Dr Pascal Nadembega est fils de tradipraticien, directeur de la Médecine traditionnelle, pharmacien, spécialisé en pharmacognosie. Après un doctorat d’Etat en pharmacie, option biochimie clinique, il observe une halte en Italie où il fait un doctorat d’Etat en pharmacie industrielle. Dr Pascal Nadembega est un fervent défenseur de la médecine traditionnelle qui, selon lui, soigne plus de 80% de la population. Et par rapport à la lutte contre la pandémie de la maladie à coronavirus qui sévit dans le monde entier, Dr Nadembega soutient que l’Afrique a son mot à dire.
Santeactu.bf : Quel est le rôle de la direction de la Médecine traditionnelle ?
Dr Pascal Nadembega : La direction de Médecine traditionnelle a pour rôle de coordonner les activités des praticiens de la médecine traditionnelle en proposant des stratégies, des politiques. La direction a également pour rôle de veiller à la propriété intellectuelle des tradipraticiens parce que généralement le tradipraticien apprend de son papa mais comment faire pour qu’on ne vienne pas le lui voler. En fait, nous nous sommes trop européaniser parce que le tradipraticien s’en fout de propriété intellectuelle. Mais comme nous sommes des capitalistes, il faut prendre ces médicaments et se faire de l’argent sinon quand tu arrives chez un tradipraticien, il te donne la formule de son médicament en te disant prend ceci ou cela, va faire bouillir et tu te laves avec. C’est la formule ainsi. L’Africain ce n’est pas l’argent c’est d’abord l’individu. Et il est fier d’avoir aidé la personne à recouvrer la santé. La protection de la propriété intellectuelle au niveau de la médecine traditionnelle est un problème. Quel mécanisme utiliser puisque la médecine traditionnelle n’est pas considérée comme un bien mais un don de Dieu. Nous sommes chargés de faire la promotion des interfaces. On a construit à Tenkodogo et à Ouahigouya. Mais depuis que les bâtiments ont été construits en 2012, le directeur de l’hôpital ne sait même pas pourquoi ces immeubles sont là.
Peut-on dire que la direction de la Médecine traditionnelle est une coquille vide ?
Non, c’est une coquille qui n’a pas de poussins. C’est comme les œufs des poulets hormonaux qui font des œufs qui ne peuvent pas donner de poussins. La direction de la Médecine traditionnelle n’a pas de budget. Notre budget est dilué dans la grande direction générale qui contient six (6) directions techniques. Nous dépendons de la DAF (Direction des affaires financières). Sinon les praticiens de la médecine traditionnelle sont organisés en associations, en fédérations et en réseaux. Donc c’est bien structuré. Notre stratégie est de pouvoir les amener à être des petites et moyennes entreprises. Si nous devons nous référer à ceux que les occidentaux nous ont imposés, un tradipraticien est en même temps médecin, pharmacien et manager.
Qu’est-ce qui a suscité la création de la direction de la Médecine traditionnelle ?
C’est un constat. Nous savons que 80% de la population se soignent à l’aide de la médecine traditionnelle. Nous nous sommes dit alors, valorisons la médecine traditionnelle. Mais il fallait abroger les lois qui interdisaient la pratique de la médecine traditionnelle dans les colonies françaises. En 1970, le Burkina a adopté une loi qui reconnaissait la médecine traditionnelle. Et même après 1970 si tu pratiquais cette médecine, on te fouettait et on t’amenait à la gendarmerie pour te dire d’abandonner la médecine traditionnelle parce que c’est du charlatanisme. Les Européens nous ont éloignés de notre culture et nous ont imposé un système de santé qui ne nous appartient pas. On a mis en place le CAMES. Mais le CAMES, c’est quoi ? C’est un système qui a été mis en place par l’Europe pour pouvoir contrôler les intellectuels africains. Nos chercheurs, ce sont les publications qui les intéressent. Chacun se dit professeur mais qu’est-ce qu’il a produit concrètement qui est utile à la société. C’est de la théorie.
Revenant à la promotion de la médecine traditionnelle, c’est comme si on voulait d’une chose et son contraire ?
Actuellement la population a augmenté. Donc, il faut donner les moyens aux tradipraticiens. Et on dit à la population d’aller en pharmacie pour chercher les médicaments. Donc il faut que les tradipraticiens amènent leurs médicaments en pharmacie selon un certain nombre de critère qu’on leur impose. On ne leur donne pas les moyens techniques et financiers pour qu’ils puissent s’y conformer.
Nous sommes en pleine pandémie de la maladie à coronavirus, pensez-vous que la médecine traditionnelle a son mot à dire dans cette lutte ?
Ça ne devait être que la médecine traditionnelle qui devait parler de cette maladie. Nous utilisons les médicaments occidentaux qui n’ont pas la solution. L’Afrique a un énorme potentiel qu’elle utilise depuis de longues années contre les virus, les bactéries et autres. Mais nous n’avons été mêlés ni de près ni de loin à cette lutte. Il a fallu que le Mogho-naaba lance un appel pour que les praticiens de la médecine se lancent. La médecine traditionnelle traite les symptômes tout comme on traite les symptômes du Covid-19. La médecine traditionnelle a la solution de cette maladie. Que celui qui n’est pas d’accord, nous amène un patient et nous allons le traiter. En trois, quatre jours s’ils font le test et que le patient est toujours positif, nous ne sommes plus des praticiens de la médecine traditionnelle en Afrique.
Mais pourquoi l’OMS semble ne pas accorder du crédit aux découvertes de médicaments faites par les africains comme le COVID ORGANICS de Madagascar ?
Qui a mis en place l’OMS ? Ceux qui pensent que ce sont eux seuls qui décident pour ce monde. Ce sont eux qui décident à l’OMS. L’OMS ce n’est pas pour les Africains. L’OMS est en train de jouer un mauvais coup. Dans les textes de l’OMS, par rapport à la promotion de la médecine traditionnelle, ils ont donné des canevas. Une maladie arrive, on suit ses canevas, on donne des solutions et elle dit qu’elle ne reconnaît pas ce médicament. Mais que veut l’OMS ? Je suis désolé que l’OMS se comporte de cette façon.
Interview réalisée par Françoise DEMBELE