La stratégie mondiale du secteur de la santé pour la période 2016-2021, en vue de l’élimination de l’hépatite à l’horizon 2030, vise à dépister en 2020, 30% de personnes qui ignorent leur statut sérologique, et 90% en 2030. Encore faut-il qu’il y ait des campagnes de sensibilisation pour inciter les populations à faire le dépistage. Au Burkina Faso, les prévalences des hépatites B et C sont respectivement de 9,1% et de 3,6% en 2016. Et ces taux varient selon les localités. Toujours est-il que ces taux sont interpellateurs et dénotent de la méconnaissance de la maladie au sein des populations. Pour en savoir plus sur les hépatites, nous avons rencontré, le mardi 18 juillet 2018 à Ouagadougou, Pr Roger Sombié, médecin en service de gastro-entérologie au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO). Lisez-plutôt !
Santeactu.bf : Qu’est-ce que l’hépatite ?
Pr Roger Sombié : C’est une maladie qui consiste en une inflammation du foie. Le foie c’est un organe du corps qui participe à nous donner de l’énergie et à nous protéger contre les infections par les bactéries et les virus.
Qui est-ce qui est susceptible de faire l’hépatite ?
Tout le monde est susceptible de faire l’hépatite. Il n’y a pas quelqu’un qui est plus à risque que l’autre. Mon conseil, est que tout le monde fasse son dépistage.
Comment se transmet l’hépatite ?
Ce sont les mêmes modes de transmission que le sida. Il y a deux voies majeures de transmission. La transmission sanguine (toxicomanie, rasoir, ciseaux, sang contaminé). L’autre voie de transmission est celle de la mère à l’enfant qui se fait le plus souvent au moment de la naissance.
Parlez-nous du mode transmission mère-enfant ?
C’est le mode de transmission qui permet d’entretenir jusqu’à présent le réservoir de l’infection dans les pays africains. Donc, toutes les femmes enceintes doivent faire le test et qu’elles soient positives ou pas, on doit vacciner le bébé à la naissance (dans les 12h suivant la naissance ), en tout cas, le plus tôt possible. Ainsi, on évite de nouvelles infections, car si le bébé est infecté, il sera porteur du virus toute la vie. Et toutes les femmes qui font le test et qui sont négatives, qui ne sont pas vacciner peuvent se faire vacciner et allaiter le bébé sans risque. Le vaccin se fait dans un schéma de trois injections. Et une fois que le bébé est vacciné, il n’y a pas besoin de faire un rappel parce qu’il est immunisé pour toute la vie.
Qu’en-est-il de la transmission par la salive ?
Il n’y a pas de contamination par la salive. Une personne infectée peut vivre en société, faire des accolades, saluer, partager un repas. Mais il ne faut pas partager les objets de toilettes intimes, les brosses-à-dent et autres.
Doit-on paniquer quand on a l’hépatite ?
Non, on ne doit pas paniquer quand on a l’hépatite. Il faut simplement consulter chez un médecin spécialiste. Quand on fait le test et qu’on est positif, cela veut dire qu’on est infecté et cela ne veut pas forcément dire qu’on est malade et que c’est grave. On peut être porteur du virus et ne pas faire d’hépatite, on n’a rien à craindre et on se fait surveiller.
Quels sont les risques qu’un couple encourt si les deux ou l’un des deux est infecté par l’hépatite ?
Si on prend le virus de l’hépatite B qui est le plus fréquent chez nous, dans un couple le problème se pose, rarement, en pratique parce que la majorité des personnes qui sont infectées le sont au moment de l’enfance ou quand ils étaient des bébés. Donc ils sont porteurs du virus avant de se marier. Donc la transmission se fait avant le mariage. La transmission par voie sexuelle, c’est plutôt en occident où l’infection par le virus peut être très rare et elle peut survenir à l’âge adulte à cause des partenaires sexuelles multiples et des relations sexuelles entre hommes et éventuellement par la toxicomanie intraveineuse. Au Burkina Faso, pour la majorité des couples, quand l’un des partenaires est dépisté positif, le test est positif bien avant le mariage.
Au cas où l’un d’eux est infecté quelles sont les mesures à prendre ?
Il faut dépister l’autre partenaire, dépister les enfants. En général quand l’un des partenaires du couple est positif, pour juste avoir une idée et savoir que l’infection est probablement antérieure au mariage le monsieur ou la dame doit faire le test à ses frères et sœurs et à leur entourage. Et le plus souvent, on retrouve une infection dans l’entourage de la personne infectée.
Comment expliquez-vous l’ignorance des populations par rapport à l’hépatite ?
C’est une maladie qui est silencieuse et méconnue. Beaucoup de personnes l’ont, mais elles ne sauront même pas qu’elles l’ont. Ces personnes vont vivre toute leur vie sans avoir de maladie mais elles vont être un risque de contamination pour leur entourage parce qu’elles ne savent pas qu’elles ont le virus et elles peuvent faire une maladie grave sans le savoir et le diagnostic sera trop tard. L’hépatite ne fait pas de bruit. Tout le monde doit systématiquement faire son test au même titre qu’on fait une goute et peste, un groupe sanguin ou un test VIH. On doit le faire, au moins, une fois dans la vie.
L’infection est silencieuse mais est-elle mortelle ?
Oui, l’infection est mortelle. C’est la première cause de cancer de foie et de cirrhose. Cependant, on peut l’avoir et vivre toute sa vie sans faire de cancer ou de cirrhose. Mais, il vaut mieux connaitre son statut parce qu’une fois que la maladie est déclarée, c’est plus compliqué et c’est plus cher. Hélas dans la majorité des cas, on n’a pas grand-chose à proposer aux malades. Dans ce cas, c’est mortel.
Quel est l’état des lieux de la prise en charge des malades ?
Actuellement, au Burkina Faso, la prise en charge de la maladie est toute à la charge des malades hélas. Et le goulot d’étranglement c’est au niveau du diagnostic. Il coûte cher au bas mot 140 000 F CFA à 250 000 F CFA, si on veut faire un bilan complet. Le traitement du virus B, quant à lui, est accessible et n’est pas cher. La boite fait 2829 F CFA par mois et sur un an, le traitement coûte 35 000 F CFA. Mais il faut informer le malade que la durée du traitement est indéterminée tant que le test est positif et tant qu’on n’est pas guéri du virus.
Entre les virus de l’hépatite A, B, C, D et E, quel est le plus mortel ?
Les virus qui sont mortelles et qui aboutissent au cirrhose et au cancer de foie, ce sont les virus B, les virus D et les virus C. Les virus A et E ne donnent pas de cirrhose et de cancer de foie. Ce sont des infections bénignes et on en guérit spontanément.
Un cri du cœur en tant que spécialiste ?
Mon cri du cœur est que tout le monde doit faire son test et connaitre son statut. Ceux qui sont négatif et qui n’ont pas jamais été infectés doivent faire le vaccin. Et ceux qui ont déjà été infectés et qui sont guéris, ce qui est le cas de huit (8) à neuf (9) au Burkina Faso, le vaccin n’est pas nécessaire parce qu’une fois qu’on a été infecté et qu’on est guéri naturellement, on ne peut plus avoir la maladie.
Mon deuxième cri du cœur, c’est de dépister toutes les femmes enceintes et vacciner au plus tôt les bébés ainsi nous protégerons les générations futures contre le cancer du foie.
Propos recueillis par Françoise DEMBELE
One commentOn « On ne doit pas paniquer quand on a l’hépatite », dixit Pr Roger Sombié, gastro-entérologue
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