The Journal of Molecular Diagnostics et l’Institut Pasteur annoncent qu’un nouveau test permet de mieux prédire le risque de développer un cancer du col de l’utérus chez les femmes positives au papillomavirus humain (HPV). Ce double test permet désormais de détecter une infection par les HPV, mais également d’en déterminer le type, ainsi que la probabilité que celle-ci évolue en cancer.
Philadelphie, États-Unis, le 12 août 2019 – 99 % des cancers du col de l’utérus sont dus à des papillomavirus humains (HPV). Parmi plus de 200 HPV, seuls certains sont associés à des niveaux divers de risque de cancer, ce qui complique le diagnostic et le traitement. Des travaux, réalisés par des chercheurs de l’Institut Pasteur et présentés dans The Journal of Molecular Diagnostics, décrivent une nouvelle approche diagnostique « double », capable non seulement de déterminer le type HPV, mais également d’identifier les marqueurs précancéreux. Grâce à ce test, il serait possible de mieux diagnostiquer les stades précancéreux les plus à risque, d’obtenir des résultats rapides à faible coût et d’éviter les actes diagnostiques inutiles.
« Le HPV RNA-Seq est une procédure de diagnostic moléculaire in vitro innovante, que nous avons mise au point en vue de la détection des infections par les HPV à haut risque et de l’identification des patientes porteuses de lésions malpighiennes intra-épithéliales de haut grade (LMIEHG), un stade précurseur du cancer du col de l’utérus. Ce test unique en son genre allie les avantages des analyses moléculaires (typage des HPV) à ceux de la cytologie cervicale (phénotypage des cellules) », explique Marc Eloit, chercheur principal et docteur en médecine vétérinaire et en sciences au sein du laboratoire de découverte de pathogènes de l’unité Biologie des infections de l’Institut Pasteur, à Paris, et de l’École nationale vétérinaire d’Alfort de l’Université Paris-Est, à Maisons-Alfort (France).
Le dépistage du cancer du col de l’utérus permet de détecter et de traiter les lésions précancéreuses avant l’apparition du cancer. Il s’attache, pour l’heure, à déceler des HPV à haut risque ou des cellules cervicales anormales par cytologie. Les tests de diagnostic moléculaire qui recherchent l’ADN ou l’ARN des virus peinent, toutefois, à repérer les cancers ou les lésions précancéreuses. L’analyse des cellules cervicales prélevées par frottis, même lorsqu’elle est associée à un dépistage moléculaire des HPV à haut risque, donne lieu à de nombreuses colposcopies inutiles, un examen invasif par lequel le médecin recherche visuellement les lésions cervicales.
Dans cette étude de preuve de concept, le HPV RNA-Seq a été utilisé sur des échantillons de 55 patientes, dont 28 porteuses de lésions malpighiennes intra-épithéliales de bas grade et 27, de lésions précancéreuses. Il a permis de détecter l’infection par les HPV et d’en déterminer le type parmi un panel de 16 HPV à haut risque, avec des résultats au moins comparables à ceux d’un kit de diagnostic moléculaire d’ADN de HPV homologué, très largement utilisé. En effet, ce test a dépisté deux patientes HPV-positives de plus que le kit et identifié davantage de porteuses de plusieurs infections par les HPV.
La méthode HPV RNA-Seq a révélé une sensibilité (capacité à détecter la présence d’un HPV) de 97,3 % et une valeur prédictive négative (VPN, probabilité d’absence de HPV) de 93,8 %. « Un dépistage efficace du cancer du col de l’utérus exige une sensibilité et une VPN élevées des HPV à haut risque car les femmes HPV-négatives à l’examen ne sont généralement re-testées qu’après plusieurs années », précise le Pr. Eloit.
La cytologie est un mode de triage rapide des patientes atteintes de HPV, tandis que l’histologie est considérée comme la référence en matière de diagnostic du cancer du col de l’utérus. L’analyse histologique est, cependant, plus invasive et plus longue à aboutir. Pour déterminer si le nouveau test pouvait jouer un rôle dans le triage du cancer du col de l’utérus, les chercheurs ont comparé la cytologie au HPV RNA-Seq et découvert des marqueurs de cytologie de haut grade, avec des performances diagnostiques encourageantes du HPV RNA-Seq comme test de triage. Ils ont également constaté que la valeur prédictive positive (VPP, probabilité d’infection par les HPV) du HPV RNA-Seq par rapport à l’histologie était systématiquement supérieure à celle de la cytologie par rapport à l’histologie. « Cette observation constitue un solide argument en faveur d’une possible valeur ajoutée médicale du HPV RNA-Seq par rapport à la cytologie », ajoute le Pr. Eloit.
Selon le Pr. Eloit, le HPV RNA-Seq est susceptible d’éviter des colposcopies inutiles chez certaines patientes. Le chercheur prédit également l’utilisation future de la technologie pour l’analyse simultanée de nombreux échantillons, ramenant le coût d’un test à 10-20 $. Le HPV RNA-Seq pourrait aussi servir au dépistage d’autres cancers associés aux HPV, comme ceux de l’anus et de la tête ou du cou.
Le HPV RNA-Seq s’appuie sur l’association de la transcription inverse suivie de PCR à (RT-PCR) multiplexée et du séquençage de nouvelle génération (NGS). La RT-PCR permet de quantifier avec précision de petites quantités d’ARN, le matériel génétique traduisant l’activité des gènes des HPV, et le NGS, de caractériser efficacement la diversité des séquences virales amplifiées. Associées, ces méthodes sont en mesure de déceler, dans un échantillon, jusqu’à 16 HPV à haut risque ou supposés à haut risque, ainsi que la présence de marqueurs précancéreux.
« Notre approche s’inscrit dans la tendance actuelle du développement de panels d’amplicons analysés par NGS à des fins de diagnostic moléculaire, mais reste adaptable aux formats des tests moléculaires classiques. Fort d’une telle souplesse, le HPV RNA-Seq peut se révéler une solution pratique, fiable et abordable pour de nombreux laboratoires », conclut l’auteur principal de l’étude, Philippe Pérot, ingénieur de recherche au sein du laboratoire de découverte de pathogènes de l’unité Biologie des infections de l’Institut Pasteur.
Source : Institut Pasteur