REPARATION DES SEQUELLES DE L’EXCISION : Une aubaine pour les victimes  

In Santé de la reproduction

 

Au 21e siècle, malgré la sensibilisation et les incarcérations qui ne dissuadent aucunement les auteurs de l’excision, celle-ci fait toujours des morts au Burkina Faso. Au mieux, la femme s’en tire avec des séquelles qui la marqueront à jamais, entachant sa dignité et souvent même sa nature de femme. Fort heureusement, certaines séquelles physiques arrivent à être réparées, redonnant à la femme le goût et le plaisir de vivre sa condition de femme.

 

Que vaut une femme vivant avec les séquelles de l’excision ? « Je ne me sentais pas femme. J’étais complètement fermée. La nuit de noces, je ne pouvais pas faire de rapports sexuels avec mon mari parce qu’il n’y avait pas d’orifice pour cela. Je ne faisais que pleurer parce que je me disais que c’était fini pour moi», nous confie O. M., 21 ans, victime de l’excision et mariée le 21 février 2015. Elle poursuit : « J’ai été excisée quand j’étais petite. Cela s’est passé au village, chez ma grand-mère. Je me souviens encore de la douleur, mais je ne savais pas que l’acte aurait une conséquence sur ma vie de femme. Au fur et à mesure que je grandissais, j’ai constaté que je n’étais pas comme les autres filles. Je n’avais qu’un petit trou pour uriner. Déjà, j’étais triste pour cela. Je ne voulais pas me confier à quelqu’un parce que je trouvais que le sujet était trop honteux. C’est la raison pour laquelle j’ai traîné le problème jusqu’au mariage. Mon mari a essayé par tous les moyens, mais c’était impossible de consommer le mariage. Face à mon découragement, mon mari s’est transformé en consolateur cette nuit-là. Et c’est à partir de ce jour qu’il a commencé à chercher des solutions au problème. Fort heureusement, nous sommes tombés sur les bonnes personnes qui nous ont conduits chez le Dr Assoumana Zallha qui réparait les femmes excisées. Quand elle m’a reçue, elle a commencé par me dire de me rassurer parce que ce que je considère comme un problème n’en est pas un. Et depuis ce jour, j’ai su que je n’étais pas la seule à être dans cette situation ». Le plus souvent, les femmes victimes des séquelles de l’excision ont tendance à vivre en vase clos, évitant d’aborder le sujet, même avec un membre de la famille.

« Malgré les paroles rassurantes du médecin, j’avais une certaine appréhension par rapport à l’opération qui allait permettre de me réparer. Mais tout s’est bien passé. On m’a opérée le matin et le soir je suis rentrée à la maison avec mon mari. Aucun membre de la famille n’a su que j’ai subi une opération parce que le secret est resté entre mon mari et moi. Quelques temps après mon opération, mon mari et moi avons eu des rapports sexuels sans trop de difficultés parce qu’on nous a montré comment faire pour que l’organe opéré puisse s’accommoder à cela. En tout cas maintenant, je sens que je suis une femme. Je suis contente et mon mari l’est aussi. Cette réparation a boosté notre amour. Nous nous sentons plus que liés. Et même que j’attends un enfant ». Ce bonheur débordant, H. K., 29 ans, étudiante dans une Ecole professionnelle, victime de l’excision, est toujours à sa recherche.

« Depuis un certain temps, je cherche à me faire réparer mais je n’y arrive pas. Je ne savais pas que l’on pouvait réparer les séquelles de l’excision. J’en ai entendu parler chez une dame. Alors, j’ai cherché à la rencontrer et elle m’a conseillée d’aller en consultation à l’hôpital du district de Kossodo à Ouagadougou. Le jour où je me suis rendue dans cet hôpital, après renseignement, on m’a signifié que la consultation coutait 2 000 F CFA. Ce jour-là, je n’avais rien sur moi. Donc je suis repartie à la maison sans voir un agent de santé. Quand je suis allée à Bobo-Dioulasso pour mes études, j’ai encore essayé de voir un médecin, mais je n’y suis pas arrivée parce qu’on repousse sans cesse mon rendez-vous », a-t-elle témoigné. H. K. dit avoir besoin de la réparation parce que les rapports sexuels avec son conjoint, au lieu d’être  source de plaisir, sont plutôt source de souffrance parce que c’est très douloureux, et, ce qui constitue une des raisons qui a conduit à la rupture avec son conjoint. C’est dire à quel point la réparation des séquelles soulage les victimes de l’excision.

Selon Pr Michel Akotionga, vice-président d’honneur du Conseil national de lutte contre l’excision et concepteur à moindre coût de la réparation des séquelles, « toutes les séquelles de l’excision sont réparables ». Et de relever  que « l’excision est un bafouement extrême des droits de la femme. C’est une pratique rétrograde par rapport à notre époque qui ne devrait pas avoir lieu. La pureté corporelle ne tient qu’à l’hygiène. Aucune religion n’a jamais prôné l’excision pour que la femme soit pure. C’est une vision d’esprit de certaines personnes malveillantes qui veulent perpétuer la pratique de l’excision. En ce qui concerne la réparation à proprement parler, quand je suis arrivée à l’hôpital Yalgado en 1989, j’ai constaté que beaucoup de femmes venaient pour se faire réparer, mais peu étaient opérées parce qu’il fallait qu’elles achètent le sérum glucosé, le perfuseur, l’intra nul, les compresses, les seringues et bien d’autres choses. Compte tenu du niveau de vie à l’époque, tout le monde ne pouvait pas avoir accès à la réparation. Alors, j’ai essayé de faire la xylocaïne localement pour minimiser les coûts et empêcher l’hospitalisation, et cela a marché. Donc de nos jours, pour la réparation, on n’a besoin que de la xylocaïne, un paquet de compresse, de la pommade, de la bétadine ; en gros, moins de 10 000 F CFA. Et après l’opération, la femme réparée peut rentrer immédiatement chez elle, parce qu’elle n’a plus besoin d’être hospitalisée ». Selon lui, toutes les femmes excisées n’ont pas besoin de réparation : « Pour celles qui ont subi le type 1 qui consiste en l’ablation du clitoris en partie ou en totalité, il n’y a rien à faire, sauf si elles tiennent à faire une reconstruction clitoridienne. Quant à celles qui ont une gêne ou ressentent une douleur pendant les rapports sexuels, nous faisons une vulvo-plastie qui leur permet d’avoir des rapports normaux et d’accoucher normalement, sans problèmes ». En toute chose, la prévention est la solution idoine. C’est pourquoi Pr Michel Akotionga affirme que « l’excision n’a aucun bénéfice. Elle n’a que des inconvénients. Donc il faut absolument arrêter cette pratique néfaste et rétrograde ».

Françoise DEMBELE

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