« La prise en charge du diabète n’est pas à la portée du Burkinabè moyen », selon Dr Marie-Madeleine Rouamba

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Dr Marie-Madeleine Rouamba, est médecin interniste et chef de la consultation externe CHU-Bogodogo. Dans cette interview, elle fait un plaidoyer pour « que les autorités se penchent sur la question des maladies chroniques que sont le diabète et l’hypertension ». 

 

Santeactu.bf : Comment peut-on savoir que l’on fait le diabète ?

 

Dr Marie-Madeleine Rouamba : Le diabète est un problème de santé publique. De plus en plus, la prévalence du diabète augmente au Burkina Faso. C’est une maladie chronique dont on ne guérit pas mais avec laquelle on peut vivre si l’on suit bien les traitements recommandés et les mesures d’hygiène de vie. C’est une maladie que l’on peut équilibrer à des valeurs normales, nous permettant de bien vivre, de retarder les complications liées au diabète.

Le diabète a des signes cardinaux. C’est l’envie fréquente d’uriner. Si vous constater que de plus en plus vous urinez plus que d’habitude, c’est un signe qui doit vous alerter. Quand vous buvez beaucoup, cela va de pair avec le fait que l’on perd l’eau de l’organisme à travers les urines. Donc, plus vous urinez, plus vous avez une envie fréquente de boire pour compenser les pertes d’eau de l’organisme. C’est également l’appétit qui s’augmente et l’amaigrissement. Vous mangez beaucoup mais vous maigrissez parce que le catabolisme est augmenté. Au-delà de ces signes, il y en a d’autres comme les infections à répétitions telles que les furoncles qui apparaissent, qui disparaissent et qui reviennent. Cela doit vous alerter. Si vous avez une plaie qui met du temps à guérir, cela doit vous alerter. Si vous avez une baisse de la vision qui ne s’explique pas, il faut aller voir un ophtalmologue qui, dans son bilan, peut découvrir que vous avez le diabète. Si vous avez une fatigue inexpliquée, cela peut être le diabète.

Quelle est la prévalence du diabètes au Burkina Faso ?

 

Selon l’annuaire statistique 2017 du ministère de la santé, la prévalence est de 4,9 %. Mais le diabète est sous-diagnostiqué. Il est dit que sur deux malades diabétiques, il y a un qui ne  sait même pas qu’il est diabétique. Donc, ce taux de prévalence ne reflète pas la réalité.

 

Combien de type de diabètes rencontre-t-on ?

 

Il y a deux grands types de diabète. Le diabète de type 2 qui  est le diabète des adultes, à partir de 35 ans.   C’est le diabète des personnes en surpoids et des personnes obèses. Ce diabète représente entre 90 et 95% de tous les diabètes. Il est le plus fréquent. Il y a le diabète de type 1 qui concerne les enfants, les personnes qui ont moins de 35 ans. Ce diabète représente entre 5 et 10%. On rencontre également d’autres types tels que le diabète de la grossesse, qui, généralement, après la grossesse, disparaît mais il peut être un facteur de risque de développer la maladie plus tard. Il y a d’autres types de diabètes liés aux médicaments, à d’autres maladies du pancréas mais qui sont rares.

 

La prise en charge du diabète est-elle à la portée des malades ?

 

C’est un problème. Les malades souffrent. La prise en charge du diabète n’est pas à la portée du Burkinabè moyen. Les malades disent que le diabète est une maladie des riches parce qu’il est onéreux. Une étude faite par la BAD a démontré que le coût moyen mensuel du diabète tourne autour de 60 000 F CFA si l’on doit prendre en compte les médicaments, les examens et le régime alimentaire. C’est un salaire au Burkina Faso. Donc, on doit se pencher sur le sort de ces malades. Il revient à l’Etat, aux décideurs de se pencher sur la question et de voir comment ils peuvent soulager les malades du diabète.

 

Si le malade n’est pas pris en charge convenablement parce qu’il n’arrive pas à honorer ses frais de médicaments ou d’examens, que risque-t-il ?

 

Le diabète est une maladie chronique qui évolue avec des complications irréversibles. Si je prends de la tête aux pieds ; le cerveau n’est pas épargné avec les AVC (accidents vasculaires cérébraux), le cœur n’est pas épargné avec les crises cardiaques, les reins ne sont pas épargnés. Le diabète est l’un des premiers pourvoyeurs de l’insuffisance rénale. Si l’on descend encore, chez les hommes, il y a des dysfonctionnements érectiles. Et comme le diabète atteint de plus en plus de jeunes, cela peut entraîner des problèmes dans le foyer. Plus en bas, il y a les affections neurologiques ; les nerfs des pieds sont affectés avec le diabète. C’est ce qu’on appelle les neuropathies périphériques liées au diabète. Il y a également les artères qui peuvent être touchées mais plus au niveau des pieds. Ces artères peuvent être bouchées de telle sorte que le patient, quand il marche, il a des crampes. C’est ce qui fait que les plaies au niveau des pieds se terminent par des amputations parce que l’irrigation n’est pas suffisante pour nourrir les cellules qui doivent recevoir le sang pour pouvoir vivre. Cela se termine par des gangrènes.

 

Est-ce le diabète qui provoque l’hypertension ou bien c’est le contraire ?

 

Cela va dans les deux sens. L’hypertension est un facteur de risque de développer le diabète. Le diabète également peut évoluer vers l’hypertension artérielle. Si vous avez une insuffisance rénale, elle peut, au cours de son évolution, se présenter avec une autre complication qui est l’hypertension artérielle. Donc, l’un peut entraîner l’autre.

Par quoi peut-on remplacer l’insuline dans le traitement du diabète ?

 

L’insuline est irremplaçable. Et l’insuline, c’est le traitement du diabète de type 1. Chez les personnes très jeunes, il est démontré que les comprimés par voie orale ne marchent pas parce que le pancréas ne secrète même plus d’insuline. Alors que c’est l’insuline qui permet au sucre que nous consommons, d’entrer dans les cellules. S’il n’y a pas d’insuline, le sucre s’entasse dans le sang et cela conduit à l’hyperglycémie. Donc, dans le cas du diabète de type 1, la fabrication de l’insuline est quasi-nulle. Donc, il faut le remplacer par de l’insuline en apport exogène. Quant au diabète de type 2, les médicaments peuvent agir. Il y a plusieurs types de médicaments. Il y a des médicaments qui permettent au peu d’insuline secrétée, d’être efficace au niveau de l’organisme. Et il y a certains médicaments qui aident à produire plus d’insuline jusqu’à ce qu’il ne soit plus capable d’augmenter sa production en insuline. Généralement, les médicaments sont utilisés à dose faible au début du diagnostic et au bout de six mois, on contrôle. S’il n’y a pas une tendance à la baisse de la glycémie, cela veut dire que le dosage est inefficace et il faut l’augmenter. Par paliers, on augmente les doses jusqu’à atteindre la dose maximale du médicament. Si celui-ci n’est pas efficace, il faut ajouter un autre pour que ce soit deux médicaments. Si avec ces deux médicaments, le taux de glycémie demeure toujours élevé, il y en a qui vont jusqu’à trois médicaments mais la plupart vont directement à l’insuline. Au cours de l’évolution du diabète, il peut arriver que les comprimés qui étaient efficaces au début, deviennent inefficaces parce que la maladie s’est aggravée parce que le taux d’insuline secrété s’épuise totalement avec le temps.

 

Avez-vous une anecdote à nous raconter concernant la prise en charge du diabète ?

 

J’ai eu un patient de la cinquantaine, hypertendu, qui est venu en consultation de diabétologie. Il a fait un AVC à deux reprises. Et il avait une hémiplégie du côté droit. Du coup, il ne pouvait pas exercer la menuiserie qui était sa profession avant l’accident. Sa femme l’a quitté pour des questions financières. Il n’arrive pas à honorer les examens de laboratoire et les médicaments. Il avait aussi des difficultés à équilibrer son diabète et son hypertension.  On l’aidait avec des échantillons par-ci par-là, mais c’était compliqué. On a alors approché le ministère de l’Action sociale avec un dossier composé de certificat médical, de factures pro-forma de médicaments. Il a déposé le dossier et quelque temps après, le dossier a été accordé. On lui a donné un carton de médicaments anti-diabétiques, anti-hypertenseurs pour six mois. Il est venu au bureau me montrer le carton de médicaments, les larmes aux yeux. Ce cas m’a vraiment touché. Lui, il a eu la chance parce qu’on a eu à monter d’autres dossiers qu’on a déposés à l’Action sociale mais qui n’ont pas abouti. Il est vrai que l’hôpital a un service social, mais ce n’est pas tous les examens qui sont pris en charge. Par exemple, quand on demande le bilan pour les indigents, ce n’est pas tous les examens que l’on fait. Par exemple, l’examen de  l’hémoglobine gliquée qui est l’élément majeur, coûte 12 000 F CFA. La glycémie, autour de 1000 F CFA. Alors que ces examens font partie du bilan minimum de celui du diabète.

Avez-vous un cri du cœur relativement à la prise en charge du diabète au Burkina Faso ?

 

Que les autorités se penchent sur la question des maladies chroniques que sont le diabète et l’hypertension, au vu de ce que nous vivons tous les jours, avec les ruptures, les perdus de vue à cause du manque de moyens pour assurer les médicaments et pour honorer les prescriptions de laboratoire. Soit ces malades meurent à la maison ou ils reviennent aux urgences avec des complications irréversibles. Cela fait des frais pour les familles, avec peu de résultats. Si seulement les autorités pouvaient se pencher sur la question, ne serait-ce que réduire les coûts des examens et subventionner les prix de certains médicaments, je crois que ce serait un plus pour ces malades qui souffrent dans leur corps et dans leur âme.

 

Interview réalisée par Françoise DEMBELE

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