Village de Roka au Cambodge : histoire d’une infection iatrogénique au vih

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En décembre 2014, des cas d’infection au VIH sont détectés à Roka, un village de la province de Battambang, au nord-ouest du Cambodge. Sur plus de 2.000 villageois testés pour le VIH, 242 personnes, âgées de 2 à 89 ans, sont diagnostiquées positives. Leur point commun : elles ont toutes été soignées par un « médecin » sans diplôme qui réutilisait les mêmes seringues pour plusieurs patients. Arrêté en décembre 2014, il a été condamné fin 2015 à 25 ans de prison.

Comment une transmission iatrogénique a-t-elle été à l’origine d’une épidémie sans précédent, aboutissant à une prévalence du VIH de 11,8%, soit presque 20 fois la moyenne nationale ? Une équipe de l’Institut Pasteur du Cambodge, en collaboration avec les autorités sanitaires locales, a retracé l’histoire de cette épidémie. Une analyse de « trois paramètres » a été menée, détaille le Dr Janin Nouhin, chercheur au sein de l’unité VIH/hépatites : quel est le profil des personnes infectées par le VIH et ce virus est-il associé à d’autres virus transmissibles par le sang ? Cette épidémie était-elle récente ou perdurait-elle depuis longtemps sans qu’on ne l’ait détectée ? Quelle est l’étendue géographique de cette épidémie et d’autres villages de la commune de Roka ont-ils aussi été touchées ?

De nombreux tests – sérologiques et moléculaires – ont été effectués sur 209 cas confirmés positifs au VIH, parallèlement à une étude de terrain avec cartographie GPS et entretiens. Les conclusions de ces investigations ont révélé l’existence d’une épidémie massive et localisée de VIH, associée à de nombreuses co-infections par le virus de l’hépatite C (VHC) : sur les 209 cas d’infection VIH, 164 (soit presque 8 sujets sur 10) étaient co-infectés par le VHC. En revanche, moins de 13% (27 patients) présentaient une co-infection avec le virus de l’hépatite B (VHB).  L’utilisation d’un test sérologique d’avidité a permis de montrer qu’environ un tiers des cas d’infection par le VIH étaient récentes (<100 jours). La même stratégie, appliquée au VHC, a identifié presque 40% d’hépatite C aiguë datant de moins de 6 mois. Les analyses phylogénétiques ont montré que sur les 209 patients, 98% ont été infectés par le même virus (existence d’un seul clade monophylétique, de génotype CRF01_AE). On peut supposer, selon les auteurs de l’étude, qu’un habitant de Roka hautement virémique et sans traitement antirétroviral, est à l’origine de la contamination par le VIH, via des seringues réutilisées par le faux médecin à partir de 2013. Le VHC aurait lui émergé plus tôt que le VIH, à partir d’au moins trois sources de contamination différentes.

Concernant le VHB, deux raisons majeures peuvent être avancées pour expliquer son absence de diffusion : même si une majorité des habitants de Roka n’était pas vaccinée, plus de la moitié étaient naturellement protégée contre ce virus (présence d’anticorps anti-HBS), sans doute en raison d’infections contractées dans l’enfance. Par ailleurs, la proportion de porteurs inactifs (sans réplication virale) était importante parmi les sujets infectés par le VHB.

Finalement, l’étude géographique menée sur le terrain, a montré une corrélation positive entre la prévalence du VIH et des antécédents d’exposition parentérale avec le pseudo-médecin. Trois « hotspots » géo-spaciaux du VIH ont notamment été identifiés qui étaient corrélés avec une forte exposition au praticien.

« Cette expérience malheureuse devrait servir d’avertissement global », plaide Janin Nouhin et l’équipe de l’Institut Pasteur du Cambodge, en particulier pour l’Asie du Sud-Est où de nombreuses injections inutiles sont effectuées par des personnes sans qualification médicale. Il est nécessaire dans ce contexte de limiter les pratiques d’injection à risque et de promouvoir les médicaments oraux. Depuis la découverte de cette contamination iatrogénique massive, les habitants infectés de la commune de Roka ont bénéficié d’une mise sous traitement antirétroviral, avec une prise en charge par le système national de santé.

Source : Institut Pasteur

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