Vous avez dit maladie insidieuse ? C’est bien l’hypertension artérielle qui agit en silence sur ses victimes. Sans signes physiques apparents, la maladie ne se révèle que grâce au mesurage de la pression sanguine sur une base régulière. Pourtant, l’hypertension fait rage, avec plus d’un milliard de personnes âgées de 18 ans et plus atteintes dans le monde, avec une prévalence de 20 à 40% en Afrique subsaharienne. Selon les projections de l’OMS, en 2025, c’est 29% de la population mondiale qui sera hypertendue dont 150 millions d’Africains. Qu’est-ce que l’hypertension artérielle ? Dépistage d’un mal chronique par le cardiologue Sayouba Savadogo qui aborde, par ailleurs, les facteurs de risque, les complications, les effets sur le plan sexuel et le carême et le jeûne chez les personnes hypertendues… Entretien réalisé le vendredi 26 mai 2017 à la clinique Rama, sise au quartier Wemtenga de Ouagadougou.
Qu’est-ce que la tension artérielle ?
La tension artérielle ou pression artérielle est un paramètre physiologique qui mesure la force exercée par le flux sanguin sur les artères. On parle également de pression sanguine.
Quand est-ce qu’on parle d’Hypertension artérielle (HTA) ?
C’est lorsqu’il y a une élévation anormale de la pression artérielle au-dessus des valeurs supposées normales. En pratique, on dit qu’un sujet est hypertendu lorsque sa pression artérielle atteint ou dépasse 140mmHg (14) pour la systolique (maxima) et 90mmHg (9) pour la diastolique (minima).
Comment se fait le diagnostic ?
Il nécessite un environnement respectant rigoureusement un certain nombre de conditions établies que les médecins connaissent et doivent respecter avec des appareils adaptés. Lorsque la tension atteint au moins 140/90mmHg, on évoque déjà l’HTA, mais cette façon de procéder peut entraîner tout de même des erreurs. De nos jours, on dispose d’autres moyens plus fiables comme l’auto-mesure tensionnelle enseignée au malade qui prendra lui-même sa tension à domicile, et la Mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) à l’aide d’un appareil automatique. Ces deux mesures permettent de porter le diagnostic avec plus de certitude, de mieux apprécier le profil tensionnel du patient et même d’orienter le choix des médicaments à lui administrer.
Quelles sont les causes ?
Dans la majorité des cas (90%), il n’y a pas de causes réelles identifiées, on parle d’HTA essentielle ou primitive et dans ce cas précis, il s’agit d’un phénomène multifactoriel. C’est seulement dans 5 à 10% des cas qu’on peut retrouver une cause réelle, on parle alors d’HTA secondaire.
L’hypertension est un tueur silencieux qui, en général, ne présente pas de maux physiques spécifiques; elle ne se révèle que grâce au mesurage de la pression sanguine sur une base régulière.
Quels sont les facteurs de risque ?
Ils sont nombreux. Il y a ceux qu’on peut éviter et ceux inévitables. Parmi les facteurs évitables, il y a le surpoids ou l’obésité, la sédentarité, le tabagisme, l’excès d’alcool, l’excès de sel, le stress… Parmi les facteurs non évitables, il y a l’âge et l’hérédité.
Il y a aussi d’autres facteurs qui peuvent être tels l’excès de cholestérol, la consommation abusive des bonbons contenant la réglisse (bonbons axe), les anti-inflammatoires comme l’ibuprofène, les corticoïdes à long terme.
Concernant l’alcool, beaucoup disent pourtant que sa consommation aide à éviter l’HTA…
(Rires). Ce n’est pas vrai. Seul le vin rouge et de qualité est conseillé. Et sa prise ne doit pas dépasser 120 ml deux fois par jour chez l’homme et une fois par jour chez la femme.
Il y en a qui pointent également du doigt la consommation des bouillons culinaires, les ‘’Maggi’’, pour ne pas les nommer, qui pourraient provoquer l’HTA. Qu’en est-il ?
Il ne s’agit pas uniquement de cubes maggi ou quoi que ce soit, il s’agit plutôt d’éviter toutes les préparations alimentaires et industrielles riches en sel. Ainsi donc, les charcuteries, le pain salé, les sardines, le fromage, les conserves et même les boissons gazeuses sont à éviter.
Y a-t-il un traitement contre l’HTA ?
Oui et il se fait à 2 niveaux :
Dans le cas où la cause est connue (ce qui est rare), il suffit de s’attaquer à elle. Quand il s’agit, par exemple, d’une tumeur, le traitement est chirurgical.
Dans l’HTA essentielle qui concerne la majeure partie des patients, le traitement va consister tout d’abord à observer les règles d’hygiène alimentaires, c’est-à-dire manger peu salé (moins de 6g de sel par jour), faire des exercices physiques réguliers soutenus (au moins 150 mn répartis dans la semaine), lutter contre l’excès de poids, arrêter l’intoxication au tabac ou à l’alcool. Le respect de ces règles permet de diminuer la tension artérielle. Mais chez certains patients, on va associer des médicaments.
Peut-on en guérir ?
Dans de rares cas d’HTA secondaire et d’HTA liée à la grossesse, on peut guérir définitivement. Pour le reste, je dirai que guérir, c’est parvenir à normaliser la tension et à contrôler les autres facteurs de risque en vue d’être à l’abri de complications.
Quelles peuvent être ces complications ?
Il y a des complications notoires qui font d’ailleurs toute la gravité de la maladie ; d’où l’utilisation de l’expression «silent killer» (tueur silencieux) par les Anglo-saxons pour la désigner. En effet, l’HTA est très sournoise. On peut avoir parfois des patients qui ont 22 de tension, mais qui ne ressentent rien, parfois aussi, c’est de façon fortuite, lorsqu’ ils prennent leur tension qu’ils se rendent compte qu’elle est élevée. Pourtant cette hypertension est réputée pour endommager nos organes nobles pouvant entraîner une crise cardiaque, une insuffisance cardiaque, une insuffisance rénale, un accident vasculaire cérébral (AVC), une démence et même rendre aveugle ou l’amputation des jambes.
L’HTA de la femme enceinte, notamment l’HTA gravidique (liée à la grossesse) peut aussi être très grave, car pouvant provoquer une pré-éclampsie sévère, voire une éclampsie.
La contraception peut-elle être à l’origine d’une HTA ?
Oui, mais pas toutes les méthodes contraceptives. C’est notamment la contraception à base d’hormones estrogènes (les pilules) qui vont favoriser la sécrétion d’autres substances peuvent provoquer l’HTA.
L’HTA peut-elle entraîner des troubles sexuels ?
Oui, d’abord par le biais de la tension elle-même. Si l’HTA n’est pas diagnostiquée tôt, avec le temps, elle altère les artères, notamment celles qui sont logées au niveau des organes d’érection et affecte la fonction érectile et même la libido. Parmi les médicaments contre l’HTA, certains peuvent aussi causer des troubles sexuels. Mais très souvent, la raison est purement psychologique.
Les musulmans observent en ce moment le mois de jeûne. Est-ce que le jeûne est contre-indiqué chez les hypertendus ?
Non, il n’y a pas de contre-indication chez l’hypertendu simple. Aujourd’hui nous avons des médicaments qui sont pris une seule fois par jour et qui agissent pendant 24h. Il suffit donc de revoir les horaires de prise et les doses. Il faut donc consulter son cardiologue qui indiquera les mesures nécessaires pour permettre de prendre les médicaments de manière appropriée et faire son jeûne.
Vos conseils de cardiologue pour éviter l’HTA ou pour bien vivre avec son HTA.
Tout d’abord, les personnes adultes (18 ans et plus) doivent songer à se faire dépister au moins une fois dans l’année. Et lorsque la tension est élevée, il faut consulter un médecin qui va indiquer la conduite à tenir qui peut être simplement le respect des mesures d’hygiène et diététiques. Ensuite, l’alimentation étant la pierre angulaire de la prise en charge, il est conseillé de consommer beaucoup de fruits et légumes. Aujourd’hui, il est inadmissible de passer toute une journée sans consommer des fruits et légumes (au moins 200 g). Enfin, il faut bouger et lutter contre le stress sans oublier les médicaments qui doivent être pris aux heures indiquées, avec suivi régulier chez le médecin, cela pour éviter les graves complications.
Source : L’Observateur Paalga