Depuis le 22 novembre dernier, le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNSHA) observent une grève générale pour réclamer l’application de leur plate-forme revendicative. En effet, ils ont abandonné leurs blouses pour 72 h avec à la clé, aucun service minimum. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la grève est largement suivie. Nous avons fait le constat le 23 novembre 2016, à Ouagadougou.
Il est 12 h, heure locale, ce 23 novembre 2016, à Ouagadougou. Au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Wemtenga, le parking est anormalement vide. Aucune blouse blanche à l’horizon. Les pleurs et gémissement des malades qui caractérisent les centres de santé, de même que le balai incessant de leurs accompagnants sont inexistants. Pour cause, le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNSHA) observent 72h de grève pour exiger du gouvernement de meilleures conditions de travail. Pour qui connait l’ambiance qui règne habituellement dans un centre de santé, le calme qui y prévaut ce jour est saisissant. A l’intérieur du CSPS, presque toutes les portes sont closes. Dans le local réservé au dispensaire, une dizaine de personnes attend impatiemment d’être pris en charge par 2 membres du personnel présent, venus malgré tout assurer le service minimum qui pourtant ne devrait pas exister. Pourquoi sont-ils là alors ? « Nous sommes 2 et avons été désignés par le major pour assurer le service », nous informe une infirmière sous couvert de l’anonymat. Le major du CSPS est absent et par conséquent, il n’y a personne pour s’entretenir avec nous, ajoute-t-elle dans la foulée tout en se sauvant. Nous n’avons pas eu l’opportunité de continuer la conversation avec elle, puisque des patients attendaient.
« La grève du SYNSHA est uniquement dirigée contre les pauvres »
Des malades, qui eux, se tordaient de douleur, sous le regard impuissant et inquiet des accompagnants. Inutile de préciser que la dernière de leur préoccupation était de répondre à nos questions. Néanmoins Safiatou Zongo, venue accompagner sa petite sœur qui souffre de maux de ventre confesse son amertume. Pour elle, il est inacceptable que le personnel de santé « méprise ainsi » la vie des malades. Quelles que soient les raisons évoquées par le personnel de santé, ils se devaient de respecter le service minimum. Ce qui se passe est inacceptable, il faut que ça cesse, lâche-t-elle amère. Pour sa voisine, également venue accompagner un malade, « la grève du SYNSHA est uniquement dirigée contre les pauvres ». Pour elle, les plus nantis ont la capacité de se rendre dans les cliniques privées, contrairement aux « démunis ». « Déjà que le pays est dur, eux ils veulent nous achever. Mieux vaut ne pas tomber malade présentement pour ne pas crever comme un chien » conclu-t-elle avec sarcasme.
Il est à noter que dans la hiérarchisation du système de santé au Burkina, ce sont les CSPS qui sont habilités à référer les malades. Ils ne peuvent donc pas se rendre aux Centre médicaux avec antenne chirurgicale (CMA) sous peine de se voir renvoyer au CSPS. Enfin ! En temps normal. Nous avons donc décidé de faire un tour au CMA du secteur 30 de Ouagadougou. Là-bas, le constat est le même. Le parking est presque vide, de même que la cour du CMA. L’on est même tenté de se demander si la maladie elle-même n’a pas observé une trêve, eu égard de la situation. Au service des urgences médicales du CMA, la salle est vide.
« Je sais qu’il y a une grève, mais je viens voir quand même »
Dans l’une des chambres d’hospitalisation, un malade, sous perfusion, se tord de douleur. La personne qui l’accompagne est inquiète, et fouille désespérément dans un sachet plastique contenant des produits. Aucun médecin à l’horizon. Et elle n’a aucune idée de la conduite à tenir. A notre vue, elle a un peu d’espoir, pensant qu’on pourrait lui apporter de l’aide. Hélas! Après quelques mots, elle comprend qu’elle s’est trompée. Inutile de dire que la conversation a tourné court. Elle a d’autres préoccupations. En rebroussant chemin, nous avons croisé Corine Sawadogo venue présenter des résultats d’examens médicaux. « Je sais qu’il y a une grève, mais je viens voir quand même. On ne sait jamais », dit-elle, optimiste. Même si elle comprend que les travailleurs de la santé réclament de meilleures conditions de travail, elle estime « qu’ils ont poussé le bouchon un peu loin ». « Il faut que le gouvernement se penchent sérieusement sur leur cas, car les conséquences de cette grève sont dramatiques. Vivement qu’un terrain d’entente soit trouvé », conclu-t-elle. Toujours est-il que la grève du SYNTSHA est prévue pour durer 24 heures encore. Difficile d’estimer les dégâts que cela va engendrer chez les populations qui n’ont pas les moyens financiers de se faire prendre en charge dans les centres de santé privés dont les promoteurs se frottent d’ailleurs les mains.
Serge BERTRAND