Le sommeil est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. Mais très souvent nous dormons sans pouvoir nous reposer véritablement. Cela est souvent dû aux troubles du sommeil dont l’apnée du sommeil. Nous en parlons avec Dr Georges Ouédraogo, Maître de conférence agrégé en pneumologie en service au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO). Il est aussi enseignant à l’Université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo.
« Santeactu.bf » : Combien de temps doit durer un sommeil pour qu’il soit réparateur ?
Dr Georges Ouédraogo : En moyenne huit (8) heures. Mais au fond, la durée du sommeil varie selon l’âge et l’activité professionnelle. Les enfants, les nourrissons, les nouveau-nés dorment un peu plus et ceux qui font des travaux nécessitant beaucoup d’énergie ont besoin de beaucoup plus de temps de récupération que les autres. Mais sachons qu’il y a des gros dormeurs et des petits dormeurs. Le sommeil est un processus global qui rééquilibre le corps humain, physiologiquement et psychologiquement. C’est pendant le sommeil que notre mémoire se met en branle pour classer tout ce que nous avons vécu et acquis comme connaissances. En ce moment, l’organisme est restauré.
Quand parle-ton de troubles du sommeil ?
Il y a plusieurs troubles du sommeil. Et selon la classification internationale des pathologies du sommeil 3e version, il y a sept (7) groupes de troubles du sommeil : les insomnies, les troubles respiratoires durant le sommeil, l’hyper-somnolence d’origine centrale, les troubles du rythme circadien veille-sommeil, les parasomnies, les mouvements anormaux liés au sommeil et les maladies et troubles neurologiques liés au sommeil.
Quel est le trouble le plus fréquent ?
Ce sont les insomnies, suivies des troubles respiratoires durant le sommeil.
Quand parle-ton d’insomnies ?
C’est quand on cherche le sommeil sans le trouver ; en d’autres termes, l’absence de sommeil quand on désire dormir ou pendant les heures où on est censé dormir. Et cela peut être dû à plusieurs raisons allant des choses simples telles que l’inquiétude, le stress, aux choses les plus compliquées de la vie.
Qu’en est-il des troubles respiratoires ?
Il y en a cinq (5) sous-familles : les syndromes d’apnées obstructives du sommeil, les syndromes d’apnées centrales, les syndromes d’hypoventilation, la maladie d’hypoxémie et les symptômes isolés et variantes de la normale. Ce qui est plus fréquent dans notre contexte, ce sont les syndromes d’apnées du sommeil. La cause peut être obstructive et il y a aussi les apnées qui sont de causes centrales.
Qu’est-ce que l’apnée du sommeil ?
C’est quand une personne, pendant son sommeil, arrête de respirer pendant au moins 10 secondes.
Est-ce dangereux ?
C’est très dangereux. Et ceux qui ont des problèmes d’apnée ne le savent souvent pas. C’est leur conjoint ou la personne avec laquelle il partage la chambre qui le remarque. Habituellement, la personne ronfle et à un moment donné, elle arrête de respirer et ensuite il y a une reprise sonore. Et cela va se produire plusieurs fois tout au long du sommeil. Le lendemain la personne va se lever avec cette insatisfaction du sommeil, des maux de tête, de la fatigue et la personne somnole excessivement dans la journée.
Peut-on cesser totalement de respirer lors du sommeil ?
Le risque existe.
Après combien d’apnées du sommeil, est-on exposé à cette situation ?
L’enregistrement de votre sommeil permettra de trouver un index d’apnée ; ainsi l’on distingue des syndromes d’apnées légères si l’index est entre 5 et 15 par heure ; modérées entre de 15 et 30 par heure, sévères au-delà de 30 apnées par heure.
Qu’est-ce qui est à l’origine de l’apnée du sommeil ?
Il y a des origines centrales au niveau du cerveau parce que le sommeil est régulé par le cerveau et la commande se fait là-bas. La commande ne fonctionne plus, entraînant une pause respiratoire. Il y a aussi des causes locales liées aux voies respiratoires. Chez certaines personnes qui ont le cou un peu épais, celles qui ont la base de la langue épaisse, celles qui ont la mâchoire inférieure un peu reculée, et celles qui sont obèses, il y a une tendance à un collapsus/fermeture du larynx au moment du sommeil.
Quels sont les signes de l’apnée du sommeil ?
Il y a des signes que l’on rencontre dans la journée qui sont : la somnolence excessive, la sensation de sommeil non réparateur, la fatigue, les maux de tête matinaux, l’hypertension, l’altération de l’humeur, la dépression, un ralentissement psychomoteur, surtout chez les enfants qui n’ont pas un développement normal comme chez les autres enfants, le retard d’apprentissage et aussi les dysfonctionnements sexuels. Concernant les signes nocturnes, il y a les ronflements, les réveils fréquents, les sensations d’étouffement, les sueurs nocturnes, la soif durant la nuit. Les personnes atteintes d’apnées vont se lever souvent la nuit pour aller pisser ; on parle de nycturie, de sécheresse buccale.
Que faire quand on assiste à une situation d’apnée ?
Habituellement, on réveille la personne. Mais, il est bon de le signaler à la personne et de l’encourager à aller en consultation chez un médecin.
Est-ce que c’est tout ronflement qui démontre qu’il y a un problème au niveau du sommeil ?
Pas forcément, il y a des ronflements simples et courants sans apnées.
Quelles sont les personnes qui sont les plus exposées ?
Les personnes les plus exposées sont celles qui ont une obésité androïde, une obésité facio-tronculaire, une anomalie ORL (grosse langue, dysmorphie cranio-faciale, mal occlusion dentaire). Après 40 ans, les apnées du sommeil sont plus rencontrées chez les hommes. Mais au-delà de 60 ans, il y a égalité de genre homme-femme. Mais le facteur de risque majeur c’est l’obésité.
Quel traitement contre l’apnée ?
Le traitement est fonction de la cause. Pour l’apnée obstructive, on recherche les causes locales. Il faut envoyer le patient en ORL afin de voir s’il n’y a pas de problème à ce niveau afin de le corriger. On peut aussi envoyer le patient voir le stomatologue. Si l’on trouve une cause locale, le traitement peut être chirurgical. Pour un index d’apnée supérieure à 30 par heure le traitement de référence est d’équiper le patient d’un appareil, à Pression positive continue (PPC). On peut utiliser aussi une orthèse d’avancée mandibulaire qui permet d’avancer la mâchoire et éviter ainsi que la base de la langue ne tombe en arrière quand la personne dort.
Quelles sont les conséquences de l’apnée du sommeil ?
Il y a des conséquences pour le reste de la vie. Les personnes atteintes peuvent faire des hypertensions artérielles réfractaires à tout traitement, soit avoir des maladies du cœur, des coronaropathies, des accidents vasculaires du cerveau, soit avoir des troubles de la libido, les performances sexuelles vont se réduire. Il y a aussi la dépression, les accidents de la voie publique (pour les conducteurs qui dorment au volant) et les accidents sur les lieux de travail.
Un cri du cœur ?
Il est temps que les Burkinabè prennent soin de leur sommeil. L’apnée du sommeil n’est pas la maladie du sommeil. On peut contrôler et maîtriser ses épisodes d’apnée du sommeil, mais il faut venir en consultation pour la prise en charge parce que dès qu’on dépiste l’apnée et qu’on la traite, la personne « renaît » et devient plus performante sur le plan social, professionnel et familial.
Interview réalisée par Françoise DEMBELE