Pr Nicolas Meda, ministre de la Sante : « L’opérationnalisation de la Fonction publique hospitalière c’est à partir du deuxième semestre de 2018 »

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Pr Nicolas Méda, ministre de la Santé, est  notre invité de la semaine de votre rubrique. Nous abordons avec lui plusieurs sujets liés à la question de santé au Burkina Faso. Jugez-en vous-mêmes,  le ministre répond sans détour à nos questions. Lisez plutôt !

 

« Le Pays »: Avez-vous été surpris par votre reconduction à la tête du ministère de la Santé, à la faveur du dernier remaniement ?

 

Pr. Nicolas Méda : C’est difficile de répondre à des questions de ce genre. Le poste ministériel est un poste de passage ; ce n’est pas de la chefferie traditionnelle. Je sais qu’à tout moment, la confiance du Premier ministre ou celle du Président du Faso peut m’être utile. Quand tu es ainsi formaté, tu ne peux être étonné de rien. Apparemment, nous avons travaillé pendant l’année 2017 à mériter cette confiance des plus hautes autorités de l’Etat. Je pense que je n’avais pas de doute que je pouvais faire partie de la continuation, mais je sais qu’à tout moment, ça peut s’arrêter, même quand on a bien travaillé. Le renouvellement permet de créer une nouvelle dynamique dans un secteur. Je suis prêt à aller servir ailleurs, à tout moment. J’adore la craie d’ailleurs.

 

A partir de quel moment  verra-t-on l’opérationnalisation de la Fonction publique hospitalière ?

 

La loi a été votée. Elle sera promulguée par le président du Faso, mais il y a 22 décrets et arrêtés d’application qui doivent être pris. Je me dis que d’ici juin prochain, tous ces décrets et arrêtés seront prêts. En principe, l’opérationnalisation de la Fonction publique hospitalière va débuter à partir du deuxième semestre de l’année 2018, mais tout commence à partir du 1er janvier 2018 pour les travailleurs.

 

En 2017, quels ont été vos principaux échecs ?

Il y a eu des échecs, mais ils ne sont pas du ressort du ministère de la Santé. Si vous vous rappelez, tout le monde, en juin et juillet 2017, ne parlait que du PPP (Partenariat Public-Privé). On a voté une loi pour permettre de passer des marchés de construction d’infrastructures, que ce soient des infrastructures routières ou sanitaires,  mais pour certaines raisons, on n’a pas pu atteindre tous les objectifs fixés. Toutefois, on est en train de revoir les choses. Les perspectives sont bonnes.

D’aucuns estiment que les questions de santé sont gérées au jour le jour. La preuve en serait les ruptures de médicaments qui vous ont contraint à animer une conférence de presse. Qu’en dites-vous ?

J’ai tenu cette conférence de presse parce qu’il y a eu un reportage où il est dit que le dysfonctionnement au niveau de la Direction générale de l’accès aux produits de santé, expliquait les ruptures de médicaments dans les pharmacies privées. En plus, le reportage disait que les dysfonctionnements dans cette direction générale, expliquaient le fait que des containers étaient bloqués en douane. La conférence de presse vous a donné des réponses. La rupture de médicaments dans les pharmacies privées concerne des médicaments de spécialités pour lesquels les fabricants ne veulent plus vendre au Burkina. J’avais expliqué cela en disant que le fabricant a estimé que la taille du marché burkinabè, ne lui rapporte rien. Ce sont des considérations capitalistes. Ils sont dans d’autres pays et refusent que ces pays servent le Burkina. Je ne comprends pas ce qui se passe mais nous, notre réponse nationale, a été d’avoir les génériques de ces médicaments que la CAMEG a commandés. Et ces génériques sont disponibles. En tant que ministre de la Santé, je préfère valoriser davantage les génériques de qualité, accessibles au pouvoir d’achat des Burkinabè. Le deuxième niveau, pour votre question, concerne le dysfonctionnement qui fait que des containers remplissent la Douane. J’ai fait vérifier et on m’a envoyé un document dans ce sens. On n’est pas au courant d’un tel problème. Cette direction délivre les autorisations d’importation. Les autorisations d’importation sont délivrées, mais le grossiste privé doit satisfaire à une certaine procédure au niveau de la Douane. Il y a effectivement, au niveau de certains grossistes, des gens qui, sans doute, refusaient de se plier à une nouvelle règlementation en matière d’importation. Je reconnais qu’il y a eu une confusion durant deux semaines, en octobre, pour savoir qui va signer quoi. Ça, je le reconnais, mais cela a été rattrapé.

 

Il y a aussi la question de la rupture du vaccin antirabique. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

Le vaccin n’est malheureusement pas importé par le secteur public. Nous, nous avons ce qu’on appelle les vaccins de programme élargi de vaccination. Le vaccin de la rage n’en fait pas partie. Donc, le ministère de la Santé n’importe pas ce vaccin. Généralement, il est importé par les privés et les collectivités territoriales qui s’occupent des services d’hygiène.

 

Il nous est revenu que ce n’est pas le parfait amour entre vous et les pharmaciens. Qu’en dites-vous ?

Il y a eu, je crois, des incompréhensions au niveau du nouvel organigramme. J’ai, dans le plan de transformation du ministère de la Santé, un nouvel organigramme qui a regroupé les métiers du ministère en deux grands groupes. Notre approche est celle centrée sur le patient. C’est-à-dire que vous mettez le malade au milieu et vous l’entourer de toutes les professions de santé  capables de soulager son mal ou de le guérir. Vous avez le médecin, celui qui fait des analyses de biologie, celui qui fait les analyses d’imagerie médicale pour permettre après au médecin de poser le bon diagnostic et de prescrire l’ordonnance. Et quand l’ordonnance est prescrite,  le pharmacien intervient pour délivrer le bon médicament et ensuite, les infirmiers interviennent pour administrer le traitement ;….C’est cela l’approche centrée sur le patient. Les pharmaciens sont venus dire qu’ils ne veulent pas de ce cercle ; qu’ils sont suffisamment importants pour être seuls. L’approche centrée sur le malade n’est pas partagée par beaucoup de gens (dont les pharmaciens, ndlr) bien que cela soit la référence que l’OMS recommande à l’ensemble des pays, c’est-à-dire de travailler en équipe pluridisciplinaire pour soigner les malades.  C’est en réalité ce concept que j’ai voulu traduire au niveau de la Direction de l’offre de soins,  mais je n’ai pas été compris. Les pharmaciens ne veulent pas entrer dans ce cercle pour d’autres raisons. Je pense que la raison n’est pas qu’ils contestent l’approche centrée sur le patient. La raison, c’est qu’ils disent que les médecins sont hégémoniques dans le système de santé et donc, s’ils sont dans ce cercle, ils seront tout-petits. De discussions en discussions, on a accepté de créer une direction générale de l’accès aux produits de santé, pour permettre aux pharmaciens d’agir dans ce domaine. Dans ce domaine, de toute façon, ce qu’ils vont faire comme actions, n’aurait d’intérêt que si cela participe à l’offre de soins. Si ce n’est pas pour guérir le patient, il n’y a aucun intérêt à apporter des médicaments. Mais je dois vous dire que toutes les difficultés sont aplanies. Peut-être que dans dix ans, quelqu’un pourra mettre les pharmaciens dans le cercle de l’approche centrée sur le patient ; pour le moment, ils veulent rester en dehors.

Comment expliquez-vous les ruptures des produits au niveau de la gratuité des soins ?

Je m’attendais à cette question. Effectivement, beaucoup de problèmes de la gratuité des soins, sont liés aux ruptures de médicaments dans les formations sanitaires. La raison des ruptures, c’est une mauvaise maîtrise de la chaîne d’approvisionnement en produits de santé. Une direction sera mise en place. Elle sera chargée de la chaîne d’approvisionnement en produits de santé, qui va réellement fournir des compétences du niveau primaire au niveau tertiaire, pour éviter les ruptures de stocks. Les ruptures de stocks sont surtout liées au fait que les gens ne maîtrisent pas la chaîne de l’approvisionnement en produits de santé. C’est quand le produit n’est plus sur l’étagère que l’on dit qu’il faut commander alors que l’on sait que pour commander, il faut au moins trois mois. Nous voulons inculquer aux acteurs ce qu’on appelle les stocks de sécurité, les seuils d’alerte, pour mieux gérer les aspects de commande de produits. La deuxième cause de rupture de stocks, c’est tout ce qui est mauvaises  pratiques dans les formations sanitaires. Les gens ont inventé de nouvelles formes de rackets, de ventes parallèles et de retraits des produits. Sortez sur le terrain et vous-mêmes allez nous aider à dénoncer ces trafics. L’homme est ingénieux pour imaginer des formes parallèles de gestion.

 

Il y a des grossistes qui pensent que les ruptures s’expliquent par une sorte de monopole donnée à la CAMEG. Quel est votre avis sur cet aspect ?

Je vais être formel : nous allons même amplifier le monopole de la CAMEG. Il est clair que la politique que le système de santé a choisie, c’est celle de médicaments de qualité à des prix accessibles à la population. Et c’est la CAMEG qui est chargée d’opérationnaliser cette politique. Tant qu’on n’a pas changé cette politique, nous allons donner le monopole de médicaments génériques à la CAMEG. Il faut être ferme quand il le faut. Le Burkinabè veut un médicament de qualité moins cher et c’est le générique qui répond à ce besoin. Ce n’est pas la spécialité. Nous sommes  en train de réformer la CAMEG. Nous voulons qu’elle s’engage, dans sa nouvelle transformation, à baisser, année après année, le prix des médicaments génériques offerts à la population. Pour le moment, on dirait que les prix restent constants ; ce n’est pas normal, car la CAMEG avait pour mission de faire baisser progressivement les prix des médicaments génériques.

Où en êtes-vous avec les revendications des syndicats au niveau de votre ministère ?

On a beaucoup avancé. Il y a quatre grandes revendications. La première, c’est l’amélioration des conditions de travail. Vous avez vu qu’en octobre passé, le Conseil des ministres a autorisé des marchés en entente directe, pour équiper l’ensemble des formations sanitaires du pays. Cela ne peut qu’améliorer les conditions de travail. Tout ce que je vous ai décrit comme construction d’infrastructures, vise à désengorger les structures actuelles et à améliorer les conditions de travail. Le deuxième chapitre des revendications, c’est l’amélioration du plan de carrière des agents de santé. Il y a beaucoup de catégories qui sont mal classées ; nous sommes en train de relire, avec la Fonction publique, le répertoire interministériel des métiers de l’Etat (RIME) où nous allons classer l’ensemble des emplois. On va peut-être créer de nouveaux emplois et pour cela, nous allons dire quelles sont les conditions d’accès et à quel niveau on accède à cet emploi. Si ce RIME est validé, on va lancer de nouveaux concours professionnels. Par exemple, aujourd’hui, au Burkina, nous allons recruter les infirmiers, les sages-femmes, les techniciens de biologie médicale avec le niveau BAC. On a décidé d’organiser des examens pour les professions que l’on ne recrute plus. C’est le cas des accoucheuses auxiliaires. Nous voulons élever le niveau. Le troisième niveau de revendication est ce qu’on appelle les conditions de rémunération des agents de santé. Nous avions voulu reverser beaucoup de ces revendications dans la loi de la Fonction publique hospitalière mais, apparemment, les syndicats sont satisfaits des conditions de rémunération concédées par le gouvernement. La dernière revendication, c’est la participation des partenaires sociaux à la gestion des structures de santé. Ce n’est pas  une revendication qui est nouvelle au système de santé. Je pense que cette disposition est diversement appliquée par les établissements de santé. L’idée est de travailler à harmoniser les pratiques, pour que les partenaires sociaux participent à la gouvernance. Dans l’ensemble, on avance.

Que pensez-vous de la contribution du secteur privé dans le domaine de la santé ?

Nous avons une très bonne opinion de l’apport du secteur privé dans le système de santé. Dans le nouvel organigramme, j’ai décidé de créer une direction du secteur privé de santé, pour gérer deux grandes choses. D’abord, la qualité de la formation dans les établissements privés de santé. Le rapport parlementaire a dénoncé un certain nombre de dysfonctionnements et nous allons travailler à corriger cela. Ensuite, il y a la question de la régulation du secteur privé en termes cliniques où clairement, je vois que ce sont des fonctionnaires qui animent les cliniques. Le secteur privé doit créer des emplois. Il y a beaucoup d’écoles privées qui forment des infirmiers, des sages-femmes qui ne savent pas quoi faire, qui attendent que l’Etat les recrute. Le secteur privé doit pouvoir les recruter. C’est ce que le secteur privé ne fait pas encore suffisamment. Je pense qu’il doit s’impliquer pour créer des emplois, pour créer une dynamique économique et nous, nous allons les accompagner avec des facilités fiscales afin qu’ils aient un rôle dans l’offre de soins au Burkina Faso.

Avez-vous des choses qui vous tiennent à cœur, à ajouter pour conclure cet entretien ?

Je voudrais ajouter trois choses. Premièrement, j’ai foi que si nous communiquons mieux, beaucoup de difficultés qui sont vues comme telles par la population ou par les acteurs du système de santé, trouveront solutions. Je pense que non seulement nous ne communiquons pas beaucoup, mais aussi nous ne communiquons pas bien. Aidez-nous à mieux communiquer. Deuxièmement, nous voulons apporter une transformation au niveau du système de santé. Cette transformation est voulue pour produire davantage de santé. Je pense que dans le contexte actuel du Burkina Faso, on gagnerait mieux à empêcher les Burkinabè de tomber malades parce que l’argent ne suffira jamais pour les soins. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit l’adage. Nous devons mobiliser nos efforts autour de la prévention. Tout le monde y gagnera. Troisièmement, il est clair que le changement fait toujours peur. Résister au changement est toujours naturel, mais je compte travailler avec l’ensemble des acteurs de la santé qui doivent être les moteurs du changement que nous comptons opérer dans le système.

Source : Le Pays

 

Le ministre sur les principaux chantiers du ministère de la Santé en 2018

« Je peux catégoriser les grands chantiers en 2018 en trois grands domaines. Le premier domaine, c’est tout le dispositif d’offre de soins de santé ; le deuxième domaine, ce sont les grandes interventions de santé publique; le troisième domaine, c’est tout ce qui est lié à la gouvernance du système de santé. Au niveau du dispositif d’offre de soins, il y a tout ce qui est développement des infrastructures de santé. Si tout se passe bien, beaucoup de réalisations seront faites. Nous pouvons vous citer des exemples : la construction du centre hospitalier universitaire de Bassinko, celui de Bobo-Dioulasso (le deuxième de la ville de Sya, ndlr)  et là, je voudrais préciser qu’il n’y a plus de polémique sur le choix du site d’implantation. En plus de ces deux grands projets, nous allons continuer la construction des CHR de Ziniaré et de Dédougou. On va commencer la construction  de celui de Manga aussi. Deux autres CHR doivent être absolument démarrés : celui de Gaoua et celui de Fada N’Gourma. Nous allons continuer la transformation du CHR de Ouahigouya en CHU, en augmentant le nombre de services et en implantant une faculté de médecine à l’hôpital. A Ouagadougou, nous avons comme chantier, la construction de l’hôpital de district de Boulmiougou, pour augmenter l’offre de soins dans cette zone. Au niveau primaire, nous avons l’ambition de poursuivre les constructions des CSPS. Le chef de l’Etat a pris l’engagement de construire 240 CSPS en plus. Nous allons également ouvrir ceux qui ont été déjà construits. Nous irons vers des instituts spécialisés et certains sont déjà fonctionnels.  En ce qui concerne les grandes interventions de santé publique, 2018 sera la continuation de la politique de gratuité des soins ; l’accompagnement, la mise en œuvre de l’assurance maladie universelle et surtout, pour nous, la déclaration de la gratuité de la planification familiale pour la femme, surtout la jeune fille. Nous allons continuer avec tout ce qui est nutrition. Cette année, il y a un risque de famine au Burkina. Qui dit risque de famine, dit souffrances chez les enfants en croissance. Nous avons un grand programme de complément nutritionnel que nous devons acquérir pour qu’à partir de juin, toutes les régions où le déficit a été enregistré, puissent être secourues pour éviter les retards de croissance. Nous voulons aussi inscrire certaines maladies à l’élimination. Il s’agit notamment du paludisme, de la tuberculose, des hépatites virales. Le grand chantier pour nous, c’est l’opérationnalisation de la Fonction publique hospitalière.     En matière de gouvernance, nous créerons de nouvelles institutions dans le système de santé au Burkina Faso. Il y en aura trois. La première institution, c’est l’Agence de gestion des soins de santé primaire. Elle va regrouper le Réseau des hôpitaux de district, le Réseau des centres médicaux des communes rurales et le Réseau des CSPS inter-villages. La deuxième institution, c’est l’Institut national de santé publique. On devrait le créer depuis 2016, mais il y a eu quelques difficultés de préparation. La troisième institution s’appelle INESS, Institut national d’excellence en soins de santé, qui va concerner l’ensemble des formations sanitaires du pays où nous allons mettre en place tous les outils de contrôle de la qualité des soins offerts, toutes les garanties de sécurité des patients, entre autres. Une ancienne institution connaîtra une transformation. C’est le Laboratoire national de santé qui va devenir l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation. Au niveau des pharmaciens, nous avons créé une Agence nationale de régulation pharmaceutique qui se veut un organe qui va garantir que le médicament que le Burkinabè prend, est de qualité. Ce sont là quelques chantiers de notre département, pour cette année 2018. »

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