Dr Relwende Aristide Yaméogo du SYMEB, à propos du plan de riposte du covid-19 : «le relèvement des plateaux techniques ne fait pas partie des priorités»

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Le Burkina Faso, à l’instar du monde entier, fait face à la pandémie du Covid-19. Dr Relwendé Aristide Yaméogo, médecin cardiologue et responsable à l’information du Syndicat des médecins du Burkina Faso (SYMEB), se prononce sur la gestion de la crise sanitaire au Burkina Faso. Pour lui, « si les fonds (178 milliards de F CFA) que l’on mobilise actuellement pour la lutte contre cette maladie avaient été investis dans le système de soins avant le Covid-19, la situation aurait été moins alarmante ».

 

« Santeactu.bf » : Comment peut-on expliquer le nombre élevé de cas de Covid-19 au Burkina et ce, comparativement aux autres pays au sud du Sahara ?

 

Dr Relwendé Aristide Yaméogo : C’est l’occasion pour moi de rendre un vibrant hommage à tous les acteurs sans exception, qui luttent tous les jours pour que la vie continue, et de présenter mes condoléances à toutes les familles attristées par cette maladie. Officiellement, à la date du 6 avril 2020, le Burkina fait partie des pays de l’Afrique subsaharienne qui a déclaré un nombre de cas élevés, 345, derrière le Cameroun et l’Afrique du Sud (Le pays a mis en place des vans mobiles avec plus de 30 000 tests par jour). Mais à mon humble avis, il faut prendre avec précautions le nombre de cas car les pays n’ont pas les mêmes manières de définir les cas suspects et de réaliser les tests diagnostiques. Le nombre de cas réels dépend de la capacité de chaque pays à prendre en charge toutes les personnes qui sont susceptibles d’être des cas suspects.

Selon les informations que je reçois de mes amis et de certains agents de santé, il est difficile de joindre le 3535 et les visites sont décalées par rapport au moment de l’appel. Dans ces conditions, il est difficile de se projeter sur le nombre de cas. Et je ne sais pas si les autres pays rencontrent les mêmes problèmes qu’au Burkina Faso.

 

Relativement au nombre de plus en plus élevé de cas de contamination, d’aucuns indexent les autorités politico-administratives, les mines et les religieux comme les foyers de contamination qu’il faut surveiller de près. Qu’en dites-vous ?

 

Dans ce contexte d’épidémie, je n’indexe personne. Nous sommes en face d’une maladie infectieuse à caractère épidémique.

Il faut d’abord signaler la particularité de cette maladie : c’est une maladie qui a une phase d’incubation qui est en moyenne de 14 jours, c’est-à-dire que je peux être porteur du virus sans même le savoir durant cette période et contaminer mes proches et les personnes avec qui je suis en contact.  Ensuite, une majorité des personnes porteuses du virus ne font pas de symptômes.

 

Nous sommes un pays carrefour avec un nombre important de déplacements de nos populations dans le cadre de leurs activités vers des pays qui étaient contaminés par le Covid-19.

Les premières personnes symptomatiques ne sont pas forcément les points de départ et il peut y avoir d’autres sources de contamination. Nous sommes actuellement dans une phase où la maladie est en train de toucher plusieurs provinces. Nos efforts doivent être concentrés sur la rupture de la chaîne de contamination plutôt que de chercher des coupables.

 

Qu’est-ce qui explique, selon vous, la récurrence des décès du Covid-19 au Burkina Faso ?

 

Une fois de plus, je présente mes condoléances aux familles éplorées.

Pour le moment, le taux de létalité au Burkina Faso du Covid-19 est de 4,9% contre 5,45% au niveau mondial. On peut dire que le Burkina Faso est dans la même situation de mortalité, mais il serait simpliste de le comparer ainsi. Il se peut aussi que le taux de décès soit sous-estimé vu que nous ne faisons pas la certification des causes de décès systématiquement.

A côté de la mortalité du Covid-19, il faut prendre en compte la mortalité des autres maladies et faire une comparaison des taux de mortalité et je ne suis pas sûr que ce soit le Covid-19 qui est la principale cause de mortalité dans nos hôpitaux.

Le Covid-19 est venu mettre à nu un système de santé qui n’était pas optimal en termes de soins. C’est ce que les syndicats, pendant des années, ne cessent de répéter aux gouvernants et à la population. La qualité des soins dans notre système de santé, ne date pas de décembre 2019. Actuellement, tout le monde est dans la ferveur du Covid-19 et je crains que les dommages collatéraux en termes de mortalité de cette maladie dans notre système de santé, ne soient plus importants que ceux de la maladie elle-même. A la sortie de la crise, peut-être que des études viendront mieux nous expliquer l’impact du Covid-19 sur le système de santé.

Doit-on craindre une propagation à grande échelle de la maladie au Burkina ?

 

Je ne saurai répondre à cette question. Il y a des évaluations qui placent le pic au Burkina Faso à mi-avril. Mais la propagation de la maladie dépend de plusieurs facteurs. Par exemple, le respect des mesures-barrières dont les matériels manquent aussi bien pour les agents de santé que pour la population ; la capacité à dépister les cas afin de les isoler et la gestion des mouvements de la population (google montre une réduction de la mobilité au Burkina Faso depuis le début du mois de mars, mais ce sont des données à prendre avec précautions car il s’agit des données des capteurs de smartphones et des personnes qui ont activé la géolocalisation). Toutes ces mesures demandent la coordination de plusieurs acteurs et une participation franche de la population. C’est pour cela que rassurer la population et les mettre en confiance sont des éléments importants dans la lutte contre cette maladie.

Et pour le moment, je ne suis pas sûr que la population soit rassurée.

 

Quel regard portez-vous sur le dispositif actuel pour soigner les malades du Covid-19 au Burkina Faso ?

 

Les pays développés qui ont des systèmes de santé robustes croulent sous l’effet de cette maladie avec des taux de mortalité importants et des capacités de réanimation qui sont dépassées.

Qu’est-ce qui a changé dans notre système de santé avec l’arrivée du Covid-19 ? Rien.

La seule chose qui a changé, c’est le redéploiement du personnel et des structures pour la prise en charge des cas de Covid-19. Et mieux, c’est comme s’il n’existe plus de maladie au Burkina Faso en dehors de celle-ci.

Si les fonds (178 milliards de F CFA) que l’on mobilise aujourd’hui pour la lutte contre cette maladie avaient été investis dans le système de soins avant le Covid-19, la situation aurait été moins alarmante. Et mieux, quand on regarde la répartition des dépenses de fond, le relèvement des plateaux techniques des hôpitaux ne fait pas partie des priorités. A mon avis, il faut mettre le maximum d’efforts, dans notre contexte, dans la prévention pour ne pas atteindre le stade où on a un nombre important de cas, car nous n’allons pas pouvoir tenir. En matière de prévention également, tout le monde est démuni. Quand on voit les grandes puissances se faire la guerre pour acheter les masques pour leur population, c’est encore plus compliqué pour nous. Mais, il y a des points positifs à saluer, notamment la relance de la production de la chloroquine, du paracétamol et du gel hydroalcoolique. Mais j’ose espérer que ces initiatives ne vont pas s’arrêter à la fin de l’épidémie et que cette épidémie servira à relancer le pays.

 

Selon certaines informations, le laboratoire de référence grippe rencontre des difficultés pour le test Covid-19 ? Avez-vous des informations sur le sujet ?

 

Non, je n’ai pas d’informations sur le sujet.

 

Selon vous, comment peut-on couper la chaîne de transmission de la maladie au Burkina Faso ?

 

Pour moi, pour rompre la chaîne de transmission, il faut appliquer les gestes-barrières simples (port du masque, respect de la distance sociale de 1 m, éviter les voyages dans des zones contaminées, éviter les déplacements inutiles et s’auto-confiner dès que l’on pense qu’on a été en contact avec le virus). Il faut donner les moyens aux agents de santé de se protéger.  Il faut contrôler les flux d’entrées et de sorties dans le pays et dans les villes.

 

Faut-il qu’on en arrive au confinement ?

 

Je ne suis pas sûr qu’il faut arriver au confinement. La mise en place du confinement nécessite des accompagnements. Nous sommes dans un pays où la population vit au jour le jour, avec un secteur informel très développé et non structuré. Il faut aussi prendre en compte la difficulté d’identification des familles vulnérables dans notre pays. Le Covid-19 met à nu encore nos systèmes d’enregistrement des faits d’état civil. Il faut que nous arrivions à mettre en place des bases de données de toute la population avec toutes les informations possibles et les mettre à jour.

 

Faut-il envisager la solution de l’OMS qui préconise d’ouvrir le test au maximum de personnes ?

 

Pour ce qui concerne le maximum de dépistage des personnes, le test coûte cher (30 à 50 euros par test selon les informations que j’ai reçues) et n’est pas supportable sur le plan économique. Par contre, nous pouvons dépister le maximum de cas suspects à partir des définitions mises en place par le CORUS. Ce sera un avantage important dans la lutte contre la maladie.

 

Un appel à lancer ou d’autres commentaires à faire ?

 

Mon appel à l’endroit de la population est de respecter les gestes-barrières afin de protéger les personnes que nous aimons et nous protéger nous-mêmes.  A travers ces gestes, nous protégeons également notre pays que nous portons tous dans nos cœurs.

Il faut que la population respecte ces consignes pour éviter que les structures de soins soient sous tension.

Il faut que les autorités mettent les moyens pour prendre en charge tous les cas suspects dans le cas où nous ne pouvons pas faire de dépistage massif.

Cette épidémie de Covid-19 concerne tous les domaines de la vie et il faut qu’on se serre les coudes pour combattre ensemble cette maladie. Cette épidémie vient montrer les failles des différents systèmes mis en place à travers le monde. Elle montre une nouvelle voie à nos pays pour se repositionner dans la course au développement. Et elle montre qu’il faut compter sur ses ressources internes en les développant le mieux possible. Dépendre de l’extérieur peut conduire à la catastrophe comme nous sommes en train de le voir. Il y a un adage en mooré qui dit que « si tu dors sur la natte de quelqu’un, considère que tu dors à même le sol ». 

 

Propos recueillis par Françoise DEMBELE

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