Ballonnements, douleurs abdominales, diarrhées et/ou constipations sont des signes interpellateurs. « C’est votre intestin qui ne fonctionne plus très bien», selon Dr Sandrine Soudré/Héma, hépato-gastroentérologue au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Tengandogo. Elle fait partie de la Société burkinabé d’hépato-gastro-entérologie et d’endoscopie digestive (SOBUHGEED) et elle nous édifie sur la colopathie fonctionnelle encore appelée trouble fonctionnel intestinal (TFI) ou syndrome de l’intestin irritable (SII).
Qu’est-ce que la colopathie fonctionnelle ?
Merci de nous inviter à aborder ce sujet de la colopathie fonctionnelle qui affecte beaucoup de personnes.
La colopathie fonctionnelle encore appelée trouble fonctionnel intestinal (TFI) ou syndrome de l’intestin irritable (SII), est une affection fréquente qui se définit par la coexistence de douleurs abdominales chroniques et de troubles du transit (constipation, diarrhée, alternance des deux) qui se majorent lors des poussées douloureuses et sans atteinte organique retrouvée. On explique au patient en disant souvent : « c’est votre intestin qui ne fonctionne plus très bien. » C’est une maladie bénigne mais qui retentit parfois gravement sur la qualité de vie.
Est-il fréquent en consultation ?
On estime que dans le monde 5 à 15% de la population adulte aurait un syndrome de l’intestin irritable. Il touche le plus souvent les femmes (2 femmes pour 1 homme) et son diagnostic est généralement fait autour de 30 à 40 ans.
Au Burkina Faso, à l’hôpital Tengandogo, de 2013 à 2019, 367 sur 7570 personnes vues en consultation, étaient reçues pour syndrome de l’intestin irritable ; soit 4,8% de nos consultations.
C’est donc un motif fréquent de consultations et qui a un retentissement économique important (absentéisme, examens complémentaires, médicaments).
Le Syndrome de l’intestin irritable constitue, en dépit de sa bénignité, un problème de santé publique.
Quelles sont les causes de la maladie ?
Les causes du syndrome de l’intestin irritable restent non élucidées. Toutefois, différents facteurs, d’importance variable selon les individus, sont impliqués dans le syndrome de l’intestin irritable.
Des troubles moteurs ont été décrits au niveau de l’intestin grêle et du gros intestin ou côlon. Il s’agit de contractions inappropriées au niveau intestinal
Il existe également une hypersensibilité intestinale chez au moins 60 % des malades qui entraine des sensations désagréables et d’inconfort qui ne sont pas normalement pas perçues.
Une prédisposition génétique a été rapportée.
L’écosystème intestinal est un ensemble d’êtres vivants qui vivent au sein de l’intestin. Il joue très vraisemblablement un rôle dans les troubles du transit, dans le déclenchement et l’entretien de la douleur abdominale, et produit des gaz et acides gras à chaînes courtes par fermentation.
Une histoire d’évènements de vie douloureux (deuil, divorce, …), une exposition régulière à des événements stressants, des troubles psychologiques (dépression, phobie, …) sont des facteurs associés à une plus grande sévérité des symptômes.
Qui est-ce qui est exposé au syndrome de l’intestin irritable ?
Les personnes de sexe féminin, ayant des antécédents familiaux de syndrome de l’intestin irritable, des troubles psychologiques sont plus exposées au syndrome de l’intestin irritable.
Quelles sont les manifestations du syndrome de l’intestin irritable ?
Le diagnostic du syndrome de l’intestin irritable est un diagnostic clinique basé sur les critères de Rome IV qui est la quatrième version, publiée en 2016. Il s’agit d’un groupe d’experts qui se sont réunis pour mettre en place des critères permettant de dire qu’une personne souffre d’un syndrome de l’intestin irritable. Le diagnostic du syndrome de l’intestin irritable repose sur la présence d’une douleur abdominale présente depuis au moins six mois et survenant au moins un jour par semaine durant les trois derniers mois. Au moins deux des trois critères suivants doivent être associés à la douleur : une relation entre douleur et défécation, une modification de la fréquence des selles, une modification de la consistance des selles. Selon les troubles du transit associés, il est possible de distinguer 4 formes cliniques :
- Le syndrome de l’intestin irritable à diarrhée prédominante (SII-D),
- Le syndrome de l’intestin irritable à constipation prédominante (SII-C),
- Le syndrome de l’intestin irritable mixte avec une alternance de diarrhée et de constipation (SII-M),
- Le syndrome de l’intestin irritable SII indéterminé c’est-à-dire n’ayant pas de trouble du transit évident.
Quels traitements pour cette maladie ?
Le traitement du syndrome de l’intestin irritable repose sur :
- Les mesures hygiéno-diététiques
Ce sont des conseils que l’on donne pour éviter ou retarder la survenue des crises qui doivent entrer dans les habitudes de vie des patients. Il faut faire du sport, prendre des aliments riches en fibres ou pauvres en fibres selon le type de syndrome de l’intestin irritable, etc.
- Les médicaments
Certains médicaments sont utilisés au moment des crises : les antispasmodiques contre la douleur, les anti-flatulents contre les ballonnements, les laxatifs, les anti-diarrhéiques.
Chez certains patients, nous rajoutons des anxiolytiques, des antidépresseurs.
Des conseils
Le syndrome de l’intestin irritable est une maladie que l’on a souvent à vie et qui survient par des crises.
Aussi il est important de consulter pour établir ce diagnostic, car d’autres maladies telles que le cancer du côlon ou autres peuvent avoir ces mêmes signes. Et ce surtout quand la personne a : un âge supérieur ou égal à 50 ans, un antécédent familial de cancer colorectal, des symptômes récents ou récemment modifiés ; une résistance au traitement symptomatique ou la présence de signes d’alarme : hémorragie digestive, anomalies de l’examen, amaigrissement.
Propos recueillis par Françoise DEMBELE