Pr Stanley Okolo, DG de l’OOAS, à propos de la Covid-19: « Nous restons optimistes »

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Moins impactée que le reste du monde, l’Afrique subit aussi la pandémie du coronavirus. Ils s’en trouvent qui prédisent l’hécatombe en Afrique. Dans la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), chaque pays a son plan de riposte mais l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS), organe spécialisé de la CEDEAO, dont le siège est à Bobo-Dioulasso, est chargé de coordonner la lutte contre le virus. Professeur Stanley Okolo, Directeur général de l’OOAS, affirme que la CEDEAO « reste optimiste » tout en travaillant à avoir « des stratégies et des mesures d’atténuation spécifiques au contexte afin de minimiser l’impact potentiel des pénuries de produits et de produits sanitaires ».

 

Santeactu.bf : A quel niveau est l’OOAS en matière de lutte contre la pandémie du covid-19 ?

 

Pr Stanley OKOLO : L’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS), a été désignée comme l’agence chef de file pour coordonner la réponse régionale de la CEDEAO à la COVID-19. En vertu de son protocole fondateur et conformément au mandat politique donné par les chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la CEDEAO, l’OOAS travaille en collaboration avec les gouvernements des pays, par l’intermédiaire des ministères de la santé et d’autres ministères, départements et agences clés, afin de préserver la santé de la population.

 

Quelles sont les missions spécifiques de votre structure dans ce rôle de coordination ?

 

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid-19, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la CEDEAO ont chargé l’OOAS de poursuivre ses efforts de coordination, de collaboration et de communication régionale, notamment par le renforcement des réseaux des instituts nationaux de santé publique et des laboratoires et de concentrer son appui aux Etats membres de la CEDEAO sur :

– l’évolution globale de la Covid-19 dans la région en utilisant toutes les données épidémiologiques et de laboratoires disponibles pour informer les décisions, prévoir la demande régionale en équipements médicaux de diagnostic et critiques (par exemple, les EPI) et déterminer la pertinence de la surveillance, des tests, des protocoles d’isolement et des approches de gestion des cas ;

– la fourniture de réactifs pour les kits de diagnostic biologique, l’échantillonnage et le transport ; équipement de protection individuelle pour éviter les ruptures de stock ;

– la formation à plusieurs niveaux des agents de santé.

L’OOAS est également mandatée par les chefs d’Etat et de gouvernement pour coordonner les interventions menées par nos partenaires techniques et financiers dans le but de créer une synergie maximale, d’éviter les doubles emplois et d’accroître l’impact des interventions.

Cette coordination est-elle aisée, étant donné que les pays ne sont pas au même niveau et que chacun a son plan de riposte propre à lui ?

 

Chaque pays membre de la CEDEAO dispose de son propre plan d’action en fonction, entre autres, de son contexte épidémiologique et organisationnel. L’OOAS collabore avec chaque pays membre dans la mise en œuvre de son plan.

La facilitation de la communication entre les pays est un outil important pour l’harmonisation des procédures de mise en œuvre, de renforcement des capacités.

L’OOAS, et d’ailleurs les pays de la CEDEAO ne prétendent pas avoir des plans égaux.

 

A quelles difficultés faites-vous face dans la lutte contre la pandémie et quelles peuvent être les solutions ?

 

Les pays de la CEDEAO utilisent généralement la stratégie de « test-track-treat », bien que ce soit à des niveaux de mise en œuvre différents.

Cela implique une grande capacité à réaliser des tests, notamment des réactifs, des ressources humaines et matérielles en qualité et en quantité pour assurer la recherche des contacts et la gestion des cas, y compris les soins intensifs si nécessaire.

La durabilité de cette stratégie est le défi majeur pour la CEDEAO et ses pays membres. Pour relever ce défi, la CEDEAO soutient la production locale de tests de diagnostic, d’équipements de protection individuelle, l’achat groupé des produits sanitaires les plus essentielles, la mise en place d’un stock de sécurité et le renforcement des programmes de formation.

 

Qu’attendez-vous des pays membres de la CEDEAO au moment où l’on prédit le pire pour l’Afrique ?

 

Bien que nous reconnaissions les prédictions d’une augmentation exponentielle des cas de Covid-19 et l’impact socio-économique de la pandémie dans les pays membres, on peut dire que l’Afrique et plus particulièrement la région de la CEDEAO est avantagée par son importante population jeune qui constitue environ 19% de la population jeune mondiale. Ceci est particulièrement important si l’on se base sur les données disponibles de Covid-19 qui montrent que la gravité des cas concerne la population plus âgée, les personnes ayant des comorbidités et les personnes dont l’immunité est compromise.

Nous restons optimistes alors que nous continuons à travailler en collaboration en tant que région, pour obtenir des stratégies et des mesures d’atténuation spécifiques au contexte afin de minimiser l’impact potentiel des pénuries de produits et de produits sanitaires tels que les équipements de protection individuelle (EPI) et les kits de test ainsi que des ressources humaines et de l’accès limité aux services de santé essentiels. L’OOAS reste convaincue qu’en renforçant la résilience des pays membres et en consolidant l’intégration régionale, nous trouverons des solutions durables aux défis auxquels nous sommes confrontés car nous croyons que la CEDEAO est plus forte ensemble.

 

Le 30 avril dernier, la section Afrique de l’OMS a fait une conférence de presse au cours de laquelle elle s’est montrée inquiète par rapport à l’évolution de la maladie en Afrique, plus précisément en Afrique de l’Ouest, dans les pays membres de la CEDEAO. Quelles sont les actions entreprises pour endiguer le mal dans cette partie de l’Afrique ?

 

L’OMS-AFRO a exprimé son inquiétude quant à l’évolution de cette pandémie en Afrique. Bien évidemment, les pays qui ont plus de difficultés sur le plan sanitaire en général sont particulièrement à risque.

Nous savons qu’il y a des pays en Afrique de l’Ouest dont les systèmes de santé sont déjà très fragiles (ou très affaiblis par l’instabilité sociale et/ou politique) comme d’ailleurs dans d’autres parties de notre continent.

Tous les pays de la CEDEAO ont élaboré des plans d’action pour lutter contre la Covid-19 et mènent des actions spécifiques en termes de coordination nationale, de stratégie de communication des risques et d’engagement communautaire, de surveillance, de renforcement des équipes de réponse rapide et de recherche des contacts, de surveillance des points d’entrée, de diagnostic en laboratoire, de prévention et de contrôle des infections, de gestion des cas et de soutien opérationnel et logistique.

Comme mentionné précédemment, l’OOAS et d’autres partenaires, en particulier l’OMS, soutiennent la mise en œuvre de ces plans.

 

Quelle est la particularité des pays de l’OOAS dans la lutte contre la pandémie du nouveau coronavirus ?

 

Chaque pays a son propre contexte et ses dynamiques sociales, économiques et politiques. De plus, une même épidémie évolue de manière différente selon ces différents contextes. De ce point de vue, tous les pays sont différents les uns des autres.

Cependant, l’Afrique de l’Ouest a l’avantage supplémentaire d’être la seule région d’Afrique à disposer d’une institution régionale de santé ayant le mandat politique de coordination régionale et de promotion de l’intégration. En s’appuyant sur ce mandat, l’OOAS est en mesure d’assurer l’efficacité et l’efficience de la coordination de la réponse régionale à la Covid-19.

 

En Afrique de l’Ouest, certains pays sont en train de lever des mesures qui ont été établies pour endiguer la propagation du virus alors qu’on ne constate pas une amélioration de la crise sanitaire. Que pensez-vous de ces mesures d’allègements et quelles peuvent en être les conséquences ?

 

Comme mentionné précédemment, la pandémie de Covid-19 a eu un impact important sur l’économie mondiale. L’impact varie selon la région et le contexte, les pays à revenus faibles et moyens étant les plus touchés.

Dans ce contexte, il est important de reconnaître l’importance de respecter les mesures de prévention et de contrôle de l’infection et les directives mises en place pour réduire l’ampleur de la propagation. Ces mesures comprennent la distanciation sociale et physique, qui nécessite l’utilisation de salutations sans contact, le maintien d’une distance d’au moins 1,5 mètre entre vous et les autres personnes, et le maintien à domicile en cas de maladie, ainsi que d’autres mesures d’isolement et de quarantaine. Ces mesures sociales et de santé publique sont connues pour réduire de manière significative la transmission communautaire. Cependant, compte tenu du contexte régional où il y a un manque ou un accès limité aux équipements de base, de l’eau pour soutenir les pratiques d’assainissement et d’hygiène comme le lavage des mains par exemple ou lorsque nous avons des ménages de grande taille et des populations denses, cette stratégie acceptable devient encore plus difficile à mettre en œuvre sans un risque accru de perdre les gains de santé réalisés au cours des années.

Pour les pays membres, il s’agit d’un choix délicat, car ils sont confrontés à la question des avantages avérés des restrictions de distanciation sociale contre la perturbation des moyens de subsistance des populations de la région, dont la plupart vivent en dessous du seuil de pauvreté, ce qui les expose à un choc financier aigu. Ces restrictions ont également provoqué une augmentation des cas de violences sexuelles, des troubles civils et de la violence, une pénurie alimentaire accrue et une inflation qui peuvent aggraver la propagation du coronavirus.

Les restrictions ont également eu des répercussions sur le commerce et les voyages, avec des implications économiques importantes, notamment pour les économies qui ne disposent que de peu ou pas de filets de sécurité et où les entreprises semi-formelles et informelles constituent l’essentiel de l’économie.

Toutefois, l’OOAS, en étroite collaboration avec les Etats membres, continue de développer, d’adapter et de fournir des conseils et des directives spécifiques au contexte et fondés sur des preuves pour les pays de la CEDEAO qui ont décidé d’assouplir ces mesures. Certaines de ces mesures comprennent la révision des lignes directrices sur le lieu de travail et la continuité des activités, les restrictions de voyage avec des considérations spécifiques pour le contrôle aux points d’entrée, les fermetures d’écoles et l’interdiction des grands rassemblements tout en donnant la priorité à la protection des plus vulnérables. Ces lignes directrices prévoient également de donner la priorité à la communication sur les changements sociaux et comportementaux en tant que catalyseur de la promotion de pratiques sanitaires positives. L’accès à l’eau courante, au savon et à d’autres produits d’hygiène et équipements de communication – y compris les radios et les téléphones portables – peut permettre ou entraver l’adoption de comportements de santé publique sûrs.

 

 

L’OMS a encouragé les pays à dépister le plus possible. En Afrique de l’Ouest cela est-il possible ? Sinon quelle peut être la contribution de l’OOAS dans la réussite d’un tel projet ?

 

Oui. Il est certain que le test est l’une des stratégies les plus importantes. Cependant, il y a actuellement une pénurie mondiale de tests et une forte demande. Cela a également contribué au coût des tests, limitant ainsi le nombre ciblé de tests nécessaires pour identifier les cas par population dans la région par rapport aux pays d’Europe et maintenant, l’Amérique, qui a le plus grand nombre de cas confirmés et a actuellement testé 32.594 pour 1 million de personnes.

Dans la région de l’Afrique de l’Ouest, les pays membres utilisent différentes stratégies de dépistage. Certaines des stratégies utilisées par les pays comprennent le dépistage de masse, le dépistage des cas actifs et des contacts de cas confirmés ainsi que le dépistage des contacts possibles dans un lieu géographique – les points chauds – et parmi certaines populations.

 

Propos recueillis par Françoise DEMBELE

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