Dans le cadre de la 13e édition des Journées nationales du refus de la corruption (JNRC) qui se déroulent du 1er au 10 décembre 2018, le Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC) a organisé un atelier de lancement du rapport sur la corruption dans le secteur de la santé au Burkina Faso. L’étude sur les présomptions de corruption et pratiques assimilées dans le système et les services de santé au Burkina Faso montre que la corruption étend ses ailes dans les secteurs sociaux comme la santé. Ladite étude a été présentée le 4 décembre 2018 à Ouagadougou.
« L’état des lieux de la corruption dans le secteur de la santé est endémique. Il y a la corruption à tous les niveaux du secteur de la santé et il y a toute les formes de corruption, la petite et la grande », a affirmé Sagado Nacanabo, responsable du comité de suivi de l’étude sur la corruption dans le secteur de la santé et Secrétaire exécutif adjoint du RENLAC. Au cours de la présentation du rapport, Sagado Nacanabo a souligné que pour ce qui est des formes de corruption, il ressort que la petite corruption est « toute pratique utilisées par des agents publics et/ou privés pour soutirer de petites sommes ou d’autres avantages indus auprès des usagers ». Cette petite corruption se manifeste par les rackets, la vente directe de produits par les agents de santé, les surfacturations de médicaments, l’utilisation des réactifs et du matériel du service public à des fins privées, le détournement de médicaments subventionnés au profit des pharmacies privées ou la vente de ces médicaments par les prestataires de soins dans les services de santé. Il y a aussi le non-paiement à la caisse des frais de prise en charge. Sagado Nacanabo a aussi fait remarquer que les demandes directes d’argent sont faites, entre autres, après la pose de voie veineuse, la réhabilitation d’une voie veineuse, l’injection de médicaments, la transfusion sanguine, l’examen d’analyse médicale ou d’imagerie, etc.
Quid de la grande corruption ?
Quant à la grande corruption, elle est définie comme l’ensemble des pratiques conçues dans les milieux politico-administratifs pour abuser de l’autorité publique à des fins privées et/ou individuelles. Cette corruption mobilise de grandes sommes d’argent ou d’importants moyens en nature. Selon le Secrétaire exécutif adjoint du REN-LAC, la grande corruption touche préférentiellement les cadres supérieurs du niveau central du ministère de la santé, des administrations, des établissements publics de santé et les équipes cadres des districts. Concernant la grande corruption, l’étude a relevé que les domaines concernés sont la gestion des ristournes à la CAMEG, la gestion des crédits délégués de l’Etat par les districts pour leur fonctionnement, la passation des marchés à la SOGEMAB (Société de gestion de l’équipement et de la maintenance biomédicale). L’étude a aussi noté qu’il y a des conflits d’intérêts au sein de la DGPML (Direction générale de la pharmacie du médicament et des laboratoires) où, par exemple, un travailleur est régulateur dans un secteur donné et acteur de prestations de services dans le même secteur.
A entendre Sagado Nacanabo, « c’est assez grave pour un secteur où la corruption n’aurait jamais dû entrer. Déjà le malade souffre, son accompagnant souffre. S’il faut qu’ils soient encore victimes de corruption, c’est une double peine ».
Le thème retenu pour la 13e édition des JNRC est « la corruption dans le secteur de la santé : manifestations, impacts, responsabilités des gouvernants, rôle et place des populations dans la lutte ». En tout état de cause, Claude Wetta a expliqué que cette année, il a été décidé de mettre le focus sur la santé parce que c’est une question sensible, d’actualité et importante. « Nous comptons sur l’autorité, l’ASCE/LC, sur les populations et aussi les syndicats pour travailler à ce que le phénomène recule », a-t-il mentionné.
Au lancement du rapport le 4 décembre 2018, des syndicalistes étaient présents. Ils ont salué l’avènement de cette étude. « Elle va nous permettre de documenter davantage nos revendications et cibler mieux les éléments concernés dans la lutte contre la corruption » a confié Pissyamba Ouédraogo, Secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA). Quant à Dr Alfred Ouédraogo, du Syndicat des médecins du Burkina (SYMEB), il a fait noter qu’en tant que syndicat, leur rôle est de lutter contre la corruption en proposant un certain nombre d’éléments pour venir à bout du fléau.
L’étude a été réalisée à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Titao, Tenkodogo, Zabré, Dédougou, Nouna, Gaoua et Batié en octobre 2017. Les répondants étaient les malades ou les principaux accompagnants de malades.
Françoise DEMBELE