La clarification des valeurs pour la transformation des attitudes face à l’avortement est un concept « pour débattre des problèmes de société controversés ». A la sortie de l’atelier des 17 et 18 octobre 2019, nous avons tendu notre micro à Dr Adama Ouattara, Secrétaire générale de la Société des gynécologues obstétriciens du Burkina (SOGOB) pour qu’il nous en dise plus. Lisez-plutôt !
Santeaactu.bf: Qu’est-ce que la clarification des valeurs ?
Dr Adama Ouattara : La clarification des valeurs est un concept créé depuis les années 1960, précisément aux Etats-Unis, pour débattre des problèmes de société controversés. S’il y a une question dans la société sur laquelle il n’y a pas une vision harmonisée, les différents profils socio-professionnels se retrouvent pour échanger sur la question afin d’approfondir chacun à son niveau sa compréhension du sujet pour changer de vision, s’engager autrement ou aller dans le même sens avec de nouvelles convictions. Ces questions sont relatives par exemple, à la prise de poids, au vih, à la contraception d’urgence ou à la légalisation de l’avortement. C’est ainsi que les communicateurs, les magistrats, les agents de santé, les agents de police judiciaire se sont retrouvés pour discuter sur le sujet de l’avortement pour que chacun puisse avoir la compréhension de l’autre et changer de vision sur la question en débat. C’est de cette manière que beaucoup de société se sont rendu compte que le problème de l’avortement n’est pas un problème de santé mais un problème social. Au Burkina Faso, la question qui se pose est : « faut-il légaliser l’avortement ? » Nous, nous disons que nous devons respecter la loi. La loi a prescrit quatre conditions pour avoir accès à l’avortement au Burkina. Ce sont : les cas où il y a eu un viol, un inceste. Il y a aussi le cas où l’enfant qui va naitre n’est pas viable et le cas où la vie de la maman est compromise si elle poursuit la grossesse. Et la population n’a même pas cette information et c’est pourquoi les femmes viennent trop tard au centre sanitaire, quand on ne peut plus rien faire pour elle. Donc, il faut avoir une bonne compréhension de la loi et il faut respecter la loi.
La clarification des valeurs a-t-elle marché sur les participants ?
De façon globale, le premier jour, beaucoup de participants sont venus avec des idées arrêtés. Ils ont pensé que la SOGOB ( Société des gynécologues obstétriciens du Burkina) et la CAPSSR (Communauté d’action pour la promotion de la santé sexuelle et reproductive) les avaient appelés pour leur demander de promouvoir l’avortement illégal. Mais au fur et à mesure des discussions, ils ont compris que c’est non seulement pour faire une promotion de la loi mais que c’est pour que chaque corps puisse comprendre la manière de voir de l’autre pour que les points de vue puissent se se rapprocher. Chacun a progressivement quitté sa zone de confort pour aller vers les autres afin d’avoir une compréhension qui est plus proche du milieu de la réalité. Et cela est un succès.
N’est-ce pas une manière de préparer les esprits à la légalisation de l’avortement au Burkina Faso?
La légalisation de l’avortement n’est pas une question de santé. C’est la société qui doit décider si elle veut légaliser l’avortement ou pas. Nous ne sommes pas dans la dynamique de légaliser ou ne pas légaliser l’avortement. Mais nous attirons l’attention de la société sur la question. Tôt ou tard, les gens trouveront la solution. Nous ne sommes pas en train de préparer les esprits. Mais si on devait préparer les esprits, cela est bien parce qu’en réalité, nous disons aux gens qu’il y a des conséquences et eux-mêmes ils vont décider. On ne les oblige pas. Nous, on n’a fait que donner une information à la société et c’est elle qui prend sa décision.
Interview réalisée par Françoise DEMBELE