HYPERTENSION ARTERIELLE : « LA POTASSE, UN FACTEUR PROTECTEUR », selon Dr HAMADOU SEOGO

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Selon l’OMS, l’Hypertension artérielle (HTA) tue 9 millions de personnes par an à travers le monde. Il s’agit de la plus fréquente des affections cardio-vasculaires. Le caractère silencieux de l’HTA, le vieillissement de la population et la prévalence de l’obésité et de la sédentarisation en ont fait un problème majeur de santé publique dans les pays développés et en voie de développement. Dans le monde, près d’un adulte sur trois est hypertendu. Ce nombre devrait croître de 60% pour atteindre 1,56 milliard d’hypertendus d’ici 2025. Bien que l’HTA touche autant d’hommes que de femmes, selon les statistiques, sa fréquence augmente avec l’âge. Et ce constat, Dr Pedwindé Hamadou Seogo l’a aussi fait à Koumbri, un département situé dans le District sanitaire de Ouahigouya. A travers cette étude, Dr Pedwindé Hamadou Seogo, ex-médecin chef du district sanitaire de Ouahigouya et épidémiologue de terrain, a relevé que l’HTA prend de l’ampleur à Koumbri qui est pourtant une bourgade. Démontrant  ainsi que l’HTA sévit aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain. Pour y remédier, Dr Seogo invite à une prise de conscience aussi bien du côté des autorités que du côté des populations.

 

« Santeactu.bf »: Pouvez-vous nous dire ce qu’est l’hypertension artérielle ?

Dr Hamadou Seogo : La tension c’est une pression qui est dans le sang. Et cette pression permet au cœur d’envoyer le sang dans toutes les parties de l’organisme. Il existe deux pressions ; lorsque le cœur se contracte et envoie le sang, c’est la pression la plus élevée qui est dans notre jargon « la pression artérielle systolique ». Lorsque le cœur fini d’envoyer le sang, il se repose. C’est ce que l’on appelle « la pression artérielle diastolique ». C’est la raison pour laquelle, dans la prise de tension on a deux chiffres. On parle d’hypertension artérielle lorsque la pression artérielle systolique est au-dessus de 140 millimètres de mercure et la pression artérielle diastolique ou la minimale soit supérieure ou égale à 90 millimètres de mercure.

Quelles sont les causes de l’hypertension artérielle ?

En réalité, il n’y a pas de causes spécifiques parce que la plupart des causes sont, dans 90% des cas, inconnues. Le reste, c’est de l’hypertension artérielle que nous appelons essentielle parce qu’on ne sait pas où se trouve la cause. Dans 10% des cas, on peut avoir une cause et elles sont généralement d’origine rénale, la maladie de chrome, etc.

On n’a pas de causes en tant que tel mais on a des facteurs de risque. Ces facteurs de risque sont nos comportements, nos attitudes qui peuvent amener à l’apparition de cette pathologie.

Le milieu de vie, urbain ou rural, favorise-t-il la fréquence de la maladie ?

Avant, les différentes études ont montré que la maladie existait beaucoup plus en milieu urbain. Mais des études récentes ont prouvé que bien que dans le milieu urbain le taux de la maladie soit plus élevé, le milieu rural commence à présenter des cas d’hypertension artérielle. Et, selon des études de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le milieu rural, on commence à voir le nombre de cas augmenté au sein d’une population. Par exemple au Ghana, dans les années 1973, dans 20 villages, sur 100 personnes on n’avait que 4 ou 5 personnes atteintes. On reprend la même étude 20 ans plus tard, dans les mêmes villages, on se rend compte que sur 100 personnes il y en a 25 à 30% qui sont atteintes. Nous pouvons dire que le milieu rural commence aussi à être affecté. Pourquoi ? Peut-être que les habitudes alimentaires sont devenues les mêmes ; on préfère manger le spaghetti. Peut-être qu’on n’aime plus la sauce potassée au village. Peut-être qu’on mange plus salé ?

Vous avez fait une étude sur l’hypertension en milieu rural. Qu’est-ce qui vous a incité à faire cela ?

La majeure partie des études était en milieu urbain. Il y a eu des études au Burkina Faso, qui ont apporté des informations utiles sur les facteurs de risque associés à l’hypertension artérielle. En 2004, le Pr Niakara qui est cardiologue avait trouvé que dans la ville de Ouagadougou, l’hypertension est un phénomène qui prend de l’ampleur. Il a donc sonné l’alarme en son temps. Dr Doulougou qui est à l’Institut national de recherche de la science de la santé, en 2011, avait aussi fait une étude à Kaya et dans la périphérie de la même ville, et il avait trouvé que la pathologie existait et que si l’on n’y prend pas garde, elle est en train de pendre de l’ampleur. L’OMS avait demandé à tous les pays de faire le point  des maladies non transmissibles. C’est ainsi qu’au Burkina Faso en 2013, une étude a été conduite sur l’ensemble du pays. Au cours de cette étude on s’est rendu compte que dans la région du Nord, sur 100 personnes, 13 étaient atteintes d’hypertension artérielle. Dans le district sanitaire de Ouahigouya, nous avons analysé les données. De 2007 à 2014, sur une période de 7 ans, on s’est rendu compte qu’il y a un département du nom de Koumbri situé à 35 km de Ouahigouya, où le nombre de cas d’hypertendus est passé de 200  à 640 cas, sur une population de 26 000 habitants, si l’on tient compte des personnes âgées de 18 ans et plus. Pourquoi de façon absolue, on a une augmentation de 214% ? Rapportant ce chiffre à la population du district qui comptait en son temps 9 départements et 70 formations sanitaires, on a constaté que la prévalence de département dépassait la ville de Ouahigouya. Donc le département de Koumbri était le plus touché. Et pourquoi le milieu rural ? On a remarqué que la plupart des études avaient aussi abordé la question des facteurs de risque sur une approche transversale en milieu urbain. Cela veut dire qu’à une période donnée, on a pris une photo et on a analysé. Cette approche permet de poser des hypothèses, des substitutions.  Nous avons décidé de faire une étude de cas-témoins pour voir réellement quels facteurs sont associés à l’hypertension artérielle dans ce département.

Alors qu’avez-vous observé ?

Dans le domaine, nous avons des facteurs modifiables et des facteurs non modifiables. Dans le département de Koumbri, nous avons trouvé que l’âge est un facteur de risque. Plus tu avances en âge, plus tu es exposé à faire l’hypertension artérielle. Nous avons posé la barre à 40 ans. Ceux qui ont moins de 40 ans ont moins de risque de faire une hypertension artérielle que ceux qui ont plus de 40 ans. Et le risque est plus élevé lorsque vous avez 54 à plus de 65 ans. L’âge est un facteur non modifiable. Plus on vieillit plus les vaisseaux deviennent rigides et ne peuvent pas s’étendre. Nous avons aussi trouvé comme facteurs non modifiables associés dans ce département, les antécédents d’hypertension artérielle familiaux. Si mon papa est hypertendu cela ne veut pas dire que je vais faire l’hypertension artérielle mais, j’y suis exposé si je n’ai pas une bonne hygiène de vie.

Les facteurs de risques modifiables que nous avons trouvé est l’obésité abdominale. Nous avons trouvé que la personne qui est grosse n’a pas un facteur de risque. Mais la personne ayant un gros ventre a un risque énorme de faire une hypertension artérielle. L’obésité abdominale fait que l’on produit une mauvaise graisse qui peut expliquer une résistance périphérique, qui entre dans la définition de l’hypertension artérielle. Mais ce facteur, on peut agir là-dessus. Nous avons aussi trouvé que ceux qui ne faisaient pas d’activité physique étaient plus exposés à souffrir d’une hypertension artérielle dans les 5-10 ans à venir que ceux qui  le pratiquait. Et à quel moment peut-on dire que l’activité est suffisante ? On peut dire que l’activité est moyenne lorsqu’elle te permet de dépenser 2 400 à 2 500 Kcal par semaine.

Un autre aspect que nous avons trouvé, c’est la présence de conflits intra-familiaux qui sont les mésententes dans la famille. C’est un facteur de risque associé à l’hypertension artérielle. En fait, c’est le stress qui fait monter la tension artérielle. Si une personne est en permanence stressée, elle fera une hypertension. Il faut manager le stress par la résolution précoce des conflits.  Par contre, nous n’avons pas trouvé que les conflits conjugaux constituaient un facteur de risque de l’hypertension artérielle. Cependant, les conflits entre la femme, la belle-famille, la grande famille, pouvaient être un des facteurs de risque associés à  l’hypertension artérielle.

Mais nous n’avons pas trouvé que la consommation de l’alcool, du tabac, est un facteur de risque associé à l’hypertension artérielle dans le département de Koumbri. Il y a l’hypertension dans le département de Koumbri parce que les habitudes de vie et les habitudes alimentaires ont changé. Les habitants de Koumbri ont tendance à prendre le mode de vie urbain. Ils ont tendance à manger plus salé, plus sucré, plus gras.

De façon générale, l’hypertension est-elle une affaire de jeunes ou de vieux ?

De façon générale, la jeunesse est épargnée. La majeure partie des études ont montré que c’est à partir de 45 ans et plus que les personnes sont les plus exposées. Plus on augmente en âge, plus on a tendance à faire une hypertension artérielle. Plus on ne va pas faire le sport, plus on va consommer l’alcool, plus on ne va pas manger des feuilles et des légumes, plus on fera l’hypertension artérielle. Il est prouvé que l’âge est un facteur de risque.

Avez-vous constaté que l’on assiste à une augmentation des cas d’hypertension artérielle ?

De façon générale, l’hypertension artérielle est en train d’augmenter au Burkina. La prévalence, qui est le nombre de cas, est en train d’augmenter. Alors que faire ? Le ministère de la Santé a déjà pris conscience parce que l’alarme était seulement donnée par les techniciens qui voient le malade et qui soigne. Le ministère a mis un programme en place, qui permet de prendre en compte l’hypertension artérielle, à savoir le programme de lutte contre les maladies non transmissibles. Nous avons trouvé que lorsqu’on ne fait pas d’activités sportives, on va augmenter de poids et l’obésité abdominale va augmenter. Il faut aider les personnes âgées à faire de l’exercice physique.

Comment prévenir l’hypertension artérielle ?

Pour prévenir l’hypertension artérielle, il faut se dépister. Si les chiffres ne sont pas normaux, cela va vous inciter à faire une consultation. Il faut améliorer votre hygiène de vie, c’est-à-dire manger moins sucré, moins gras, moins salé et manger beaucoup de fruits et de légumes. Il faut aussi faire le sport ; que chaque semaine, on marche pendant 30 à 45 mn. Il faut faire le sport de maintien ; rouler à vélo, marcher. Cela permet d’améliorer l’hygiène de vie. En ce qui concerne les repas, il faut faire un petit-déjeuner, à midi il faut manger la moitié de ce que vous devez manger, et le soir il faut manger très léger. A partir de  19h, il ne faut pas consommer de la viande puisque vous n’allez pas digérer. Mais nous faisons le contraire. Le matin nous ne mangeons pas. A midi, nous mangeons un peu et le soir, nous bourrons le ventre. Il faut manger de la sauce qui contient beaucoup de potasse. Elle est un facteur protecteur. On dit de manger beaucoup de fruits. Mais dans le fruit on recherche le potassium, le magnésium. Ce sont ces éléments qui permettent de protéger le cœur. Mais malheureusement nous aimons manger les spaghettis, le cube maggi, les aliments qui contiennent le sodium (sel) au détriment de la potasse, du soumbala et des légumes. Pour prévenir l’hypertension artérielle, il ne faut pas consommer le tabac et l’alcool et il faut arriver à maîtriser son poids par le sport.

L’hypertension artérielle est-elle réversible ?

Dès que vous avez l’hypertension, le traitement est à vie. L’erreur que l’on fait est celle-ci ; la personne a l’hypertension artérielle, elle vient à l’hôpital, on lui donne un traitement pour normaliser la tension et quelque temps après cette personne arrête le traitement. Et après on reçoit la même personne paralysée. Le traitement que l’on donne est comme si vous mettez un pied sur un ressort. Quand vous l’enlever, le ressort vous tape. En fait, la pression artérielle, à un moment donné sera si forte que les vaisseaux sanguins vont péter. Quand cela arrive, il y a une partie du corps que le cerveau ne reconnait plus. C’est ce qui entraine la paralysie du côté. Vous pouvez aussi faire une crise cardiaque et en mourir. Donc, dès que vous commencez le traitement, c’est à vie. Vous pouvez à un moment donné, réduire les doses de vos médicaments sous conseils de votre cardiologue. Il y a des patients qui nous disent « comme je suis un traitement traditionnel, je vais arrêter le médicament moderne ». Non, ne faites jamais cela. La médecine moderne et la médecine traditionnelle ne font pas la compétition. Il y a le moringa et l’ail qui permettent de réduire la tension artérielle. Mais dès que vous commencez, vous allez constater que la dose du traitement médical va diminuer mais on ne va jamais l’arrêter. La femme enceinte peut faire pendant la grossesse une hypertension artérielle que nous appelons éclampsie. Le médecin peut décider d’arrêter la grossesse si l’enfant se couche sur un vaisseau. Plus l’enfant grossi, plus la quantité du sang  qui doit monter est faible. Ce qui fait que la tension devient forte à l’intérieur du vaisseau. Dans 90% des cas, il faut vivre avec l’hypertension artérielle.

Quelle attitude adopter face à quelqu’un qui fait une crise d’hypertension ?

Il faut l’envoyer urgemment à l’hôpital sans réfléchir. Sinon ses vaisseaux vont péter. Vous pouvez lui donner ses médicaments mais il faut l’envoyer immédiatement à l’hôpital parce qu’à un niveau donné, la voie orale n’est pas la solution. Il faut dans ce cas passer directement par la voie sanguine pour diminuer la pression au niveau du sang. Sinon si c’est mal traité, le patient ferra une insuffisance cardiaque, une insuffisance rénale, des accidents vasculo-cérébraux et des paralysies. Si la tension vous fait tomber et que vous mourrez, c’est encore mieux que si vous vous relevez. Par exemple, on a des personnes âgées qui traînent dans la vie. Elles ne meurent pas et deviennent une charge parce qu’il y a eu une négligence de quelques secondes.

Les pays africains mettent l’accent sur les maladies infectieuses comme le paludisme, mais si l’on ne prend garde les maladies non transmissibles que sont le diabète, les pathologies cardio-vasculaires en général, la drépanocytose, l’hypercholestérolémie sont en train de venir en force. Et cela est dû à notre alimentation ou à notre manière de faire. Si la population arrive à changer de comportement, on limitera les effets de l’hypertension artérielle et des maladies non transmissibles en général.

Interview réalisée par Françoise DEMBELE

 

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