L’Institut Pasteur a réussi à isoler et mettre en culture le nouveau virus. Une étape clé rendant possible la recherche de solutions thérapeutiques. Mais le vaccin espéré n’est pas attendu avant plusieurs mois. Côté traitements, plusieurs pistes sont à l’étude.
« La chance sourit aux esprits bien préparés », avait coutume de dire Louis Pasteur. C’est exactement ce qui s’est passé dans les murs de l’Institut qui porte aujourd’hui son nom, fer de lance en France de la lutte contre le coronavirus 2019-nCov. Dès le lundi 27 janvier, trois jours seulement après que la ministre de la Santé Agnès Buzin avait confirmé la présence sur le territoire français de trois premiers cas d’infection, l’Institut Pasteur remportait une bataille décisive en réussissant, à partir des échantillons prélevés sur ces trois malades, à isoler et mettre en culture la nouvelle souche à l’origine de l’épidémie. Seuls deux autres pays, la Chine et l’Australie, avaient précédemment mené à bien cette opération délicate, étape clé de la guerre totale se jouant à l’échelle du globe entre l’agent pathogène et la communauté scientifique.
Tests in vitro
« Bien préparées », les équipes de l’Institut Pasteur l’étaient grâce à l’expérience acquise avec les épidémies du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) et du MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient), qui leur avaient appris sur quel type de cellules les coronavirus de cette famille (le 2019-nCov partage 80 % de son matériel génétique avec le responsable du SRAS) étaient le plus susceptibles de prospérer.
Autant le séquençage intégral du génome du nouveau virus, très vite réalisé par les Chinois mais que l’Institut Pasteur a, depuis, également effectué, était nécessaire pour établir un test diagnostic, clé de voûte du contrôle de l’épidémie, autant la recherche de solutions thérapeutiques ne pouvait réellement commencer qu’une fois cette seconde étape franchie. « Dès lors que la souche isolée est mise en culture, explique Arnaud Fontanet, responsable de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut, il devient possible, par exemple, de tester in vitro des molécules ou des cocktails de molécules pour voir si elles inhibent la croissance du virus, ou de tester des candidats vaccins sur des modèles animaux. »
Cocktail de molécules
Qu’il s’agisse de traitements ou de vaccins, les perspectives, cependant, sont encore lointaines. Dimanche 2 février, des médecins thaïlandais sont peut-être allés un peu vite en besogne en annonçant avoir obtenu sur leurs malades des résultats encourageants avec un cocktail de trois médicaments, dont deux molécules utilisées contre le VIH (le Lopinavir et le Ritonavir) et une contre la grippe (l’Oseltamivir, plus connu du grand public sous le nom de Tamiflu). Si les médecins thaïlandais se sont félicités de ce que l’état des patients se soit « considérablement amélioré » dans les 48 heures ayant suivi la prise, ce seul fait n’est guère probant aux yeux d’Arnaud Fontanet. « La majorité des patients connaissent une évolution favorable de leur maladie, avec ou sans traitement. Les molécules ont été testées sur un trop petit nombre de malades [la Thaïlande compte 19 infections, NDLR] pour que cet essai puisse être considéré comme conclusif. »
C’est sur le front des vaccins que la situation pourrait se débloquer le plus vite, même si l’échéance se compte encore plus vraisemblablement en mois qu’en semaines. Le consortium Cepi (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) a annoncé récemment avoir sélectionné trois candidats vaccins. Ce partenariat public-privé débloquera les fonds nécessaires pour les développer le plus vite possible, annonçant un délai de quatre mois jugé optimiste par beaucoup. Un quatrième vaccin, non sélectionné par le Cepi, est en cours de développement à l’Institut Pasteur. Utilisant comme vecteur le virus désactivé de la rougeole, il a pour avantage d’avoir déjà fait ses preuves (en essais cliniques de phase 1 et 2) contre le chikungunya. On sait donc qu’il est bien toléré. Reste à savoir s’il sera efficace contre le 2019-nCov. Réponse, au mieux, au début de l’été prochain.
Côté traitements, il se pourrait que la solution vienne des molécules utilisées contre le VIH, le cocktail Lopinavir-Ritonavir testé par les médecins thaïlandais faisant aussi l’objet d’intenses recherches en Chine même. Mais d’autres pistes sont à l’étude. Les laboratoires Gilead ont mis à disposition des autorités chinoises la thérapie qu’ils avaient mise au point avec succès contre le virus Ebola pour qu’elle soit essayée contre le 2019-nCov. Idem pour la biotech Regeneron Pharmaceuticals, à l’origine d’un traitement à base d’anticorps monoclonaux qui s’était lui aussi révélé efficace contre Ebola, et pourrait pareillement être recyclé pour traiter le nouveau pathogène.
Source : Les Echos