Du 29 janvier au 18 février 2018, la maternité du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO) ne reçoit pas de parturientes. La raison, la fermeture momentanée du service pour cause de désinfection et de réhabilitation. Au jour 11 de l’opération, c’est-à-dire le 8 février 2018, nous avons effectué une sortie sur le terrain afin de constater l’évolution de l’opération et l’efficacité des mesures prises pour référencer les patientes dans les hôpitaux désignés à cet effet pour recevoir les parturientes.
De l’eau qui coule et qui ruisselle dans la cour tout autour du service de gynécologie. A l’approche de la maternité, on aperçoit des matelas empilés, des individus en tenue verte ou blanche, bonnet sur la tête, masques bien accrochés protégeant la bouche et le nez, portant des gants et des bottes. Eux, ce sont les personnels de l’hôpital avec l’appui du personnel des prestataires qui travaillent déjà en matière d’hygiène au CHU-YO. Ce sont eux qui assurent l’opération de désinfection de la maternité du CHU-YO. Devant ladite maternité, nous constatons que toute la maison a été débarrassée de tous ce qui s’y trouvait ; des matelas aux meubles en passant par les archives qui s’y trouvent. Même les cafards devront libérer les lieux « bon gré mal gré ». Et la potion magique pour les faire partir, c’est de l’eau chaude. En effet, devant la maternité, nous constatons un ballet incessant d’individus, sous le soleil de midi, qui viennent se ravitailler en eau chaude dans de grandes barriques installées sur des fourneaux où brûle un feu de bois incandescent entretenu par quelques individus. «On a opté d’utiliser l’eau bouillante pour traiter les cafards. Donc nous sommes en train d’arroser les lits, les murs, les fentes avec de l’eau bouillante pour pouvoir réduire considérablement la population de cafards », nous confie Lucienne Sandwidi, responsable du service hygiène hospitalière. « C’est une alternative », précise-t-elle, « pour avoir de l’eau bouillante en grande quantité ». « Sinon pour l’eau bouillante, l’hôpital a décidé de nous accompagner avec du matériel très performant, notamment des chauffe-eau mais apparemment, il y a eu un problème de disponibilité de ces appareils sur le terrain. On avait demandé au moins 10kw mais le fournisseur n’a trouvé que 1,5 kw, une capacité très faible par rapport à la production de la quantité d’eau chaude que nous voulons », explique la responsable du service d’hygiène hospitalière qui nous fait comprendre que l’opération dénommée les 4D « Désencombrement, désinsectisation, dératisation, désinfection», se fait en plusieurs étapes. Et présentement, l’équipe chargée de l’opération est à l’étape de désinsectisation et de dératisation. « Vu le fait que c’est la maternité et que c’est un service très sensible, nous avons pris l’option de ne pas utiliser beaucoup de produits chimiques », argue Lucienne Sandwidi.
Mais elle souligne que pour ce qui est de la première étape, elle a consisté à désencombrer les matelas et les archives. Pour ce qui est des prochaines étapes « nous allons laver le plafond, les fenêtres, les murs, le sol avec un produit détergent et désinfectant en même temps pour pouvoir éliminer les micro-organismes. Après cela, nous allons faire une désinfection par voie aérienne, grâce à un atomiseur. Ce qui va permettre de toucher les parties que l’on n’est pas sûr d’avoir atteintes au moment de la désinfection ». L’opération ne se limite pas seulement à l’aspect éradication des cafards et des micro-organismes. En effet, Lucienne Sandwidi relate qu’en plus de cette activité, d’autres travaux sont en train d’être menés, c’est-à-dire la réhabilitation partielle de la maternité. « Ils sont en train de refaire les systèmes d’électricité, de déboucher les caniveaux bouchés et faire des travaux de plomberie. Après l’étape d’un premier bio-nettoyage, on va laisser les acteurs qui doivent faire les réparations les faire et nous reviendrons après pour faire un bio-nettoyage et faire une désinfection par voie aérienne pour terminer le travail. Après cela, on peut alors commencer à recevoir les patients ».
« Il y a de sérieux travaux qu’il faut faire sur les bâtiments »
En principe, l’opération doit se tenir sur deux semaines. Et «nous comptons finir dans les délais impartis», rassure Lucienne Sandwidi, responsable du service hygiène hospitalière. Pour ce qui est des difficultés, la responsable de l’opération 4D dit en rencontrer. En effet, dit-elle, « beaucoup de locaux étaient encombrés d’archives et pour faire sortir ces archives, cela a pris beaucoup de temps ». La seconde difficulté se résume en l’état du bâtiment. « Il y a des endroits où il y a de grosses fentes dans les murs tant et si bien que l’on se demande si les cafards ne vont pas y trouver refuge », s’indigne Lucienne Sandwidi. « Cela est dû à la vétusté du bâtiment. Il y a de sérieux travaux qu’il faut faire sur les bâtiments, pas au niveau de la maternité, mais dans l’ensemble de l’hôpital parce que c’est très vétuste », dit-elle. Tout compte fait, elle a indiqué que « la lutte contre les cafards ne peut pas se limiter à une seule opération. Elle doit être périodique et doit se faire avec la collaboration des patients et de leurs accompagnants ».
Pour ce faire, Lucienne Sandwidi a demandé l’implication des uns et des autres ; « si on est confronté à un tel problème, c’est dû à un manque d’hygiène des patients. Normalement, un accompagnant ne doit pas manger dans une salle d’hospitalisation. Autour d’une même patiente, on peut avoir cinq plats. La patiente mange, son accompagnant mange, les visiteurs mangent et les restes des repas sont éparpillés. En plus, au lieu que ce soit le matériel médical qui se retrouve autour du patient, on a l’impression que c’est sa valise entière qui se retrouve dans la chambre d’hospitalisation. Les cafards profitent de cela pour proliférer ». Pour éviter ces situations déplorables, le chef de service hygiène hospitalière du CHU-YO a demandé aux uns et aux autres « de changer de comportements en matière d’hygiène ». Embouchant la même trompette, Constant Dahourou, Directeur général du CHU-YO, martèle : « Il ne faut pas que les choses soient comme avant, après la réouverture de Yalgado. Que tout le monde s’engage à adopter un autre type de comportement ».
Pour ce qui est des raisons qui ont poussé à cette opération, Constant Dahourou explique : « On a constaté qu’il y a beaucoup de décès maternels, en l’occurrence 54 dûs aux infections des sites opératoires, les parties qu’on a opérées sur les femmes et nous soupçonnons que ces infections peuvent être des pistes à prendre en compte relativement à cette mortalité maternelle. Nous avons jugé nécessaire en vue de faire une halte en fermant la maternité et faire une opération des 4D ». Une opération qui a nécessité un réaménagement au niveau de l’offre de soins au niveau structures sanitaires de Ouagadougou. En effet, le Directeur général du CHU-YO souligne qu’un dispositif, piloté par le ministère de la Santé, a été mis en place, en l’occurrence une technique de réorientation de l’offre de soins dans la région du Centre et un centre de régulation des appels médicaux d’urgence a été prévu. Et la réorientation de l’offre de soins consiste à faire en sorte que les patients qui devaient venir à Yalgado, soient redéployés au Centre hospitalier universitaire Blaise Compaoré (CHU-BC), à l’hôpital de District de Bogodogo, au CMA (Centre médical avec antenne chirurgicale) de Pissy et au CMA de Kossodo. En tout cas, Constant Dahourou affirme qu’après cette opération, « nous devrons avoir une maternité beaucoup plus propre, plus conviviale et avec moins de possibilités d’avoir des infections liées à l’environnement du département de gynéco-obstétrique ».
Des femmes en travail à même le sol
Alors que la maternité du CHU-YO fait sa grande toilette après avoir vidé toutes les chambres, l’hôpital de district de Bogodogo connaît une forte affluence. Dès l’entrée principale de la maternité, nous sommes accueillis par une odeur pas très agréable. A notre droite, il y a la salle de naissance et à notre gauche, la salle d’hospitalisation. Dans le couloir de la salle de naissance, nous apercevons des femmes en travail, assisses à même le sol. Dans ce compartiment, il y a tellement d’affluence que même dans les chambres, certaines sont obligées de mettre une natte par terre pour pouvoir s’allonger. C’est dire que les chambres sont bondées de parturientes. Du côté du compartiment de la salle d’hospitalisation, la situation semble être meilleure, puisqu’il y a des chambres gratuites et des chambres à catégorie, c’est-à-dire payantes. Que ce soit dans les chambres gratuites où dans les chambres payantes, nous avons constaté que chaque femme et son bébé sont couchés sur un lit. Qu’est-ce qui explique cette affluence ? «Depuis la fermeture temporaire de la maternité de Yalgado, nous notons une grande affluence. Notre structure reçoit de partout. Par semaine, nous enregistrons 144 accouchements, 33 césariennes. Et la gestion n’est pas facile », répond Claire Belemkoabga/Zigani, surveillante de l’Unité des soins de la maternité du District de Bogodogo.
A l’entendre, le système de référencement n’est pas respecté ; toute chose qui entraîne la forte affluence. « Donc, des aménagements ont été faits pour éviter que les femmes ne dorment dans les couloirs et à même le sol. Malgré cela, il y a toujours des femmes au sol», confie-t-elle. Pour ce qui est des difficultés, Claire nous fait comprendre que le problème majeur est celui du personnel : « Nous avons une équipe de 5 sages-femmes, qui roule en salle d’accouchement. Elles font la permanence de 8h à 12h, de 12h à 18h et montent la garde la nuit, de 18h à 8h ». Et selon les dires de la surveillante de l’Unité des soins de la maternité, l’équipe de 5 sages-femmes qui roule, peut recevoir plus d’une vingtaine de patients la journée et dans la nuit plus d’une trentaine de parturientes. Pour l’unité de soins post-opératoires, c’est une équipe de deux qui gère une trentaine de malades, soit six sages-femmes qui font le roulement, nous informe-t-elle. Après avoir fait le point, elle conclut que son unité fait face à un manque de personnel. Et son cri de cœur est que l’on dote « l’hôpital de district de Bogodogo de sages-femmes et de maïeuticiens ».
Pour rappel, la dernière opération partielle de désinfection de la maternité du CHU-YO a eu lieu en 2013. Mais cette désinfection n’a pas nécessité la fermeture de l’hôpital.
Françoise DEMBELE