Il dit aimer son métier, parce qu’il permet de faire sortir des patients qui sont pratiquement dans la dépression et de les remettre en activité. Lui, c’est le Dr Christian Compaoré, spécialiste en médecine interne, en rhumatologie, expert en réparation juridique du dommage corporel. La spécialisation de Dr Christian Compaoré en rhumatologie est le fruit d’un concours de circonstances : la maladie de sa mère. Pour la petite histoire, la mère du docteur a été atteinte d’une arthrite sceptique en 2006, pendant qu’il était en études en première année de spécialisation en médecine interne à Dakar : « A cette époque, il n’y avait qu’un seul rhumatologue ». Toute chose qui l’a traumatisé et l’a conduit à se spécialiser dans ce domaine, parce qu’il s’est dit qu’« il faut développer cette spécialité » et aider les personnes atteintes de cette pathologie que l’on porte à vie, à s’en sortir. Actuellement, il est responsable du cabinet médical Sainte Cécile et soigne les rhumatismes. Qu’est-ce que cette pathologie ? Comment la contracte-t-on ? Comment en guérir ? Autant de questions qui vous taraudent l’esprit. Dans cet entretien, Dr Christian Compaoré éclaire notre lanterne. Lisez plutôt !
« Santeactu.bf » : Qu’est-ce que les rhumatismes ?
Dr Christian Compaoré : Les rhumatismes sont un ensemble de maladies diverses qui touchent le squelette humain, en sachant que le squelette humain est constitué de plus de 200 os, avec des articulations, des muscles et des tendons. Les rhumatismes sont un ensemble de maladies qui touchent les os, les articulations, les ligaments et les tendons. C’est pourquoi nous avons différents types de rhumatismes dont les principaux sont les rhumatismes de type inflammatoire qui sont des maladies génétiques plus ou moins héréditaires, les maladies dégénératives qui surviennent dans le vieillissement. Ces maladies détruisent le cartilage articulaire comme l’arthrose. Les maladies qui touchent les muscles, la fibromyalgie que l’on ne connaît pas et qui est une maladie difficile à diagnostiquer. Et enfin, les affections osseuses, les ostéoporoses qui sont le vieillissement de l’os qui devient mou comme du gruyère, perd toute sa substance et sa dureté. Ce qui entraîne des fractures.
Comment contracte-t-on les rhumatismes ?
Selon les types de rhumatismes, ils peuvent être héréditaires, par exemple les polyarthrites rhumatoïdes qui peuvent faire partie d’un ensemble de maladies héréditaires qui peuvent être transmises de génération en génération ou d’un saut de génération ou toucher des frères d’une même famille ou des sœurs et frères d’une même famille ou des jumeaux qui peuvent être atteints de polyarthrite ou d’une autre maladie qui est le mucus, mais ce sont des maladies systémiques qui touchent les articulations, les tendons, les muscles, mais qui vont aller systématiquement toucher le cœur, le système nerveux, les reins, etc. Nous avons aussi les maladies rhumatismales de type inflammatoire où ce sont les infections qui agissent. Nous avons par exemple les angines. Quand elles sont mal traitées, les germes vont se fixer dans les articulations. On parle alors de rhumatisme articulaire aigü. Au niveau des maladies sexuellement transmissibles (MST), par exemple le gonocoque, même si elles sont traitées très difficilement, le patient retrouve ses articulations atteintes et détruites. Donc, pour se prémunir, il faut éviter ces genres de maladies. Il y a aussi la syphilis qui donne des atteintes rhumatismales. Il y a aussi des atteintes rhumatismales déclenchées par le stress ou certaines petites maladies. Au détour d’un paludisme ou d’une fièvre typhoïde, on peut avoir un déclenchement de la polyarthrite rhumatoïde ou les affections qui sont liées à la femme telles que l’ostéoporose liée à la ménopause chez la femme qui n’a plus ses hormones qui constituent une protection. Les carences alimentaires en vitamine D, en calcium, peuvent être responsables d’ostéoporose, de maladies rhumatismales. Nous avons aussi la sédentarité. En fonction de chaque classe de rhumatisme, nous avons plusieurs manières de les contracter et c’est selon le type de rhumatisme.
La drépanocytose peut-elle conduire aux rhumatismes ?
Oui. La drépanocytose peut conduire aux rhumatismes parce que c’est une maladie qui touche les articulations par manque d’oxygénation de ces articulations. Le patient ressent à ce moment des douleurs articulaires, des douleurs musculaires, des douleurs osseuses et le problème, c’est que c’est cette vasoconstriction qui entraîne ces douleurs osseuses et qui donne le mal-être aux drépanocytaires. Le traitement consiste à lever cette vasoconstriction afin de chasser la douleur parce que ces rhumatismes se manifestent par des douleurs intenses qui peuvent aller à l’administration de morphine. Donc, c’est un protocole de lutte contre la douleur qui est administré.
Ces douleurs rhumatismales ne peuvent-elles pas entraîner des complications au niveau de la drépanocytose ?
Oui, ces douleurs rhumatismales entraînent des complications parce qu’on a des ostéonécroses de la tête fémorale qui sont en manque d’oxygénation de la tête du fémur qui se trouve au niveau de la hanche. La tête du fémur se détruit, elle n’est plus nourrie et se fissure. On retrouve des patients qui ont la hanche douloureuse, qui boîtent et qui n’ont pas les moyens de se soigner. Pour ceux qui ont les moyens de se soigner, on peut mettre une prothèse totale de la hanche. Pour ceux qui n’ont pas les moyens de soigner, on est obligé de leur donner des anti-douleurs, des anti-inflammatoires, faire de temps en temps des infiltrations, compléter par des semelles orthopédiques et leur apprendre à vivre avec. Mais les complications sont nombreuses chez le drépanocytaire. Il y a les infections, et surtout le handicap qui est l’une des complications les plus redoutées.
Comment se manifestent les rhumatismes ?
Les rhumatismes se manifestent par la douleur, l’inflammation, la rougeur, la chaleur localisée, des gonflements articulaires ou péri-articulaires ou une tuméfaction osseuse liée à une atteinte cancérigène parce qu’il y a des cancers qui donnent le rhumatisme, plus précisément le cancer des os. Il y a aussi la raideur de l’articulation, la difficulté à marcher, qui sont les signes cliniques des rhumatismes articulaires.
Quels sont les facteurs de risques liés aux rhumatismes ?
Il est prouvé dans plusieurs études que le stress est responsable du déclenchement des polyarthrites ou de maladies systémiques. Le stress conduit à l’aggravation de certaines lombalgies, de l’atteinte douloureuse de la colonne vertébrale. L’obésité est aussi un facteur. Il est dit que celui qui perd 5 kilogrammes, guérit de 32% de ses rhumatismes. Un autre facteur de risque, c’est la sédentarité. La mauvaise hygiène alimentaire, l’absence de calcium, de vitamine D ou d’autres compléments alimentaires dans les repas, sont des facteurs de risque. Il y a aussi la consommation abusive de bière, d’alcool ou de viande rouge et le gibier, qui est un facteur de risque de la goutte qui est aussi un rhumatisme. La consommation de thé ou de café peut être responsable de goutte. On a remarqué que ces dernières années, la goutte est en pleine recrudescence. Il y a beaucoup de jeunes qui ont la goutte. Ce n’est plus une maladie de la personne âgée. Les rhumatismes peuvent aussi être dus aux effets secondaires de certains médicaments dans le cadre du traitement de la tuberculose, le traitement de l’hypertension artérielle comme les diurétiques.
Les rhumatismes sont-ils une affaire de jeunes ou de vieux ?
Les rhumatismes touchent tous les âges, aussi bien les enfants de 2, 3 ans qui font une convulsion d’épilepsie et on trouve qu’ils ont un lupus, ou des patients de 90 ans qui ont de l’arthrose mais qui vont développer après, un rhumatisme inflammatoire. L’ostéoporose atteint surtout les personnes âgées. La fibromyalgie, c’est une maladie qui touche les muscles principalement, surtout dans le milieu des travailleurs. Dès que l’on commence à travailler, qu’il y a une pression et que l’on est prédisposé à des manifestations douloureuses dans les zones musculaires, on développe ainsi des rhumatismes de type fibromyalgique. C’est des pathologies musculaires squelettiques qui restent un diagnostic difficile à prendre en charge et à guérir.
Mais quel est le lien entre rhumatisme et arthrose ?
L’arthrose est un rhumatisme dégénératif qui détruit le cartilage osseux, au fur et à mesure que l’on évolue. Il y a des jeunes qui ne sont pas obligatoirement âgés, mais qui ont une polyarthrite rhumatoïde qui détruit le cartilage articulaire, et qui ont de l’arthrose qui peut se régénérer au fur et à mesure des traitements. Donc, l’arthrose est une entité des rhumatismes. Ce ne sont pas des rhumatismes inflammatoires, mais des rhumatismes dégénératifs.
Il y a une idée selon laquelle les crises de rhumatismes se déclenchent quand il fait froid ou quand il y a de l’humidité. Qu’en dites-vous ?
Effectivement, c’est vrai. Si l’on prend un drépanocytaire, en période d’humidité, il est mal oxygéné. Il a des crises vaso-occlusives, des douleurs articulaires rhumatismales. On a aussi remarqué que dans le cas de la polyarthrite
rhumatoïde, les patients ont plus de douleurs quand il fait froid, mais le mécanisme physio-pathologique n’est pas encore bien connu. C’est pourquoi on a des traitements qui consistent par exemple à quitter l’hiver pour venir en Afrique dans la chaleur, ou bien à aller dans des bases thermales où il y a de l’eau à fort degré, avec des vaporisations qui permettent d’entretenir des articulations et de ne pas les laisser être usés par le froid. L’autre complément, c’est la pratique du sport, la chaleur qui permet de se relâcher, de se relaxer après une bonne pratique de sport.
Le sport est donc conseillé pour les rhumatismes alors ?
Il y avait une idée selon laquelle quand on a des rhumatismes, il faut se reposer. Moi je dis non. Quand on est douloureux, il faut se reposer. Mais quand on ne l’est pas, on doit faire de l’activité sportive qui permet de libérer les protéines de la douleur de l’articulation. Cela permet de chasser la douleur et d’assouplir l’articulation. En plus, le sport permet de libérer l’esprit, de se libérer du stress.
Quels genres de sport ?
Je conseillerai la marche qui est gratuite, le vélo qui est accessible à tout le monde et la natation. Il y a aussi le sport de salle, mais il faut qu’il soit adapté à chaque personne. Si on a une arthrose du genou, on ne fera pas les mêmes exercices que quand on a une arthrose de la colonne vertébrale. Il faut que les maîtres de sport disent aux patients quels gestes faire ou ne pas faire. Ils doivent être formés pour apprendre aux patients à utiliser la salle de gymnastique.
Comment soigne-t-on les rhumatismes ?
Il y a plusieurs traitements. D’abord le traitement asymptomatique, qui consiste à faire partir la douleur. Nous avons les antidouleurs qui sont en trois paliers. Le palier 1 : le doliprane, le paracétamol. Palier 2 : le paracétamol plus le tramadol ou le tramadol uniquement. Nous avons aussi lamaline et les dérivés d’opium. Le stade 3, c’est la morphine orale ou en injection musculaire, sous cutanée ou veineuse. Nous avons aussi les anti-inflammatoires que les gens utilisent comme le dichlofenac. Il faut savoir que cet anti-inflammatoire est responsable d’ulcère gastrique, d’insuffisance rénale, d’hypertension artérielle et d’autres complications plus difficiles à gérer à long terme. Donc, il faut éviter de s’auto-médiquer par les anti-inflammatoires. On peut prendre le paracétamol en sachant que celui-ci donne des hépatites quand il est trop consommé. Les anti-inflammatoires doivent être prescrits par un médecin, selon le patient, avec des protecteurs gastrites ou en diminuant la dose selon le patient. Il y a aussi les infiltrations localisées qui consistent à faire une injection de corticoïde au niveau des articulations douloureuses. Le traitement de fond consiste à mettre en place des médicaments comme le d’mards, le méthotzexate, l’arava et autres ou bien les biothérapies que nous n’avons pas ici. Ces biothérapies ciblent les anticorps qui détruisent les articulations, puisqu’on a remarqué que ce sont les anticorps qui sont censés nous défendre, qui vont au niveau des articulations, des muscles, des ligaments pour les détruire.
Il y a également des traitements à base de massage. Une fois que la personne a des douleurs, elle va se faire masser par un kinésithérapeute qui a de nouvelles techniques pour chaque articulation, pour chaque zone atteinte. La kinésithérapie de la colonne vertébrale est différente de la kinésithérapie du genou. La kinésithérapie lutte aussi contre la raideur, puisque l’articulation, quand elle est atteinte et n’est pas traitée, devient raide à force de multiples dégradations.
Mais est-il conseillé aux drépanocytaires de ne pas se faire masser quand ils ont des douleurs ? Dans ce cas, que faut-il faire ?
Selon ma compréhension, il faut éviter les massages parce que la douleur est telle qu’une fois que vous le massez, vous augmentez la douleur. C’est pour cela qu’on dit qu’il faut les massages quand la personne a moins mal. Mais je pense que les hémoglobinopathes sont différents des kinésithérapeutes, parce qu’on peut mettre la chaleur sans masser. On peut aussi atténuer la douleur en mettant la glace sur la zone douloureuse. On n’est pas obligé de masser, on peut mettre des antidouleurs, des sources de chaleur, de fraîcheur ou pratiquer de l’électrothérapie. Je reste persuadé que les traitements des rhumatismes se font au cas par cas.
Qu’en est-il des complications des rhumatismes ?
Les complications vont de la mort aux complications cardio-vasculaires qui peuvent être responsables de mort subite ou de dégradation cardiaque de gros cœur, de valvulopathie, de l’hypertension artérielle ou d’embolie pulmonaire. Les rhumatismes peuvent se compliquer par les atteintes de certains organes comme le système nerveux, les reins. Ils peuvent aussi se compliquer par des atteintes pulmonaires, les pneumopathies interstitielles dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde. L’atteinte pulmonaire peut aussi être due aux médicaments que l’on prend. Par exemple, le methotzexate, au lieu de soigner, peut entraîner des problèmes pulmonaires. Les complications peuvent aussi consister en des atteintes digestives, les perforations digestives dans les maladies de Crohn. La complication principale, en dehors de la mort, c’est le handicap. Le patient ne peut plus marcher, ne peut plus travailler parce qu’il est douloureux. Il devient donc un poids pour la famille. Les rhumatismes constituent un tiers (1/3) des handicaps dans le monde.
Comment se prémunir des rhumatismes ?
La prévention se fera au cas par cas. Pour la goutte, il ne faut plus manger la viande ni boire de la bière. Pour les IST, il faut se protéger avec des préservatifs. Pour la polyarthrite rhumatoïde, on s’est rendu compte que le tabac est un facteur déclenchant. Pour ce faire, il faut éviter de fumer. Ensuite, il faut avoir une bonne hygiène alimentaire, une bonne hygiène de vie et éviter de prendre du poids. La prévention repose sur l’économie de nos articulations.
Quelle est la fréquence des rhumatismes au Burkina Faso ?
Nous n’avons pas de statistiques, mais dans ma consultation, plus de 90% des patients sont atteints de rhumatismes, avec plus de 75 % qui sont des rhumatismes dégénératifs, des arthroses que l’on retrouve chez des sujets jeunes, avec une moyenne de 35 ans et autant d’hommes que de femmes. Nous n’avons pas encore de cahier pour recenser les pathologies rhumatismales comme en Europe où il y a des critères qui permettent de suivre les patients sur le long terme. Pour l’ostéoporose, nous n’avons pas d’ostéodensitomètre qui permet de faire le diagnostic de cette ostéoporose. Nous gagnerions à mettre en place cet examen diagnostic. Il faut reconnaître que les rhumatismes sont une maladie fréquente, en nette évolution, qui se rencontre dans plus de la moitié de la population burkinabè. Les médecins sont très peu nombreux pour prendre en charge ces rhumatismes. Nous sommes autour de trois médecins spécialistes dans le domaine actuellement, avec quelques jeunes en formation. Nous gagnerions à travailler avec les autres corps, en collaboration avec la médecine interne, les orthopédistes qui, souvent, font le travail des rhumatologues.
Un cri du cœur ?
Les rhumatismes, c’est quelque chose de volumineux et difficile à prendre en charge. Le système anglophone diffère du système francophone, de même que la prise en charge. Mon cri du cœur, c’est la communication interdisciplinaire. Il faut faire en sorte que le patient ne souffre pas. Il faut que l’on collabore entre spécialistes, médecins orthopédistes, médecins rhumatologues, médecins internistes, médecins cardiologues, médecins néphrologues, pour que l’on puisse prendre en charge les rhumatismes. Même le dermatologue est très proche du rhumatologue, parce qu’ils ont des pathologies comme le rhumatisme psoriasique à prendre en charge. D’ailleurs, cette maladie est en train de faire un boom, parce qu’on diagnostique de plus en plus ces lésions mycosiques qui sont plutôt des rhumatismes de la peau qui détruisent les articulations. Que l’Etat forme de jeunes rhumatologues afin d’endiguer ce phénomène qui provoque un gros trou dans l’économie, parce que les gens qui ne vont pas travailler, n’ont plus de rentabilité.
Interview réalisée par Françoise DEMBELE
One commentOn Dr Christian Compaoré : « Les complications des rhumatismes peuvent conduire à la mort »
Bonjour moi je souffre d’une rhumatisme au niveau du dos en j’en souffre