Pour ceux qui pensaient que la rougeole était tombée dans les oubliettes, qu’ils se détrompent. Elle sévit toujours, surtout chez les enfants, malgré la vaccination de routine. Et même qu’un foyer d’épidémie existe dans le sud-ouest mais « pas assez grave ». En réaction à cette épidémie une « campagne de vaccination réactive », coûtant environ 1 milliard de F CFA, contre la rougeole est organisée au Burkina Faso du 27 juillet au 2 août 2018. Dr Jean Ludovic Kambou, chef de service planification suivi-évaluation à la Direction de la prévention par les vaccinations nous édifie à ce sujet.
Santeactu.bf : Qu’est-ce que la rougeole ?
Dr Jean Ludovic Kambou : La rougeole est une maladie infectieuse, elle est éruptive, c’est-à-dire qu’elle donne de petits boutons. Elle se manifeste par une bouche rouge, des narines rouges ; on parle donc de catarrhe oculo nasal. Elle se manifeste aussi par la fièvre. La rougeole est transmise par voie aérienne ; par des gouttelettes, quand on éternue, quand on parle et quand on rentre en contact avec les sécrétions du malade.
Quelle est la différence entre la rougeole et la varicelle ?
Généralement la rougeole touche tous les âges mais la varicelle, c’est à un âge scolaire. Les boutons de la varicelle sont beaucoup plus gros et ils grattent contrairement à la rougeole où les boutons sont beaucoup plus petits et en plus, il y a cet aspect de bouche rouge, de nez rouge et des yeux qui larmoient.
Qui peut faire la rougeole?
Tout le monde peut être touché par la rougeole mai beaucoup plus les enfants, quand on fait une analyse des données.
Vous organisez une campagne de vaccination réactive, est-ce qu’il y a péril en la demeure ?
Non, il n’y a pas péril en la demeure. Il est vrai qu’on parle de campagne réactive quand on est en épidémie. Mais ce n’est pas une épidémie aussi grave que cela puisque c’est compte tenu des taux d’attaques et de l’analyse effectuée que le comité national de gestion des épidémies a décidé d’organiser une campagne de vaccination pour éviter non seulement des flambés épidémiques mais aussi pour prévenir.
A quoi répond l’organisation d’une telle campagne de vaccination réactive ?
Nous surveillons constamment les maladies et lorsque nous franchissons un certain seuil, nous avons un paquet d’activités à réaliser dont la réponse vaccinale. La prise en charge est gratuite. Et c’est le cas de la rougeole. Les cas ont commencé dans le district sanitaire de Kampti et s’est propagé sur l’ensemble des districts sanitaires du Burkina Faso. En fonction de l’ampleur du phénomène, nous avons choisi de vacciner dans 26 districts. Cette campagne va se passer du 27 juillet au 2 août dans les districts du pays qui sont les plus touchés et où le risque est très élevé tout en espérant réduire les cas qui apparaissent et prévenir les cas l’année prochaine.
La campagne est destinée aux enfants de 6 mois à 59 mois, donc moins de 5 ans. Et ce n’est pas parce que l’enfant a eu ses deux doses pendant la vaccination de routine qu’il ne doit pas bénéficier de la vaccination pendant la campagne de vaccination réactive. Cela ne fera que renforcer son système de défense contre la rougeole. Ce sont les analyses qui ont permis de montrer que le nombre de cas enregistrés par semaine se situe au niveau de cette tranche d’âge voilà pourquoi le choix s’est porté sur cette tranche d’âge.
Comment se fera cette campagne réactive ?
Il est vrai que nous avons élaboré un plan pour répondre à cette situation épidémiologique et dans ce plan il est prévu un certain nombre d’activités ; des rencontres préparatoires, des activités de communication pour informer les populations pour qu’elles se déplacent vers les sites de vaccinations qui existent ou qui ont été créés pour la circonstance.
Cette campagne va-t-elle concerner tout le territoire national ?
La campagne va concerner 26 districts sur les 70 districts. En termes de régions, il y a 12 régions sur les 13 qui seront concernées.
Quelle est la région qui ne sera pas concernée ?
Le plateau central parce que les districts qui composent cette région sont à moindre risque. Il est vrai qu’ils ont enregistré des cas mais ce ne sont pas des districts où les choses sont aussi alarmantes.
Est-ce qu’on ne peut pas s’attendre à une résurgence de la rougeole dans le plateau central ?
Il est possible que l’année prochaine, on se retrouve avec des districts qui entrent en épidémie dans les localités qui n’ont pas été prises en compte pour la campagne de vaccination réactive. Mais le dispositif de surveillance est là. Il nous permettra de pouvoir détecter ces situations et répondre à temps pour éviter la propagation de la rougeole.
La campagne de vaccination réactive répond à quelle logique alors que dans la vaccination de routine il y a la rougeole. Est-ce à dire que le vaccin administré dans la routine n’est pas efficace ?
Par rapport au vaccin contre la rougeole, ce qui concerne tous les vaccins d’ailleurs ; lorsqu’on administre le vaccin, l’organisme ne répond pas à 100%. Ces enfants qui n’ont pas réagi et donc qui ne sont pas protégés, en plus des enfants qui sont insuffisamment vaccinés, lorsqu’ils augmentent, ils finissent par créer une cohorte suffisante pour créer des épidémies. Voilà pourquoi nous organisons tous les quatre (4) ans ou tous les cinq (5) ans des campagnes de suivi contre la rougeole pour rattraper ces enfants qui ont échappé et/ou qui n’ont pas été suffisamment vaccinés.
Mais comment explique-t-on l’épidémie au niveau du sud-ouest ?
Cette zone a particulièrement multiplié sa population par deux. Et cela est lié à l’orpaillage traditionnel. Il y a des familles qui se sont déplacées en masse ou des familles qui sont constamment en déplacement dont les enfants ne sont pas vaccinés. C’est une population difficile à maitriser, cela fait que des enfants échappent à la vaccination. Cette cohorte suffisamment importante peut déclencher une épidémie. Dans cette zone, les gens sont venus de partout. Ils viennent, ils séjournent, ils sont contaminés ou ils portent le virus, ils repartent dans leur région, ils déclenchent la maladie et contaminent les autres. Et c’est comme cela que le pays s’est embrasé.
La rougeole est-elle mortelle ?
La rougeole est mortelle mais on décède plus des complications de la rougeole que de la rougeole elle-même. Lorsque la maladie est traitée précocement, cela permet d’éviter les complications et les décès.
Avez-vous un appel à lancer ?
A l’endroit des médias, c’est de faire passer l’information sur la nécessité de se faire vacciner pendant cette campagne et pour la vaccination de routine telle que nous le faisons tous les jours. Cela entre dans le cadre de la prévention et permettra d’éviter ces situations d’épidémie.
A l’endroit des parents, qu’ils accompagnent leurs enfants pour être vacciner. La vaccination de la rougeole c’est à neuf (9) mois et entre 15 et 18 mois. Il s’agit d’un vaccin qui est couplé qui contient non seulement la rougeole mais aussi la rubéole.
A l’endroit du personnel de santé, c’est de faire un effort dans la recherche des enfants dans les zones qui sont dites difficiles d’accès où dans les zones délaissées.
Interview réalisée par Françoise DEMBELE