Des footballeurs qui s’écroulent et meurent en plein match. La scène est récurrente. Par une interview accordée au Figaro, Pr Xavier Jouven, cardiologue et directeur du Centre d’expertise sur la mort subite de l’adulte (CEMS), fait le point sur ces morts brutales.
Le Figaro : Qu’appelle-t-on la mort subite du sportif?
Pr Xavier JOUVEN : Le cœur s’accélère et bat tellement rapidement qu’il n’envoie plus de sang au cerveau pour l’irriguer. La personne s’écroule et meurt moins d’une heure après l’apparition des symptômes.
Quelles sont les causes de ces morts subites?
Dans 90% des cas, la cause est cardiovasculaire. Les victimes sont atteintes d’une cardiopathie sous-jacente, c’est-à-dire qu’elles sont porteuses d’une malformation cardiaque silencieuse et ignorée. Avant 30-40 ans, il s’agit d’un épaississement du muscle cardiaque, qu’on appelle fibrillation ventriculaire, et après 30-40 ans, on a principalement des infarctus du myocarde, compliqués par un épaississement du muscle cardiaque. Les autres causes sont beaucoup plus rares, comme la mort subite par hyperthermie, quand le corps atteint une température trop élevée.
On dirait que le phénomène s’est accéléré depuis les années 2000…
Non, le problème n’est pas nouveau, ni en augmentation. On commence seulement à le découvrir et surtout à le médiatiser pour les sportifs de haut niveau.
Doit-on faire un lien entre la mort subite du sportif et les questions de dopage et de consommation de drogue (cocaïne)?
Non, il n’y a que quelques cas à relier avec la consommation de dopants, mais il est vrai qu’ils facilitent la survenue de la mort subite, qui existe aussi indépendamment de ces substances.
Comment prévenir ces morts brutales?
Il est très difficile de détecter les malformations cardiaques et de savoir quand un épaississement du muscle cardiaque devient pathologique. On peut faire des examens de dépistage en tenant compte du contexte familial et en se demandant si un proche a déjà été victime d’une mort subite. En outre, certains gestes du quotidien peuvent en réduire les risques: il est conseillé de ne pas fumer avant et après un entraînement, de ne pas trop manger avant un effort physique et de ne pas faire de sport quand on a de la fièvre.
Les sportifs sont-ils assez dépistés?
Le problème ne réside pas tant dans le dépistage mais plutôt dans la réaction des sportifs de haut niveau qui refusent de suivre les recommandations de leur médecin. J’ai déjà préconisé à certains patients de ralentir leur activité physique ou d’arrêter quelques mois la compétition et les entraînements mais bien souvent, ils ne veulent pas interrompre la saison, tout en sachant qu’ils prennent le risque de mourir.
Y a-t-il des sports plus concernés que d’autres?
En France, le vélo, la course à pied et le football sont les sports les plus concernés par la mort subite, tout simplement parce qu’ils sont les plus pratiqués. Mais cela n’a rien à voir avec la nature du sport.
Les sportifs professionnels sont-ils les seules victimes de mort subite?
Les sportifs de haut niveau ne représentent qu’une quinzaine de cas de mort subite sur 1000 sportifs touchés en France. Dans des cas très rares, la pratique aiguë d’un sport peut accélérer la survenue d’une mort subite, néanmoins, le sport reste en général très bénéfique et une pratique régulière réduit globalement le risque d’infarctus.
Que doit-on faire quand on est face à une personne qui s’écroule brutalement?
Il faut tout de suite appeler les secours, les pompiers (18) et commencer un massage cardiaque en attendant leur arrivée pour faire circuler le sang qui remplit le cœur. Les trois premières minutes sont les plus importantes, le cœur se contracte très vite, il faut donc utiliser un défibrillateur pour établir un choc électrique afin que le cœur rebatte normalement. Malheureusement, seuls 3% des stades français en sont équipés.