Prévention de la transmission mère enfant du vih: Dr Eric Somé pour l’application des recommandations de l’OMS

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La transmission du VIH/SIDA se fait par l’échange de secrétions biologiques liquides dont le sang, les secrétions vaginales et rectales, le sperme, et le lait maternel. Dans le cas de la transmission mère enfant du VIH (15 à 40 % en l’absence d’intervention), le passage du virus peut se faire pendant la grossesse (5 à 10 %), l’accouchement (10 à 15 %) et l’allaitement maternel (5 à 20 %).

Pendant la grossesse, la transmission se fait à travers une contamination directe du sang foetal par migration des virus à travers le placenta ou une colonisation du sac et du liquide amniotique, toute chose favorisée par les contractions utérines surtout en fin de grossesse.

Pendant le travail et l’accouchement, la transmission se fait par le contact des muqueuses et de la peau du bébé avec le sang, le liquide amniotique et les secrétions vaginales de la mère. Cette transmission est également facilitée par les contractions utérines, la traversée du tractus génital avec ses chocs et l’ingestion et l’absorption de ces fluides tout au long du tube digestif immature du bébé. La transmission pendant l’allaitement se fait également par ce dernier mécanisme facilité par des lésions provoquées par les aliments autres que le lait maternel, les situations d’inflammation du tractus digestif de l’enfant (diarrhées, mycoses buccales de l’enfant), les situations d’inflammation du sein de la mère (mastite).

Le monde s’est engagé à éliminer le SIDA au niveau des enfants, des adolescents et des jeunes femmes à l’horizon 2020 ; en termes de chiffres, il s’agit de réduire les nouvelles infections infantiles à moins de 40 000 en 2018 et à moins de 20 000 en 2020 (https://www.avert.org/professionals/hiv programming/prevention/prevention-mother-child#Global PMTCT targets). En effet, il existe des interventions simples et efficientes qui peuvent permettre l’atteinte de cet objectif. Il s’agit pour commencer, de prévenir l’infection, par le VIH, des jeunes filles et des femmes en âge de procréer. Ensuite, il faut prévenir les grossesses non désirées au niveau des femmes vivant avec le VIH. Enfin, il faut prévenir la transmission du VIH des mères infectées à leurs foetus ou leurs enfants. Pour ce dernier axe, les méthodes comprennent la désinfection du tractus génital, l’accélération de l’accouchement dès que la poche des eaux est rompue, l’évitement des manoeuvres obstétricaux (nombreux touchers vaginaux, versions, forceps…), de l’épisiotomie, de la traite du cordon ombilical…. La stratégie phare avec le maximum d’efficacité reste l’utilisation  des antirétroviraux en péri-partum ( i.e immédiatement avant et après l’accouchement,) chez la mère et en post-partum (après l’accouchement) chez l’enfant qui allaite.

La prévention de la transmission mère enfant (PTME) du VIH par les antirétroviraux.

Par l’utilisation des antirétroviraux, le nombre d’enfants infectés par le VIH, par la voie de la transmission mère-enfant, est passé de 400 000 en 2009 à 240 000 en 2013 (1). Cette utilisation des  ARV pour la PTME a connu trois types de protocoles que sont les options A, B et B+. Ces options ont été des recommandations de l’OMS au cours du temps et de l’évolution de la prise en charge de l’infection à VIH. Elles se poursuivent après la naissance lorsque la mère fait l’option de l’allaitement maternel. Mais ces options ont toutes leurs limites.

L’option dite A, a consisté à donner des ARV à la mère et au nouveau-né dans le seul but de la PTME. De ce fait, la combinaison thérapeutique ne constituait pas une trithérapie. Ainsi, il était administré à la femme séropositive la Zidovudine ou AZT dès la 14ème semaine de grossesse, suivi d’une dose unique de nevirapine au début du travail et une association AZT+lamivudine jusqu’à une semaine après la grossesse. Le nouveau-né recevait quotidiennement la nevirapine sirop de la naissance jusqu’au sevrage.

Dans l’option B, une trithérapie est donnée à la mère à partir de la 14ème semaine de grossesse jusqu’au sevrage. La névirapine ou l’AZT sirop est administrée au bébé pendant les six premières semaines de vie.

L’option B+, quant à elle, consiste en l’option B mais démarrant dès le diagnostic de l’infection à VIH et pour toute la vie pour la mère. Instituée initialement pour résorber les problèmes logistiques posés par l’option B (difficulté d’évaluer le traitement à travers l’analyse des CD4), l’option B+ a démontré de nombreux avantages non seulement en PTME, mais également en protection du partenaire séronégatif et partant en potentiel de résorber la pandémie du VIH.

Le tableau unique (utilisant des données de J Karnon et Al) compare les avantages des différentes options en termes de pourcentage d’enfants infectés et de coût de mise en œuvre. Les deux bémols de l’option B+ sont le coût de sa mise en œuvre et l’adhésion des femmes séropositives. En effet, pour de nombreuses femmes, il n’y a aucun intérêt à s’intoxiquer avec des médicaments alors qu’on est encore bien portant (le traitement est administré dès la preuve de l’infection du sujet, même en dehors de tout symptôme). De nombreuses femmes ne reviennent pas après la première visite de mise sous traitement, surtout lorsque ce traitement est administré le jour même du diagnostic de l’infection à VIH. Parmi celles qui continuent après la première visite, certaines arrêtent après l’accouchement ou le sevrage.

Tableau unique: Comparaison entre les différentes options de PTME en termes d’enfants infectés et de coûts de mise en oeuvre

  Enfants infectés par le VIH (%) Coût sur 1 an (USD*) Coût sur 10 ans (USD) Coût sur toute la vie (USD)
Sans intervention 24,8     5885
Option A 7,5 16 – 76 624 5708
Option B 5,7 114 – 470 749 5634
Option B+ 5,7 114 – 470 1470 6614
         

*Dollar Américain                                                                                                       Source : Jonathan Karnon et Nneka Orji (2)

L’étude ANRS 12174 (3) a été un essai clinique international, randomisé qui a comparé l’efficacité de deux ARV (la lamivudine et le lopinavir/ritonavir) à prévenir la transmission mère enfant du VIH-1. Dans cette étude, l’option A était appliquée aux mères et aux enfants jusqu’à une semaine  après l’accouchement. A partir du 7ème jour de vie, les traitements de l’étude étaient administrés aux nouveau-nés jusqu’à une semaine après le sevrage sans que la durée du traitement de l’étude n’excède 50 semaines. Les résultats ont montré un taux d’infection à VIH de 1,4 et 1,5 % respectivement pour le lopinavir/ritonavir et la lamivudine sans que cette différence ne soit statistiquement significative.

Les B A BA de la PTME ou option B+ A_méliorée

Malgré le choix affiché de l’option B+ au niveau mondial, cette option expose à des opportunités manquées de PTME du VIH que l’option A pourrait rattraper. En effet, malgré la prise des ARV par la mère pendant la grossesse, le travail et après l’accouchement, certains réservoirs du VIH (notamment dans le lait maternel) resteraient non contrôlés, permettant des transmissions résiduelles du virus à l’enfant pendant l’allaitement maternel (4). Aussi des mères parfois, ne se sentent pas prêtes à entreprendre un traitement à vie au tout début de leur infection. Dans ce cas, combiner l’option B à l’option A constituerait un compromis acceptable. Cela consisterait par exemple à prendre une trithérapie pour la mère pendant la grossesse jusqu’en postpartum précoce. L’enfant serait initié à une monothérapie (lamivudine ou lopinavir/ritonavir) de la naissance jusqu’à une  semaine après le sevrage. Les évidences scientifiques existent déjà et pourraient se renforcer avec la pratique.  Enfin au niveau national, de nombreux pays pauvres peinent encore à assurer la mise sous traitement et l’approvisionnement régulier en ARV des personnes vivant avec le VIH dont l’état de santé l’exige. Le choix de la couverture universelle en ARV apparaît alors comme une utopie que le pragmatisme des autorités sanitaires pourrait couvrir, pour ce qui est de la PTME, par un dosage savant des options A et B pour atteindre les objectifs fixés pour 2020 sans sacrifier trop de devises ou encore tendre trop la main pour l’aide. L’OMS fait des recommandations. Chaque pays a le devoir de les adapter, le mieux possible, à ses réalités en ne perdant pas de vue l’évidence scientifique.

Eric N SOME Médecin, épidémiologiste                                    Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS)                                                                                         CNRST                                                                                                                                        Tel 78 84 95 74

  1. World Health Organization. Global update on the health sector response to HIV, 2014. WHO. 2014:16.
  2. Karnon J, Orji N. Option B+ for the prevention of mother-to-child transmission of HIV infection in developing countries: a review of published cost-effectiveness analyses. Health Policy and Planning,. 2016;31(8):1133–41.
  3. Nagot N, Kankasa C, Tumwine J, Meda N, Hofmeyr G, Vallo R e, et al. Extended pre-exposure prophylaxis with lopinavir–ritonavir versus lamivudine to prevent HIV-1 transmission through breastfeeding up to 50 weeks in infants in Africa (ANRS 12174): a randomised controlled trial. The Lancet. 2015;14(04841):8. Epub November 18, 2015
  4. Van de Perre P, Rubbo P, Viljoen J, Nagot N, Tylleskär T, And Lepage P. HIV-1 reservoirs in breast milk and challenges to elimination of breast-feeding transmission of HIV-1. Sci Transl Med. 2012;4(143):14.

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