Au Burkina Faso, le paludisme est un problème majeur de santé et de développement. Il sévit en permanence au Burkina Faso, alitant et tuant des milliers de personnes chaque jour. En 2018, cette maladie a été la première cause de consultation et d’hospitalisation dans les formations sanitaires, la première cause d’absentéisme professionnel et scolaire, et tristement la tête de liste des 10 affections qui ont le plus tué les habitants.
Combien coûte cette maladie dont l’élimination est dite prise au sérieux ? Cette question de politique et de planification sanitaires est importante et les lignes suivantes apportent des éléments de réponse.
Nous avons utilisé les données de l’Annuaire Statistique 2018 du ministère de la Santé. Nous avons défini le coût d’un cas de paludisme comme étant égal aux dépenses effectuées pour le diagnostic (consultation, examens de laboratoire), les soins, plus le montant des pertes de revenus du malade ou du proche/parent qui a veillé sur la personne malade pendant la durée de sa maladie.
Le coût annuel du paludisme sur la population est obtenu en multipliant le coût pour une personne paludéenne par le nombre total de cas de paludisme déclarés au cours de l’année en question. Pour le calcul final du coût, les trois assomptions suivantes ont été faites: primo, le paludisme fait perdre quatre jours de travail à la personne qui en est malade et/ou son accompagnant, soit 4 jours-homme adulte par accès ou crise palustre ; secundo, vu le contexte de pauvreté de la plupart des malades, il est assumé qu’une journée de travail compromise fait perdre 3 000 FCFA, soit par malade 12 000 FCFA pour 4 jours ; tertio, les coûts médicaux (consultation, examens de laboratoire, achat de médicaments et consommables médicaux) s’élèvent à un forfait de 5 000 FCFA par malade ;
Bien qu’ils soient importants, dans les calculs, nous n’avons pas inclus les coûts fixes (salles, lits et frais d’hospitalisation, matériel médical, salaires et autres émoluments du personnel de soins, transport et nourriture du malade et de son accompagnant, etc.). Il en est de même des coûts des obsèques des malades décédés du paludisme (toilette mortuaire, achat de linceul et de cercueil, frais d’utilisation de morgue, frais de transport et autres services de pompes funèbres, coûts sociaux des obsèques et des funérailles). Le coût des incapacités dues aux séquelles (exemple épilepsie) des formes graves du paludisme n’est pas pris en compte. Au plan démographique, la population du pays était estimée à 20 244 079 habitants. Pour un indice de fécondité égal à 6,2, nous avons décidé que la taille moyenne d’un ménage est de 8 personnes. Les résultats obtenus sont les suivants:
En 2018, au Burkina Faso, le paludisme a coûté 205 374 076 000 francs CFA (deux cent cinq milliards trois cent soixante-quatorze millions et soixante-seize mille) aux 20 244 079 habitants, soit solidairement dix mille cent quarante-cinq (10 145) Francs CFA par habitant, et quatre-vingt-un mille cent cinquante-neuf (81 159) F CFA par ménage (tableau 1a). Le coût total du paludisme sur les populations varie d’une région à l’autre, s’étendant de 8 214 740 000 F CFA au Sahel à 22 502 084 000 FCFA au Centre-Est. Le paludisme grave a tué dans tous les groupes d’âge et des femmes enceintes.
Tableau 1a. Fardeau du paludisme par Région du Burkina-Faso en 2018
Région | Nombre de Cas | Journées de Travail Perdues | Coût du Paludisme (FCFA) |
Boucle du Mouhoun | 966 564 | 3 866 256 | 16 431 588 000 |
Cascades | 678 939 | 2 715 756 | 11 541 963 000 |
Centre | 1 316 111 | 5 264 444 | 22 373 887 000 |
Centre Est | 1 323 652 | 5 294 608 | 22 502 084 000 |
Centre Nord | 807 131 | 3 228 524 | 13 721 227 000 |
Centre Ouest | 1 109 473 | 4 437 892 | 18 861 041 000 |
Centre Sud | 550 618 | 2 202 472 | 9 360 506 000 |
Est | 1 181 881 | 4 727 524 | 20 091 977 000 |
Hauts Bassins | 1 164 936 | 4 659 744 | 19 803 912 000 |
Nord | 948 324 | 3 793 296 | 16 121 508 000 |
Plateau Central | 706 822 | 2 827 288 | 12 015 974 000 |
Sahel | 483 220 | 1 932 880 | 8 214 740 000 |
Sud-Ouest | 733 352 | 2 933 408 | 12 466 984 000 |
Total Pays | 12 080 828 | 48 323 312 | 205 374 076 000 |
Source: Ministère de la Santé, Annuaire Statistique 2018.
Tableau 1b. Coût du paludisme au Burkina-Faso par ménage en 2018
Coût total (F CFA) | Population | Ménages | Coût par ménage (FCFA) |
205 374 076 000 | 20 244 079 | 2 530 510 | 81 159 |
Source: Ministère de la Santé, Annuaire Statistique 2018
Le coût de 205 374 076 000 de francs CFA est une sous-estimation du coût réel du paludisme en 2018 au Burkina-Faso. En effet, le transport des malades, leur nourriture et les coûts fixes liés à leur prise en charge par les services de soins de santé ne sont pas compris dans ce calcul. Secundo, l’on n’a pas tenu compte des malades paludéens qui n’ont pas utilisé les services de santé pour se soigner (auto-médication, tradi-praticiens et autres médecines alternatives); il en est de même pour les cas de paludisme que les Agents de Santé Communautaire ont traité sur place dans les villages ; enfin les coûts liés aux décès par cette maladie n’étaient pas inclus dans le calcul. C’est dire qu’un travail plus raffiné trouverait sans nul doute un coût supérieur à celui-ci qui néanmoins est faramineux pour ce pays.
Le constat est grave. C’est sur une population vivant majoritairement très en dessous du seuil de pauvreté que pèse ce fardeau. Le coût du paludisme est trop élevé pour être supporté par le seul budget national, même celui réajusté que vient d’adopter le gouvernement du Burkina-Faso pour l’année 2020. En faisant perdre au pays plus de quarante-huit millions trois cent vingt-trois mille (48 323 000) journées-homme de travail, le paludisme entrave très sérieusement le développement du pays. Tous ces faits sont anciens et persisteront tant que l’on ne luttera pas mieux pour lutter contre cette maladie.
Le paludisme coûte très cher aux populations vivant au Burkina-Faso. Il est un obstacle majeur à la productivité des ménages et au développement du pays. Face à ce problème, les recommandations suivantes sont faites.
Recommandations
*Pour réduire significativement le fardeau du Paludisme et éliminer cette maladie comme problème de santé publique au Burkina-Faso, nous recommandons au ministère de la Santé et à ses partenaires de changer de paradigme en termes de politique et d’approche de lutte contre ce fléau.
*Afin de fournir des éléments rationnels pour le suivi de l’évolution du fardeau du paludisme et de l’impact des efforts de lutte contre cette endémie majeure, nous recommandons au ministère de la Santé de faire annuellement ce genre de travail, et de diligenter des études plus fines pour mesurer plus précisément les coûts du paludisme dans le pays.
Dr Louis Hamadé Ouédraogo
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