Beaucoup d’efforts ont été entrepris dans la lutte contre le paludisme au Cameroun, quelle est la situation aujourd’hui ?
Des progrès spectaculaires ont en effet été réalisés au cours des 15 dernières années qui ont permis de réduire les taux de morbidité et de mortalité dus au paludisme au Cameroun. Toutefois, l’infection demeure hautement prévalente dans chacune des dix régions du pays, et est responsable de plus de 40% de toutes les consultations médicales et 40% des décès chez les enfants de moins de cinq ans. Nous estimons que 60 à 80% de tous les habitants sont des porteurs sains du parasite du paludisme, constituant ainsi un important réservoir de l’infection. La grande question qui nous est posée est de savoir quelle stratégie adopter afin de s’attaquer aux réservoirs de paludisme ?
A cette fin, vous travaillez sur un outil de diagnostic très innovant ?
Oui, nous avons récemment mis au point un test de diagnostic moléculaire utilisable partout même dans des endroits sans électricité. Il repose simplement sur l’utilisation d’un dispositif de chauffage portatif dans lequel l’énergie thermique est générée grâce à une réaction chimique entre du sel ordinaire et un alliage métallique très peu coûteux. De plus ce test n’a besoin que d’une faible quantité de sang pour fonctionner et semble être plus sensible que les tests couramment disponibles pour le paludisme. Il nous reste encore beaucoup d’étapes avant la commercialisation de ce nouvel outil et nous continuons à travailler pour le rendre encore plus simple.
Vous avez en plus un programme de recherche ambitieux…
Nos recherches sont également fortement orientées sur la découverte de traitements ou d’un vaccin ainsi que sur l’étude des facteurs de risques associés à la sévérité du paludisme au Cameroun. Nous ne sommes bien entendu pas seuls pour faire cela. Nous avons développé un réseau de collaborations que nous continuons à étendre, y compris avec le “Program for Appropriate Technologies in Health” ou l’école de médecine de l’université d’Emory aux Etats-Unis, grâce auxquels nous espérons accélérer l’atteinte de nos objectifs recherche.
Vous êtes né et avez grandi au Cameroun, mais vous avez travaillé assez longtemps à l’étranger. Qu’est-ce qui vous a ramené ici en 2013 ?
C’est grâce au programme de soutien original lancé par l’Institut Pasteur, qu’on appelle communément G4 que j’ai pu revenir dans mon pays tout en poursuivant mes ambitions de recherche. Avant que je ne revienne, il n’y avait pas de programme actif de recherche sur le paludisme au Centre Pasteur du Cameroun. Depuis, nous avons établi un laboratoire fonctionnel et nous avons développé des programmes de recherche innovants sur le paludisme dans de nombreux domaines comme l’immunologie, l’épidémiologie moléculaire, la résistance aux antipaludéens ou la découverte de nouveaux traitements. Le Conseil d’administration du Centre Pasteur du Cameroun a même récemment décidé de créer un service entier dédié à la recherche sur le paludisme ce qui constitue pour mon équipe et moi-même un immense encouragement à poursuivre nos efforts.
Source : Institut pasteur