« Le tabac tue », a-t-on l’habitude d’entendre. Mais jusqu’à quel point cette assertion est-elle fondée ? Suivons Khalil Traoré, qui, dans un témoignage émouvant, relate ce qu’il a récolté après avoir fumé 32 ans de sa vie.
Quand il parle, sans le voir, on croirait avoir à faire à un robot. Tellement sa voix est « électronique » et donne la chair de poule, parce qu’il parle grâce à un amplificateur de la voix, un dispositif dénommé laryngophone. « Avec tout ce dispositif, on me dit que si je ne suis pas terminator en tout cas je ne suis pas loin d’un robot », plaisante-t-il sur un ton d’humour propre à lui. Lui, c’est, Khalil Traoré, victime du tabac, sauvé in extremis de la mort, suite à un cancer de la gorge qu’il a développé à cause de son addiction à la cigarette. «J’ai fumé pendant 32 ans à raison de deux paquets de cigarettes par jour », précise-t-il. Une addiction qui, plus tard, s’est révélée fatale pour lui. Bien qu’il ait arrêté de fumer en 2003, il contracte un cancer de la gorge en 2011. En réalité, explique-t-il, « les cellules cancéreuses étaient là et attendaient le facteur déclencheur. Et ce facteur, chez moi, a été le décès de ma maman ». Commencent alors les ennuis de santé pour Khalil Traoré. « J’ai commencé à cracher du sang et à perdre le souffle ». S’en est suivie une longue et pénible période de fréquentation des hôpitaux aussi bien au Burkina qu’à l’extérieur, plus précisément en France. Et c’est finalement « le 18 janvier 2012 que j’ai été opéré ». Mais avant l’opération, nous confie-t-il, « les médecins m’ont fait comprendre que pour mener à bien l’acte chirurgical, ils devaient faire une ablation totale de mes cordes vocales pour enlever le cancer afin de me donner plus de chance de guérir.» La vérité est que le cancer de la gorge contracté par Khalil a été diagnostiqué un peu tard et pour ce faire, il devait y laisser ses cordes vocales pour sauver sa vie. Ce qui fut fait. Mais reconnait-il, « il n’est pas donné à tout le monde d’avoir la chance que j’ai eue. Je suis très heureux d’être en vie aujourd’hui ». Malgré le laryngophone qu’il doit utiliser pour se faire entendre, un appareil de communication, qui non seulement coute très cher, mais qui nécessite un certain nombre de soins pour bien fonctionner compte tenu du climat au Burkina Faso. « L’appareil, lui-même coûte 500 euros, et là-dedans, il y a un petit truc qui coûte 825 F FCFA que je peux changer quatre (4) fois par jour ». Sans omettre que si le laryngophone est utilisé 7 heures par jour, il a une durée de vie de deux (2) ans. Et à Khalil de préciser « qu’il faut toujours avoir deux laryngophones sous la main par mesure de précaution au cas où l’un ne viendrait pas à fonctionner ». Et tout cela, n’est qu’une infime partie des dépenses que l’on peut effectuer dans ce cas de figure car pour soigner le cancer de gorge, Khalil Traoré dit avoir dépensé « au bas mot 17 millions de F CFA. Sur fonds propre je ne m’en serai pas sorti n’eut été l’aide des autres ». Mais tout cela est derrière Khalil Traoré. En effet, actuellement, il se réjouit de sa guérison totale parce qu’il a dépassé le cap des cinq ans durant lesquels il peut faire une rechute. Après ce triste épisode, il a perdu ses cordes vocales, mais Khalil déborde d’une joie de vivre. Signe d’une reconnaissance certaine pour la seconde chance qu’il a eue.
« Méfiez-vous de la cigarette !»
Et cette seconde chance il compte la mettre à profit pour lutter contre le tabac. Pour ce faire, il a créé une association dénommée ABACT (Association burkinabè d’aide contre le cancer tabagique) dont l’un des objectifs est de réduire au maximum le nombre de fumeur au Burkina Faso. « On souffre de manque de moyens sinon ce ne sont pas les idées qui manquent », ajoute-t-il. Et des idées Khalil en a à revendre. En effet, il a un projet avec lequel, il compte s’adresser aux populations en développant des initiatives intégrant la lutte contre le tabac. KhalilTraoré a pour ambition « de bâtir un centre qui non seulement abritera le siège de l’association, un Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) mais aussi servira de cadre, aux populations autochtones, pour mener des activités rémunératrices et ludiques ». Il prend le soin de nous signifier que « ce sera un espace non-fumeur. Ceux qui vont y travailler ne devront pas fumer et aucun membre de leurs familles ne devra toucher à la cigarette ». En plus de cela, avec l’aide des partenaires, il compte aider les personnes souffrant de cancer tabagique à bénéficier de soins à l’extérieur pour leur guérison et à leur redonner goût à la vie. A la fin de son témoignage, Khalil Traoré lance ceci : « Quand tu commences à fumer, il s’installe une histoire d’amour entre toi et la cigarette. Elle brûle pour toi et toi tu meurs pour elle ». Donc, « méfiez-vous de la cigarette », ultime conseil d’un ancien fumeur.
Françoise DEMBELE