocytes T, mais de manière très différente.
Les deux chercheurs ont ensuite tenté de modifier le comportement de chacune de ces protéines pour que le système immunitaire réussisse à détruire les tumeurs.
Un cancer métastasé guéri en trois mois
Après des années de recherches, un traitement qui va influencer CTLA-4 a été tenté sur des humains dans une grande étude clinique en 2010 qui a montré des effets très positifs sur des patients atteints de mélanomes, un cancer de la peau.
En 2012, une autre étude clinique a montré l’efficacité d’un médicament ciblant PD-1 chez des patients atteints de différents types de cancers. Deux ans plus tard, un traitement utilisant ce procédé, appelé pembrolizumab, est autorisé par la FDA, le gendarme des médicaments américains.
En août 2015, après s’être fait opérer pour se faire retirer une tumeur au foie, Jimmy Carter annonce que plusieurs mélanomes, des cellules cancéreuses de la peau, ont été retrouvés dans son cerveau. Un diagnostic notamment fatal, rappelle le Guardian.
L’ancien président tente alors un double traitement. D’abord, des radiations viennent endommager les cellules cancéreuses. Ensuite, le pembrolizumab, le fameux traitement rendu possible par les recherches des deux prix Nobel de médecine, va relâcher les freins du système immunitaire pour détruire les tumeurs. Trois mois plus tard, en décembre, les cellules cancéreuses ont disparu.
Une efficacité importante, mais des limites et effets secondaires
De manière générale, les traitements d’immunothérapie impactant CTLA-4 et PD-1 ont des taux de succès assez importants. Et, précise le comité Nobel, la combinaison des deux, actuellement testée dans des études, montre une efficacité encore plus importante, de plus de 66%.
Ces traitements d’immunothérapie ne sont pour autant pas des remèdes miracles. D’abord, il y a des effets secondaires assez importants, comme pour tous les traitements contre le cancer. Ils sont liés en grande partie à une réponse trop importante du système immunitaire. Cela complique du coup l’autorisation de mise sur le marché de tels traitements.
Autre problème: pour l’instant, l’immunothérapie ne fonctionne que sur certains types de cancer. Dans une tribune, deux oncologues estimaient en 2017 qu’en prenant en compte ces deux contraintes, seuls 10% des Américains atteints d’un cancer pouvaient bénéficier d’un tel traitement. De plus, le prix est assez prohibitif pour le moment.
Mais d’autres scientifiques rappellent que ces chiffres se basent sur l’état des lieux aujourd’hui. Et même les auteurs, interrogés trois mois après par CNN, concédaient que le pourcentage montait maintenant à 15%.
Et ce n’est qu’un début. En 2017 aux Etats-Unis, plus de 800 études cliniques utilisant des protéines différentes, mais similaires aux deux découvertes par les prix Nobel étaient en cours. Si l’immunothérapie n’est pas un remède miracle, elle semble en tout cas bien partie pour sauver la vie de nombreuses personnes.
Source : Le Huffpost