Hamadi Konfé, SG Synthsha/Yalgado: « Si le sens citoyen était élevé, ce sont les populations qui allaient être derrière nous » 

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La sous-section du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO) avait prévu un sit-in les 12 et 13 novembre 2020 pour exiger, entre autres, « l’équipement des différents services en matériels et consommables, la réparation du scanner, le paiement de l’intégralité du rappel des indemnités de garde 2019 aux fonctionnaires propres de l’hôpital ». Aux dernières nouvelles, le sit-in a été annulésuite à un accord entre la Direction générale du CHU-YO et la sous-section SYNTSHA Yalgado. Selon cet accord, la Direction générale du CHU-YO s’engage à payer, au plus tard le 15 décembre 2020, la totalité des rappels de l’indemnité de garde de l’année 2019. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Hamadi Konfé, Secrétaire général de la sous-section SYNTSHA Yalgado, le 12 novembre 2020.  Lisez-plutôt !

 

« Santeactu.bf » : Pourquoi avez-vous décidé de suspendre le sit-in initialement prévu les 12 et 13 novembre 2020 ?

 

Hamadi Konfé : Nous avons décidé de suspendre le sit-in parce que hier (ndlr : 11 novembre 2020), à la demande de la direction, on s’est rencontré et il y a eu un compromis. La Direction de l’hôpital a accepté de régler un certain nombre de problèmes et de s’engager à poursuivre le règlement des autres. Nous avons décidé de croire et de suspendre pour attendre.

Que comptez-vous faire si l’administration de l’hôpital ne tient pas parole à la date du 15 décembre 2020 ?

 

Dans ce pays, on nous a habitués à des engagements qui ne se réalisent pas. Et c’était la raison de ce sit-in puisque l’administration s’était engagée à régler un certain nombre de problèmes au dernier trimestre de l’année 2020. Arrivé au dernier trimestre, elle était en train de tergiverser pour repousser l’engagement. C’est cela qui a révolté beaucoup de travailleurs. C’est pourquoi on avait décidé d’aller en sit-in.  Si, toutefois, l’administration ne respecte pas son engagement, elle sera responsable de la détérioration de la situation.

 

La direction s’est engagée à payer la totalité des rappels de l’indemnité de garde de l’année 2019. Quid des autres revendications comme par exemple la réparation du scanner, l’équipement des différents services en matériels et consommables ?

 

La réparation du scanner, l’équipement des différents services en matière de consommables ne se réalisent pas du jour au lendemain. Cela demande beaucoup plus de moyens. Nous, notre devoir, c’est de rappeler que l’équipement ne marche pas parce que la raison d’être d’un hôpital, c’est de procurer des soins. Si les agents ne sont pas en mesure de le faire faute de moyens, il y a un problème.

 

D’aucuns disent que vous mettez ces revendications en avant, alors qu’en réalité c’est l’aspect pécuniaire qui vous intéresse le plus ?

 

Ceux qui le disent ont leurs raisons. Par exemple, nous avons prévu d’aller en sit-in pour deux jours. Nous sommes persuadés que durant les deux jours, l’administration ne peut pas mettre à niveau les services. Dans cette logique, on est contraint de prolonger le sit-in jusqu’à ce que … Alors que là, ce sont les malades qui vont en pâtir. Notre rôle est de dénoncer. Si après les négociations ça ne marche pas, on menace d’aller à la lutte, on va même à la lutte mais on sait que c’est pour interpeller l’opinion publique. Normalement, pour ces questions, nous ne devrions pas être les seuls à mener le combat pour la mise à niveau des services. Si le sens citoyen était élevé, ce sont les populations qui allaient être derrière nous pour que nous menions le combat ensemble. Il est vrai que nous faisons partie de la population, nous venons à l’hôpital pour des soins et nous n’arrivons pas à avoir de bons soins. Le combat ne devrait pas être laissé seulement au syndicat. Mais la population se contente de nous regarder et de conclure que ce sont les questions pécuniaires qui nous motivent. La logique voudrait qu’elle se mette avec nous pour mener ce combat et nous sommes prêts à lui donner les informations nécessaires, pour la conscientiser pour qu’ensemble on mène la lutte.

 

N’est-ce pas que le plus souvent on constate qu’après la satisfaction des revendications pécuniaires ou un engagement de l’administration à satisfaire les revendications pécuniaires, les autres revendications sont rapportées sine die ?

 

Le reste des revendications ne sont pas rapportées sine die. La preuve, dans le protocole d’accord que nous avons signé avec l’administration, nous avons insisté là-dessus. La paie de la totalité des rappels de l’indemnité de garde de l’année 2019 des fonctionnaires, relève d’un traitement  discriminatoire. C’est un problème de justice et nous voulons instaurer l’équité dans le traitement des agents. Et nous sommes convaincus que l’administration peut résoudre ce problème immédiatement. Et en même temps, nous mettons l’accent sur le fonctionnement des services. Le fait de le dénoncer devait susciter un appui chez les populations. Mais les gens croisent les bras et nous laissent en se disant que ce n’est pas leur problème.

 

Qu’avez-vous donc à dire à ces populations ?

 

Il faut que les gens comprennent. Tout le monde vient à l’hôpital. Tout le monde va dans les services de santé. Donc, la mise à niveau des services est un combat de tout le monde. Ce n’est pas un combat des syndicats, ce n’est pas un combat d’un agent de santé. C’est un combat de tout le monde et nous, nous jouons notre partition. Les malades, du haut de l’étage, sont obligés de descendre avec l’aide de leurs parents, prendre un taxi, faire le tour de la ville pour faire les examens et autres. Qui souffre ? Ce sont les populations. Dans un hôpital de référence, normalement, ce sont les autres qui devaient venir au Centre hospitalier universitaire pour bénéficier de soins et non le contraire. Il faut que les populations se responsabilisent et qu’elles se disent que le pays, c’est pour nous et que nous devrions œuvrer à ce que cela change. Ce n’est pas en restant chez soi, en ayant la critique facile que les problèmes se résolvent. Depuis que notre syndicat existe, nous avons toujours soulevé les problèmes. Mais nous n’avons jamais été accompagnés. Au contraire, le pouvoir mobilise les gens pour nous combattre. Il est vrai qu’il y a des questions de carrière qui sont propres aux agents de santé. Il y a des questions pécuniaires qui sont également propres aux agents de santé. Mais l’un dans l’autre, c’est pour que les agents soient à l’aise pour pouvoir accomplir correctement leur mission. Et c’est même pour les populations. Si un agent de santé est démotivé, il travaille malgré lui. Et c’est cela aussi qui encourage les pratiques indécentes. Nous ne sommes pas en train de justifier ces pratiques. D’ailleurs, nous les condamnons.  Mais s’ils ne sont pas bien traités, ils vont aller dans ce sens-là. Je pense que la lutte que nous menons, que ce soit pour de meilleures conditions de travail, que ce soit pour les carrières des agents de santé, que ce soit pour le traitement salarial, l’un dans l’autre, cela va ensemble car, c’est pour permettre d’assurer la mission qui nous est léguée, celle de nous occuper de la santé des populations.

 

Depuis quand est-ce que le scanner ne fonctionne plus au CHU-YO ?

 

Cela vaut deux mois. On n’a cessé d’interpeller la direction pour cela. Nous ne sommes pas en train de défendre la direction mais quand nous rédigeons notre plateforme, ce n’est pas seulement la direction que l’on met en cause. C’est le ministère de la Santé, le gouvernement, parce que l’hôpital est un service public qui est sous la gestion du ministère de la Santé, donc du gouvernement. Et l’une des missions régaliennes du gouvernement est la santé des populations. C’est un droit constitutionnel. S’il n’est pas capable d’assurer ce droit, il y a problème. Nous, nous ne faisons pas la guerre pour faire la guerre. Nous voulons seulement de meilleures conditions pour travailler. Notre lutte c’est pour le bien de la population. Depuis la création du syndicat en 1965 jusqu’à maintenant, si les gens nous écoutaient et faisaient des efforts, il y a tellement de dépenses que nous pouvons économiser au profit de la mise à niveau des formations sanitaires, on n’allait pas souffrir sur le plan sanitaire.

 

Où en est-on actuellement avec l’application de la Fonction publique hospitalière ?

 

L’application de la Fonction publique hospitalière rencontre des difficultés au niveau de l’Agence générale des soins primaires qui regroupe les districts, les directions régionales. A ce niveau, il y a beaucoup à faire. Beaucoup d’agents n’ont pas le salaire indiciaire n’en parlons pas des indemnités, surtout pas la garde. Dans les établissements publics de santé que sont les hôpitaux universitaires, les centres hospitaliers régionaux, les laboratoires de santé publique, on peut dire que ça va.

 

Pour ce qui est des gardes, nous avons ouï dire que certains agents font plus de jours de garde que d’autres. Est-ce vraiment le cas ?

 

Cela est dû à un manque de prise de responsabilité de la direction de l’hôpital. Nous leur avons toujours dit que la question de la garde mérite que l’on mette en place une équipe de réflexion. On prend service par service, en fonction de l’affluence des malades, de la charge de travail, en fonction du nombre de lits, ensemble nous nous entendons et nous élaborons un planning. Mais si vous laissez la liberté aux agents en la matière, ce n’est pas simple. Les gens veulent l’argent. Ils ne mettent même pas en avant la qualité des soins. Mais comment faire pour avoir l’argent ? Avant l’avènement de la Fonction publique hospitalière, le syndicat a demandé, en 2015, que toutes les couches de travailleurs, en tout cas les techniciens, fassent la garde pour assurer la qualité des soins. Quand on a signé le protocole d’accord en 2017 et que le gouvernement a accepté d’aller dans notre sens, beaucoup de gens s’en sont pris à nous parce qu’on veut les obliger à prendre la garde. Alors que nous n’avons pas vu cela de cet œil-là. C’est pour le bien de la population parce que nous avons constaté que les malades viennent mais ne peuvent pas avoir de soins parce qu’un tel n’est pas là et le weekend il n’est pas là. A ce moment, il n’y avait pas l’argent derrière. La Fonction publique hospitalière est en train de tendre vers là. Mais il faut une bonne gouvernance pour pouvoir corriger les dérapages. Nous ne sommes pas d’accord pour que les gens considèrent l’argent au détriment de la qualité des soins. La garde, c’est pour assurer les soins. On ne va pas venir prendre la garde dans un service où ce n’est pas nécessaire. On ne va pas non plus se doubler pour prendre la garde alors que d’autres viennent pour dormir. Ce n’est pas le point de vue du syndicat. Mais les hommes sont ce qu’ils sont. Tous sont des travailleurs, nous les prenons tous comme nos militants mais tous ne sont pas au même niveau d’engagement. Mais c’est de la responsabilité de la direction de pouvoir encadrer ces gardes.

Pouvez-vous nous expliquer le système des gardes ?

 

L’agent est payé par garde. Il y a un coût par garde. Plus il a un nombre élevé de gardes, plus il gagne à la fin du mois. Si par exemple on paye la garde à 10 000 F CFA et qu’un agent à quatre gardes, il a 40 000 F CFA. S’il a huit gardes dans le mois, il a 80 000 F CFA. Donc, certains agents mettent cela en avant. Mais ce n’est pas avec la bénédiction du syndicat. Le syndicat combat cela. Il faut noter que les travailleurs de la santé ont toujours pris la garde, même au moment où il n’y avait pas d’indemnité de garde ou au moment où l’indemnité était dérisoire. Aujourd’hui, il y en a qui refusent de prendre la garde mais ils veulent l’argent. C’est cela la difficulté.

 

Un appel à lancer ?

 

Notre syndicat n’est pas jusqu’au-boutiste. Il participe à sa manière à la bonne marche des structures de santé. Nous ne sommes pas contre quelqu’un. Mais ce qui ne va pas, nous allons le dire. N’en déplaise à quelqu’un. Le scanner est en panne et le CHU-YO était le seul hôpital public à avoir un scanner. Celui de Tengandogo est en panne depuis longtemps. L’administration doit veiller à la mise à niveau des services de santé pour que les agents soient à même d’assurer leur mission.

A la population de prendre son destin en main. Il y a beaucoup de points de revendications que le SYNTSHA pose, qui sont citoyennes. La lutte doit être citoyenne et la population doit être consciente de cette donne. Quand on est en lutte, les organisations de la société civile se coalisent avec le gouvernement pour nous mater. Alors que nous ne menons pas la lutte pour être désintéressés.

 

Propos recueillis par Françoise DEMBELE

 

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